14. Samaël

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Le petit groupe continua son chemin dans les bois, Milo le nez plongé dans la carte, les autres le suivant au pas prés. Chaque mouvement était assuré mais mesuré. Lorsqu’il se baissait, ils faisaient de même, lorsqu’il sautait, ils l’imitaient. Il semblait parfaitement savoir ce qu’il faisait.

« Milo, stop ! » chuchota Katerina.

Tous s’arrêtèrent. Elle leur fit signe qu’elle avait entendu quelque chose. Puis soudain, elle se jeta au sol suivit par tous les autres. Au même moment, une nuée de flèche couverte de peinture rouge s’envolèrent vers eux et manquèrent leur cible. Samaël reconnut tout de suite ces flèches plus légères et fines que les autres.

« PATROUILLEURS ! »

Milo s'envola sans réfléchir. Il fallait fuir et vite. S’ils s’approchaient plus d’eux, les patrouilleurs n’allaient pas les rater. Il courait bien plus vite que Samaël ne s’y attendait. Il slalomait entre les arbres, évitant parfois un obstacle invisible. C’était comme s’il avait mémorisé la carte à la virgule près. Katerina et Jaël suivaient difficilement derrière.

« MOINS VITE ! ON NE PEUT PAS PERDRE LES AUTRES ! »

Milo ralentit la cadence et bientôt, Katerina et Jaël les rattrapèrent. Ils continuèrent de courir pendant un moment. Samaël était essoufflé. Il savait qu’ils ne pouvaient pas poursuivre longtemps avec une telle intensité. Ils avaient tout donné pour fuir les patrouilleurs. Au bout d’un moment, Milo s’arrêta, épuisé. Il s’écroula, suivi de Jaël et Samaël. Ce dernier ne sentait plus ses jambes. Jamais il n’avait couru aussi vite. L’adrénaline faisait encore battre son cœur à toute vitesse. Ils l’avaient échappé belle.

« Où sommes-nous maintenant ? » demanda Jaël en pointant la carte du doigt.

Milo étendit la carte sur le sol et inscrivit les directions cardinales. Il posa ensuite un doigt sur la carte, plus au sud est.

« Nous sommes ici. Je dois encore faire quelques calculs pour en être certain mais je pense que la bonne sortie est celle-ci. »

Il montra un endroit quelque part à l’extrémité sud-est de la carte.

« Je propose que nous continuions de marcher pendant que je termine mes calculs pour ne pas perdre de temps. »

Des heures durant, ils marchèrent, sans incident. Samaël craignait le pire. Il était certain que quelque chose se produirait avant d’arriver à la sortie. C’était bien trop simple.

« Sommes-nous proche ? »

Milo acquiesça. « Presque. Je dirais moins de cent pas. »

Samaël leur fit signe de s’arrêter. Tous s’exécutèrent.

« Nous devrions faire attention. J’ai le sentiment que la sortie sera bien gardée. »

Jaël et Katerina hochèrent la tête.

« Nous devrions nous cacher quelque part et guetter un signe de la présence de soldats ou de patrouilleurs. »

Samaël se tourna vers Milo.

« Y a-t-il un endroit propice pour ne pas se faire repérer facilement ? »

Milo sortit la carte et l’observa, longuement. Il montra un endroit plus au nord de la sortie qu’il avait repéré plus tôt.

« Là. Il y a des roches probablement de la verdure dense tout autour, cette zone-là doit être sombre. »

« Parfait, faisons cela alors. »

Quelques instants plus tard, ils atteignirent leur destination. Cette partie-là de la forêt était effectivement plus sombre qu’ailleurs car les roches étaient hautes et des grands arbres couvraient l’essentiel de cette superficie. C’était l’endroit parfait pour se cacher. Samaël se retourna et vit de la lumière au bout d’un chemin sombre parsemé d’arbres. C’était probablement la sortie.

Katerina montra deux des plus hauts arbres.

« Nous devrions grimper, nous verrons mieux de là-haut et nous aurons l’avantage de la hauteur. »

Milo et Jaël montèrent sur le même arbre, et Samaël et Katerina grimpèrent sur un autre à côté. Samaël avait plus de mal avec l’escalade. Il avait toujours été mauvais pour monter et descendre du balcon du château lorsqu’il voulait sortir la nuit sans être vu. Cela ne s’était pas amélioré avec le temps. Katerina le voyant se débattre difficilement pour monter, l’aida à atteindre une des branches en dessous de celle où elle était assise.

« Dites donc prince, tu devrais être meilleur à cela ! » dit-elle d’un sourire amical.

« Nous avons tous nos points faibles. » répondit-il d’un ton sec.

Son sourire disparut mais elle ne dit rien. Il n’était pas d’humeur à plaisanter. Ils étaient si proches du but, il ne voulait pas échouer ici.

Ils scrutèrent, à l’affut de tout mouvement ou bruit pouvant les alerter mais pendant quelques minutes, ils ne virent rien. La forêt était drôlement silencieuse. Il était vrai qu’on entendait rarement le bruit d’oiseaux ou d’animaux. L’entrainement intense des patrouilleurs tout le long de l’année avait probablement chassé les animaux ayant une lune, vécu dans ses bois.

Sur l’autre arbre, Jaël fit signe qu’il avait vu quelque chose. Samaël arrêta de respirer de peur d’être entendu. Katerina arma silencieusement son arc. Samaël l’avait à peine vu bougé qu’elle était déjà prête à frapper. Il devait apprendre à être aussi rapide et discret qu’elle. Samaël chercha des yeux ce que Jaël avait vu. Puis il comprit. Deux personnes passaient en tenues kaki et marron, se confondant avec le sol et les arbres. Vu leur habits, il s’agissait sans doute de soldat. Ils continuaient leur chemin et ne semblaient pas les avoir remarqués. Samaël aperçu rapidement d’autres personnes, cette fois-ci des patrouilleurs. Ils s’arrêtèrent quelques instants, scrutant autour les différents chemins menant vers la sortie. Ils se retournèrent et disparurent dans les bois. Rapidement après, d’autres soldats arrivèrent.

« Huit minutes entre chaque tour. Nous n’aurons jamais le temps d’atteindre la sortie sans être vus. » murmura Katerina.

« Nous devrions attendre et affronter les soldats. Les patrouilleurs sont trop dangereux. »

« Il doit y avoir un moyen de faire ça sans avoir à affronter qui que ce soit » dit Milo de l’autre côté.

Ils restèrent silencieux, essayant de trouver une solution évitant la confrontation. Devant eux, le défilement de patrouilleurs et de soldats continuait. Ils s’enchainaient de façon aléatoire. Ils voyaient des patrouilleurs remplacer d’autres patrouilleurs, parfois des soldats. Des fois, ils étaient par groupe de trois, parfois quatre, rarement deux.

« Nous n’avons pas le choix. » réitéra Samaël. « Nous attendrons qu’il y ait seulement deux soldats et nous attaquerons. Il faudra être furtif et rapide. Ne pas hésiter. C’est clair ? »

Il pouvait voir le doute dans leurs yeux. Ils avaient peur et lui aussi. Katerina et Jaël finirent par acquiescer. Milo resta pensif un moment.

« Il n’y a rien d’autre que nous puissions faire, Milo » déclara Samaël.

« Priorité : les désarmer. Leurs épées et leurs flèches sont recouvertes de peinture rouge. » affirma Jaël.

« Je resterais derrière pour les désarmer avec mes flèches. » affirma Katerina.

« Très bien. Notre but est de les avoir à terre sans se prendre de peinture. » Déclara Samaël. « Dès qu’ils seront sans armes, immobilisés, nous pouvons courir vers la sortir. »

« Vous pensez qu’on pourra faire tout ça avant que le second groupe de garde n’arrive ? » demanda Milo.

« Nous sommes quatre, ils seront deux. Nous pouvons le faire. » affirma Samaël, le ton confiant et assuré.

En réalité, il était terrifié. Il ignorait s’ils étaient capables de vaincre des soldats hautement entrainés. Ils n’étaient encore que des gamins inexpérimentés, mais Samaël ne pouvait exprimer ses doutes à ses camarades. Ils avaient besoin d’espoir et d’encouragement.

Ils attendirent longtemps, voyant passer plusieurs groupes de patrouilleurs, des soldats souvent à plus de trois et quatre. Un moment, deux patrouilleurs arrivèrent. Ils se regardèrent, un moment d’hésitation planant dans l’air. Mais deux patrouilleurs restaient tout de même plus difficiles à combattre que même trois soldats. Samaël savait que seuls les meilleurs soldats entraient dans les rangs des patrouilleurs. C’est ce que Lira voulait faire et il se doutait que Katerina envisageait la même route.

La nuit tomba, rendant la visibilité encore plus difficile. Il fallut quelques minutes à Samaël pour s’habituer à l’obscurité. On voyait à peine la lueur de la lune passer entre les feuilles d’arbres. Soudain, Samaël vit deux soldats arriver. À cet instant, il sauta de l’arbre, suivi très rapidement de Milo et Jaël. Sans perdre un instant, ils se ruèrent sur les soldats. L’un d’eux avait déjà perdu son épée, une flèche sur son armure au niveau de l’avant-bras, une autre traversant les gants de sa main droite. Katerina ne manquait jamais sa cible, Samaël n’avait jamais vu un tir d’une telle précision avec une visibilité aussi mauvaise.

Milo et Samaël affrontèrent le soldat, l’assommant tous les deux d’un gros coup à l’arrière de la tête. Le soldat avait à peine eu le temps de réagir à l’assaut qu’il était déjà par terre, inconscient. Ils passèrent tout de suite au deuxième qui avait esquivé les coups de Jaël. Il avait toujours son épée. Samaël entendit Katerina descendre derrière lui. Ils encerclèrent le soldat. Il était en train de gagner du temps, attendant que le groupe de garde après lui arrive. Il arma son épée et s’avança sur Milo. Il avait dû voir l’hésitation et la peur dans son regard. Jaël se jeta sur le soldat pour l’empêcher de toucher Milo. Samaël le savait, s’ils ne fuyaient pas maintenant, ce serait fini pour eux. Il sortit une dague de sa poche arrière et visa le pied gauche du soldat. La dague s’enfonça pile au bon endroit. Au même moment, il vit une autre dague atterrir sur l’armure du pied droit du soldat. Katerina avait eu la même idée que lui. Le soldat s’écroula leur donnant le temps de s’élancer vers la sortie.

Samaël courut sans même regarder derrière lui. Milo était devant lui mais il ne pouvait voir Jaël ni Katerina. Il pouvait cependant sentir les vibrations du sol à ses pieds. Ils devaient être derrière lui.

« PLUS VITE ! TROIS PATROUILLEURS ! »

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