49. Journal du dragon bleu

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Journal, quelque chose ne va pas aujourd’hui. Plus que d’habitude.

Ma vieille amie, la Peur, est de retour. Pourquoi est-elle là ? Qu’est ce qui ne va pas ? Je ne peux pas le sentir avec mes mains. C’est dans ma tête. Il y a quelque chose en moi qui change.

Je le sens, un autre moi nait. Je deviens fou. Ah ! Je le suis peut-être déjà.

Mais je le sens cogner à l’intérieur de moi ; il veut sortir. Je le savais : on ne chasse pas la Mort sans conséquence.

La déesse m’avait dit que quelque chose arriverait, mais elle-même ne savait pas quoi. Même si elle essayait de le cacher, je ressentais sa crainte. Celle qui a chassé la Mort avait peur. Elle était effrayée par ce qu’elle avait fait, ce qu’elle avait créé : moi.

La Douleur est revenue, pire qu’avant. Pire car maintenant le Monde ne veut plus partir. Il veut que j’assiste à tout.

Monde, pourquoi es-tu si cruel ? La Mort n’aurait pas été aussi sadique.

Mon dos me brule. Tout mon être hurle. Il veut sortir et cherche sa liberté. Mais quoi ? Qui ? Quelque chose en moi rugit. Ce n’est pas moi. J’ai envie de hurler aussi. Mais ma voix s’est brisée il y a longtemps. Elle s’est brisée avec ma nuque, lorsque la Mort m’a pris dans ses bras.

Quelque chose grattait à la surface de ma peau. Je me suis écroulé, plié par la douleur qui me rongeait. Ma déesse est venue et m’a pris dans ses bras. Son chant m’a réconforté. Elle a tenté de calmer cette agonie, d’apaiser mes souffrances.

Je sentais mon dos se déchirer, quelque chose le transpercer. Le rugissement qui sortait de ma bouche n’était pas le mien. Je ne reconnaissais pas cette voix animale. Deux plaies s’étendaient petit à petit sur mon dos comme une fissure sur la roche. La douleur était insoutenable. Le sang coulait, Mon sang. Ça ne s’arrêtait pas.

Pourquoi cela ne s’arrête pas ?

Je veux y mettre fin. Je suis épuisé.

Je t’en supplie, prends-moi avec toi.

Emmène-moi dans ton royaume éternel. Aies pitié.

Mais la Mort ne veut plus de moi.

La déesse a pris mon visage entre ses mains. Ma vue s’est brouillée. Elle m’a nourrie de sa Lunsor. Quelque chose sur mon dos continuait de pousser comme deux abominables branches d’arbres. Je les sens se déployer de part et d’autre de mon dos. Je les sens sortir de mes entrailles. La douleur est en train de me briser, journal.

La déesse a déposé un baiser sur mon front et le Monde s’est en allé, enfin.



Journal, j’ai cru que je t’avais perdu.

J’ai pleuré. Je ne te retrouvais plus. J’ai cru que je t’avais fait du mal.

C’est quelque chose que je fais maintenant : détruire. Ce n’est pas ma faute, c’est lui.

Il y a un monstre en moi désormais, et il est sorti. Il a essayé de te faire du mal, de faire du mal à notre déesse. Il a failli de tout détruire. C’est ce qu’il est : pur chaos. C’est une bête sauvage. Je ne sais pas quoi faire. Il est en moi. Il est moi.

Elle a dit qu’elle m’aiderait à le contrôler. Mais on ne contrôle pas une bête sauvage, comme on ne chasse pas la Mort sans conséquence.

Journal, la Terreur s’empare de moi.

Il est majestueux. Il est puissant. Il est invincible. Il est impitoyable. Il est sans crainte. Il est tout ce que je ne suis pas. Il me séduit. Je veux être lui.

Tu es moi. Tuez-moi.

J’ai peur. Ces ailes sont sublimes, gigantesques, d’un bleu presque blanc. Mes ailes. Sont-elles réelles ? Je ne sais pas les contrôler. Je ne sais pas si je peux. Elles ne m’appartiennent pas vraiment. Mais je les sens ; elles font parties de mon monstre. Elles font partie de moi.

Ma déesse arrive à apaiser la furie de mon monstre. Il n’obéit qu’à elle, son créateur. Mais en fait il n’obéit à personne. Il guette, il attend le moment opportun. Opportun pour quoi ? Ses intentions me sont insondables. Cependant, il y a une chose que je sais : elle lui fait peur. Elle me fait peur. Il a compris : il a vu en elle sa propre Lunsor. Il a vu en elle sa propre furie. Mais elle n’est pas notre égale. Elle est tellement plus. C’est une déesse. La déesse de ce Monde.

Il s’est agenouillé et s’est prosterné devant elle. Car il n’est pas une bête sauvage : il est un animal intelligent.

Il me fait encore plus peur maintenant. Il avait gagné sa confiance. Le fourbe. Il avait réussi. Elle devrait le craindre.

Car je suis le Chaos et je serai sa perte.

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