74. Ayah

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Rothfuss condamné à mort.

Le jeune Kaaïn au centre de l’affaire tragique que nous suivons maintenant depuis des cycles lunaires, a donc finalement été condamné à mort, coupable pour le meurtre de deux Patrouilleurs-Gardes. Il traversera le Voile dans les lunes qui vont suivre, la date et le lieu restant secrets pour éviter tout incident.

Cette affaire n’est cependant pas terminée. Le Roi a déclaré que les Lois Fondamentales devaient être revues au plus vite. Il promet des changements majeurs à venir. Mais beaucoup restent sceptiques, en particulier après ce jugement si sévère, ne prenant en aucun cas compte des circonstances aggravantes ayant si clairement impactées les actions de Mr. Rothfuss.

Les violences se poursuivent un peu partout sur le territoire à la suite du jugement. En deux lunes : trois tavernes ont été détruites à Yersinia, cinq maisons vandalisées à Dumeir et Xizy, et de nombreux carrosses brulés. Heureusement, aucuns blessé ni mort n’est à signaler.

En parallèle, la criminalité est au plus haut: nous rapportons un meurtre sur une jeune Kaaïn à Sikar, dont nous ne connaissons pas encore les détails. Des dizaines d’agressions ont eu lieu en particulier à Yersinia et Kavero où la communauté Kaaïn est importante. Personne n’a été emprisonné à la suite de ces méfaits.

Ici, au Quotidien de Lyisstad, nous nous interrogeons : quand verrons-nous ce changement promis, Majesté ? Car celui-ci est urgent et devrait être considéré comme étant de la plus haute importance…

Ayah posa le Quotidien, la main tremblante. Plus que jamais, Raven et ses petits amis étaient en danger. Sa paranoïa avait atteint des niveaux insoutenables. Elle ne sortait plus de la Citadelle et avait demandé à Raven de rester avec elle autant que possible. Celle-ci refusait cependant de changer son quotidien. Tu as autant de droit qu’un chien errant, lui avait expliqué Ayah. Tout ce que Raven lui avait répondu était qu’elle pensait qu’un chien devrait avoir autant de droit qu’elle et les humains, mais qu’en attendant, cela n’empêchait pas les animaux d’errer, libre, dans la nature. Raven sortait tous les matins comme à son habitude pour patrouiller les rues avec ses amis et Ayah ne pouvait pas l’arrêter. La Citadelle n’était pas une prison mais sa maison.

On toqua à sa porte ce matin-là, et un Feis Nona entra.

« Madame, une petite fille demande après vous. Ça a l’air urgent. »

Ayah fronça les sourcils. Ça ne pouvait être qu’un de ses espions. Pourquoi iraient-ils jusqu’à venir à la Citadelle pour lui transmettre une information ? Ils n’avaient jamais fait cela avant. Elle descendit à l’entrée et trouva Raven à la porte de la Citadelle. Celle-ci la prit par la main et lui dit, frénétiquement :

« Ayah, il faut que tu fasses vite. Deux Kaaïns ont attaqué ton amie Sib et l’ont emmené loin à l’extérieur du village de Condort, dans une vieille maison abandonnée. Ils étaient en train de lui faire du mal ! »

Ayah se figea. Elle n’était peut-être pas son amie, mais c’était son alliée.

« Reste ici, je m’en occupe. »

Elle sortit en vitesse de la Citadelle et courut vers le village. Elle était rapide, mais pas suffisament à son gout. Et si Sib avait attaqué par sa faute ? Ayah ne pouvait décemment pas laisser quelque chose lui arriver.  Jamais n'avait-elle trouvé le chemin de Lyisstad au Condort si long.

Ayah arriva enfin aux portes du village de Condort. Elle s’arrêta un moment et se concentra, cherchant une énergie inhabituelle dans les alentours. Elle sentit rapidement la trace de différentes auras de Lunsors et courut dans cette direction, l'éloignant petit à petit du village.

Ayah arriva devant une maison délabrée dont la porte était presque entièrement brisée. Elle entra et se figea. Il n’y avait là pas seulement deux Kaaïns mais sept: six hommes et une femme. Ils encerclaient Sibylle, accroupie par terre, le visage ensanglanté, les mains liés par une grosse corde, les injuriant de vive voix. Certains avaient la peau mate, d’autres plus claire, certains les cheveux bruns d’autres blonds. Ils venaient clairement de partie différentes du Royaume pourtant tous étaient habillés de façon similaire ; pantalon noir, veste en cuir, gants aux mains.

Tous se retournèrent à l'arrivée d'Ayah. Elle eut un haut le cœur en reconnaissant la femme. C’était celle qui l’avait poursuivie dans la cité, des cycles lunaires auparavant. Elle était donc revenue et s’en était pris à Sib ! Elle ne pouvait pas la laisser faire. Mais comment pouvait-elle attaquer sept Kaaïns toute seule ? Elle ignorait totalement ce qu’elle pouvait faire, comment utiliser sa Lunsor contre d’autres Kaaïns.

« Je pense que c’est moi que vous cherchez. Elle n’a rien avoir avec tout ça. Laissez-la partir. Maintenant. » demanda-t-elle le ton autoritaire, essayant de ne laisser transparaitre aucun signe de peur.

« Espèce de lâche, venir à sept pour une personne ! » s’écria Sib. « Laissez-la tranquille, elle veut pas des extrémistes comme vous. »

« Des extrémistes !? Tu as entendu ça, Rita ? » s’offusqua l’un d’eux en se retourna vers la femme.

« Juste, laissez mon amie partir ! » réitéra Ayah essayant d’y mettre toute la conviction qu’elle avait.

« Ton amie ? Cette pourriture qui vend des armes aux humains ? N'es-tu pas au courant de ce qu'il se passe en ce moment dans ce royaume ? »

« Si tu considères cette femme comme ton amie… » commença un autre Kaaïn « Cette sale Alunsi qui haït la lunsor, alors tu es autant une traitresse qu’elle. »

Il avait dit le mot avec une telle haine, un tel mépris, qu’Ayah recula légèrement, sans s’en rendre compte. Mais ils le remarquèrent tous immédiatement. Ces individus n'étaient pas d’habituel Kaaïn sans histoire. Ils étaient tous entrainés à combattre, à tuer. Ayah en était désormais certaine. Elle avait devant elle des soldats, prêts à attaquer, et ils avaient vu sa peur.

« Écoutez, Sib n’a rien à faire avec tout ça, elle est innocente, laissez-la partir. »

« Les Kaaïns qui collaborent avec des humains comme elle, sont autant responsables de leurs actes que les humains eux même. En fait, ces Kaaïns là sont à mes yeux, pire que les humains. » répliqua Rita d’un ton sec.

Elle sortit une dague en Lancère, s’apprêtant à donner un coup fatal à Sib quand Ayah se sentit projetée vers elle. Elle ignorait comme elle avait fait ça, mais elle se retrouva devant la femme en un clin d'oeil et parvint à la pousser loin de Sib. Ayah dénoua en un geste la corde sur les mains de Sib qui ne perdit pas une seconde pour se lever et disparaître dans les airs. Ayah regarda l’endroit où elle était un instant plutot, surprise ; elle ignorait que Sib pouvait faire ça. Mais elle ne pouvait lui en vouloir, elle était la raison pour laquelle tout ça s’était produit. Elle ne lui devait rien du tout.

« Toi aussi tu es comme elle. » déclara un des Kaaïns. « Comment peux-tu trahir ta propre espèce ? Comment ? »

« Les humains ne sont pas tous nos ennemis ! Ne vous laissez pas aveugler par votre haine ! »

Rita se releva et lança un regard en colère vers Ayah, pendant que les autres la dévisagèrent avec dégoût.

« Aravel s’est trompé. » affirma un autre. « Ça ne peut pas être elle. Nous n’avons pas besoin d’une traitresse parmi nous. »

Rita fit un signe aux autres et ceux-ci se mirent à l’encercler. Ils n’allaient certainement pas la laisser partir. Leur rage était palpable. Ils étaient trop nombreux, elle ne savait pas comment elle pouvait s’en sortir face à eux. Elle n’avait aucune idée comment combattre d’autres Kaaïns. Elle essaya de se concentrer pour se déplacer en un mouvement comme elle avait fait juste avant, mais rien n'y faisait. Elle était paralysée par la peur.

Un d’eux s’élança vers elle mais Ayah esquiva son attaque tant bien que mal. Elle sentit l’adrénaline et la terreur l’envahir. Deux Kaaïns l’attaquèrent en même temps, trop vite pour qu'elle puisse réagir à temps. En un mouvement, ils lui emprisonnèrent les mains, l’empêchant de se défendre. Un autre s’approcha et la frappa au ventre de toutes ses forces, pendant qu’un deuxième lui donnait des coups de pied aux jambes la faisant tomber par terre. La douleur était telle qu'elle dut s'empécher de crier. Ayah devait se défendre mais ne savait pas quoi faire. Elle se débattait, essayant d’utiliser sa Lunsor. Elle ignora comment mais elle réussit enfin à envoyer un flux d’énergie sur deux d’entre eux. Ils hurlèrent de douleur et la lâchèrent.

Elle se releva tant bien que mal et cracha du sang, mais à peine avait-elle eut le temps de se redresser qu'un autre Kaaïn se jeta sur elle et lui cloua les deux mains cette fois-ci avec des menottes en Lancère. Le métal lui brula la peau instantanément. Des souvenirs de son séjour dans les cachots vinrent la frapper de plein fouet et elle s’écroula à nouveau, genou à terre, étouffant un cri. Non, pas encore... Je ne peux pas subir ça à nouveau, non...!

Elle sentit soudain une nouvelle douleur, atroce. Ayah n'avait jamais rien ressenti de telle. Rita canalisait sa lunsor sur elle. La douleur se propageait sur tout son corps. Sous le poids de l’attaque, elle ne sentait plus capable de se relever ni même de réfléchir clairement. Elle tenta comme elle pouvait de repousser l’assaut, en vain. Ayah était trop faible et avec ses mains liés par ces menottes, elle ne pouvait rien faire contre de la lunsor. Elle le savait, elle allait mourir.

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