Chapitre 23A: avril 1774

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—''Nous trouverons bien. Me répétait -il à chaque fois que je m’inquiétais un peu trop. Je recevais toujours les lettres de mon amour, et un jour, alors qu'il me disait encore une fois regretter de ne jamais pouvoir voir son enfant, je lui proposais un plan.

Cher Mathurin,

J'ai bien réfléchi à votre regret et je pense pouvoir y remédier de façon sécuritaire. Donnons-nous rendez-vous le jeudi vingt - huit avril a quatorze heures au parc près de mon appartement, je viendrais avec mon neveu, ma nièce, mes deux - belles filles et Léon - Paul, qui a dix mois. Peut - être mon mari voudra-t-il venir, mais dans tous les cas vous vous ferez passer pour un ami proche (pas de familiarités je vous en prie) et surtout pas pour le père de Léon - Paul, même auprès de l'enfant. Je compte sur vous pour venir à ce rendez - vous, vous me manquez et c'est terrible, j'ai besoin d'entendre le son de votre voix.

Bien affectueusement, Louise.

Mathurin me répondit dans une lettre qui me mis en colère.

Louise,

J'ai hâte d'enfin pouvoir voir mon enfant, et je serais là le jour dit. Cependant ce que j'ai à vous dire est tout aussi important et j'espère que vous comprendrez ma décision. Voilà, maman est décédée il y a quelques jours et même si j'en suis bouleversé, elle était âgée et son repos lui est mérité. Un problème se pose maintenant à moi : c'est elle qui me versait la pension pour payer le loyer de la chambre et vivre. Pour seule solution à ce problème et m'éviter la rue, j'ai d'épouser la fille de la sœur de maman, ma cousine Sophie. Bien qu'elle ne soit âgée que de dix - sept ans, je suis sûr que mon oncle accepterait de me donner sa main, ainsi grâce à la dot, je trouverais pour nous deux un petit appartement non loin d'ici et un travail pour vivre. Ne vous en faites pas, je continuerais à correspondre avec vous et ne vous oublierais pas. J'espère que vous ne serez pas trop froissée par ceci mais je vous le redis, je n'ai pas d'autre choix.

Bien affectueusement, Mathurin.

Ces mots me griffèrent le cœur comme des ronces car j'avais l'impression qu'il me trahissait, de plus épouser une jeune fille de dix - sept ans encore enfant qui n'avait pas son mot à dire sur son union me dégoûtait, il s'agissait de sa cousine germaine ! Après réflexion, je relativisais, s’il n'avait pas le choix pour s'éviter la rue et la misère, alors soit. Avais-je seulement le choix ?

Je ne connaissais pas sa famille mais j'avais de la peine pour cette petite Sophie, qui serait bientôt sortie de force du doux monde de l'enfance.

Le vingt-huit en début d'après-midi, j'habillais les enfants pour la sortie comme si elle était routinière et sans importance, alors que ce serait pour moi la plus belle depuis longtemps. Impatiente, je me rendais au parc avec une demie - heure d'avance, en ayant pris soin de coiffer les cheveux épais de Léon - Paul, et de le parfumer un peu bien qu'il n'aime pas trop cela.

Je câlinais mon fils en surveillant les alentours tandis que Michel s'ennuyait sur le banc à côté de moi, agitant ses pieds compulsivement. Il y avait de nombreux enfants dans ce parc mais aussi des nourrices et mamans attentives, qui venaient parfois me voir, pour discuter en s'étonnant bien souvent de l'apathie de Michel. Ce jour - là, personne ne vint engager la discussion avec moi et je repensais à Charlotte, que devenait -elle ?

Je perdais patience en me rendant compte qu'il n'était que quatre heures moins cinq, mon bébé qui s'agitait dans mes bras râlait pour descendre et aller s'exercer à la marche dans le parc, tenant mes mains. Alors qu'il était parti quelques instants de mon esprit, je sursautais aussi mon cœur se mis à battre très fort. Il vint s'asseoir près de moi et considéra avec joie l'enfant que j'avais sur mes genoux, son enfant. Nous restâmes un temps sans rien nous dire, puis je cassais le silence en présentant Michel à Mathurin.

—''Michel dites bonjour à Mathurin, c'est un ami proche.

Au grand étonnement de Mathurin et à mon rire non dissimulé parce - que c'était toujours drôle à voir, mon neveu descendit du banc, le rejoignit guidé par ma voix et tâta ensuite son visage, tentant par les mains d'imaginer la forme de son visage, ses cheveux, ses vêtements. Je l'arrêtais ensuite car cela paraissait mal élevé pour les autres personnes et le priais de retourner s'asseoir. Devant l'étonnement de mon ''ami'' qui n'en revenait toujours pas, je donnais les explications qu'il attendait.

—''C'est le fils de ma sœur, il a deux ans. Alors comme ça vous allez épouser votre cousine ? lui demandais - je en évitant de trop m'étaler sur le sujet encore douloureux pour moi.

—''A vrai dire cela ne me réjouis pas, elle est si jeune... Et puis il n'est pas certain que son père me cède sa main. Qu'en pensez-vous, croyez-vous que c'est une bonne idée que demander sa main ?

'' —Écoutez, au début je trouvais cela honteux et dégoûtant d'épouser sa propre cousine, puis je me suis dit, tant que le mariage n'est pas consommé, il n'y a pas de problèmes. Vous ne comptez pas n'est-ce pas ?

—''Malheureusement je n'aurais pas le choix... Son père, que je connais depuis toujours, en fait mon oncle, surveillera les draps. Mariage dit nuit de noce Louise, elle n'y échappera pas.

—''Dans ces cas - là c'est dégoûtant, c'est une enfant Mathurin...

—''Elle a aussi cinq sœurs, mais elles sont presque toutes fiancées ou mariées, la seule à part elle qui ne soit pas promise, c'est la benjamine, qui a quinze ans, elle est encore à ses études. Sophie est l'avant - dernière de la fratrie, en tout ils sont neuf, six filles et trois garçons, je les connais tous depuis leur plus jeune âge. Une grande famille en soit.

J'étais horrifiée, dix - sept ans, c'est beaucoup trop jeune pour avoir des enfants. Mathurin avait vingt - cinq ans, huit ans de différence d'âge, cela faisait beaucoup. Loin de ce sujet, Mathurin s’intéressa à la croissance de Léon- Paul : pourquoi ne marchait-il pas encore ? Pourquoi n’avait-il que trois dents? et s'extasia sur ses cheveux épais qu'il avait en commun avec lui. Je me trouvais infiniment rassurée de savoir qu'il éprouvait de l'affection et qu'il portait un grand intérêt à son fils, et qu'en cas de pépin avec mon époux, je serais dans l'urgence en mesure de lui confier pour le mettre en sécurité. Je parlais aussi de ma nouvelle grossesse à Mathurin sans grand intérêt, car je ne supportais pas beaucoup l'idée d'avoir un nouvel enfant aussi vite mais surtout je lui parlais de mes deux rêves les plus fous : pouvoir l'épouser pour qu'il reconnaisse son fils et faire que Camille se réveille de son long sommeil, comme si rien ne s'était passé.

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