Chapitre 9C: janvier - juin 1760

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Camille,

Je vous écris parce que je vous l'ai promis, mais je n'ai pas grand-chose à vous dire.

Vous vouliez savoir si nous avions eu des nouvelles d’Élisabeth, mais non, toujours pas.

De mon point de vue, faire la morte ne l'aide pas puisque Marguerite est très malheureuse et inquiète.

Une courte lettre, ça ne coûte pas grand-chose, non ?

La grossesse de France se déroule plutôt bien, même si la douleur lui apparaît doucement. Ne la plaignez pas Camille, elle est suffisamment entourée et choyée. Je pense que son bébé sera une fille, Anne sûrement. Qu'avez-vous de nouveau à me dire ?

J'ai lu un livre qui m'a beaucoup touché, de mes rares lectures, c'est la meilleure, il s'intitule '' Le cosmopolite ou le citoyen du monde''. Une des maximes m'a marquée : ''L’univers est une espèce de livre dont on n’a lu que la première page quand on n’a vu que son pays'‘ et c'est Louis–Charles Monbron qui l'a écrit. Vous le connaissez sûrement, il est mort l'an dernier.

Bien à vous,

Louise.

Louise,

Je connais effectivement Louis Monbron, et j'ai déjà lu ''Le cosmopolite'', un très bon livre.

Comment pouvez-vous prédire que l'enfant de France sera une fille ? Je penche sur un garçon, et je vous envoie une fleur de lys si vous gagnez ! Pour Élisabeth, n'en parlons plus, elle ne mérite pas que l'on s'intéresse à elle.

Une de mes amies a connu une fâcheuse mésaventure, dont je ne peux que m'empresser de vous faire part :

Alors qu'elle se trouvait dans la pièce commune et qu'elle lisait, entourée de plusieurs de ses amies, elle ne s'aperçut pas quelles partaient prendre leur dîner. Durant une heure elle lut, plongée dans son roman qui devait être passionnant, ce n'est que lorsqu’elle releva la tête qu'elle s’aperçut qu'elle était seule.

Paniquée, elle courut, glissa sur un tapis et se fit une entorse. Elle resta assise sur le sol, une heure durant, jusqu'à ce qu'une sœur ne la trouve, s'énerve et la force à se relever, ignorant son mal. Elle lui expliqua après que sa jambe la faisait souffrir, et elle fut emmenée aux soins. Si vous vous posiez la question, elle va mieux et sa jambe est guérie, mais quelle malchance !

Bien à vous,

Camille.

Camille,

Je sais que cela n'a pas beaucoup d'importance mais comment se prénommait la fille dont vous parlez ? Est-ce volontaire que vous taisiez son nom ? J'aimerai savoir, juste par curiosité.

J'ai appris beaucoup de choses, au mois de février, dans un livre que j'ai trouvé dans la bibliothèque de Jean. Tout d'abord, saviez-vous que la Terre était ronde et tournait sur elle-même ? Mais si cela est vrai, comment se fait t - il que nous ne tombions pas ?

J'ai aussi appris dans ce livre que les chats voient la nuit, grâce à leurs yeux spéciaux. Comme j'aimerais être un matou, pouvoir grimper partout, voir la nuit comme le jour, dormir la journée entière !

Sinon, Marguerite a reçu la visite de ses amies pour le thé, au dix - sept février, j'ai appris à connaître certains des fils, je les trouve fort sympathiques, bien qu'ils soient pour la plupart plus âgés que moi.

Bien à vous,

Louise

Louise,

J'espère que vous allez bien, que vous ne vous ennuyez pas trop à la maison. Je voudrais pour une première chose vous dire que je ne vous répondrais pas concernant le prénom de mon amie, vous êtes trop curieuse, et cela n'a aucune importance concernant l'anecdote dont je vous ai fait part. Ne vous fâchez pas, ma sœur, mais j'ai cette désagréable impression que vous vous fichez de ce que je peux avoir à vous raconter, si vous vous attachez à ce genre de détails.

Cela me déçois, je croyais que vous vous divertissiez à lire mes anecdotes. Je crois aussi que vous m'écrivez uniquement pour briser l'ennui, car en mauvaise élève que vous êtes, il ne vous viendrait pas en tête d'apprendre vos leçons. Vous me décevez, Louise, de toute manière, je ne pourrais plus vous écrire durant quelques mois, et puis de toute façon, cela n'a plus aucune importance, je ne dois pas beaucoup vous manquer.

Camille.

Camille,

D’abord répondez, pourquoi vous en prenez-vous à moi ?

Je ne vous ai rien fait de mal, juste posé une question qui n'est pas indiscrète, de mon savoir.

Si vous ne voulez plus correspondre avec moi, dites-le de manière franche, cela me blessera moins. Que vous arrive t-il ? Vous me manquez, je ne sais pas de quelle autre manière je pourrais vous le dire, je vous aime aussi, ma sœur, mais je crains que cette affection profonde ne soit pas réciproque. Si vous ne voulez plus m'écrire, alors ne m'écrivez plus, mais vous n'aurez plus de nouvelles de la famille, et ce sera faute à votre susceptibilité et votre non–franchise.

Vous ne serez pas tenue informée lorsque l'enfant de France naîtra, ou encore lorsqu’un événement important aura lieu dans la famille. Mais tout cela tient de votre choix,

Louise.

Camille ne répondit à cette lettre, elle n'avait pas assez de courage et préférait la facilité, faire la morte en sachant que je ne pourrais de toute façon pas aller la chercher. C'était tant pis pour elle, elle avait besoin de moi, je n'avais pas besoin d'elle.

Je me mentais intérieurement, en me disant qu'elle ne me manquait pas alors que c'était faux, qu'elle me fasse la tête ne me dérangeait pas, alors que cela me blessait au plus profond de moi.

Je m'ennuyais certains jours à mourir, mais je n'avais pas envie d'apprendre, de faire de la théologie ou de la cuisine. J''avais envie d'écrire à Camille, car tant de choses s'étaient passées depuis le temps où elle m'avait oublié.

D'abord nous allâmes avec Marguerite m'acheter de belles chaussures neuves, une jolie robe à ma taille et même un nœud pour attacher mes cheveux vraiment très longs.

Ensuite, durant le mois de mars, Marguerite tomba gravement malade. Une vilaine maladie qui la suivait depuis des années et qui refaisait surface, elle avait des douleurs dans la poitrine, des crampes et des migraines. Ma tante fut obligée de rester alitée, un linge humide sur le front pour ne pas s'évanouir. Enfin par une nuit froide d'avril, après avoir été réveillée en sursaut par des cris aigus dans la chambre de ma cousine, mon coeur battit pour la naissance son enfant.

Je me précipitais encore presque endormie vers la pièce, mais je trouvais porte close, et Joseph qui attendait assoupi au fond d'un fauteuil placé juste devant de pouvoir rentrer pour rencontrer son premier enfant. Le sommeil m'emporta alors que j'étais assise par terre contre le mur, et c'est alors que je fus subitement réveillée par la porte qui s'ouvrit, et la matrone qui annonça le sexe féminin de l'enfant.

Joseph pénétra dans la pièce, mais je devais encore attendre un bout de temps avant de pouvoir dire bonjour à ma première petite - cousine.

Au final, je terminais ma nuit sur le fauteuil de Joseph, particulièrement inconfortable pour y dormir assise, mais la récompense était là : dès le petit matin, je pus saluer le bébé.

J'avais presque gagné mon pari avec Camille, puisque l'enfant se prénommait Thérèse–Anne. C'était un mignon nouveau-né, avec de jolies oreilles, et de beaux petits cheveux bruns-blonds, qui n'avait tout de même pas la beauté de sa mère. Marguerite, très fière d'avoir une première petite-fille, aurait, comme tout le monde, espéré un fils pour le premier enfant de sa cadette.

J'attendis très longtemps une lettre de Camille qui n'arriva qu'en juin, elle ne m'avait pas même souhaité mes onze ans.

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