Chapitre 12B: juin - juillet 1763

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Je n'avais plus de nouvelles de Camille depuis bien longtemps, mais elle ne me manquait plus beaucoup, même si j'avais hâte de la retrouver d'ici un an et demi. Elle vivait sa vie loin de moi, et devait être contente d'être débarrassée de sa petite sœur collante...

Par une journée ennuyeuse, je me demandais ce que devenait mon grand frère, d'après mes savants calculs, il aurait vingt ans en septembre. Peut-être était - il marié ? Mort ? Je pouvais tout m'imaginer, mais ma curiosité me poussait à poser des questions.

— '' Marguerite ?

—''Oui, Louise.

—''Que devient Louis-Henri ?

—''Votre frère poursuit ses études militaires à Paris, si vous voulez nous pourrions aller lui rendre visite, il vit non loin d'ici.

—''Pourquoi pas ?

Le lendemain, nous nous rendîmes donc chez Louis–Henri, au dernier étage d'un immeuble plutôt huppé de la capitale. Il ne nous offrit pas l'accueil que j'aurais espéré. Jamais mon frère ne m'avait montré d'affection, a vrai dire je ne l'avais jamais vraiment connu, ce ne furent donc pas des retrouvailles particulièrement émouvantes : tout juste une bise froide et un brin mal à l'aise, un biscuit sec, une tasse de thé, et nous étions reparties chez nous.

Au début de l'été, après avoir lu un livre passionnant sur la généalogie trouvé dans la bibliothèque de Jean, je décidais de faire un arbre généalogique, pour connaître mes origines, même si cela n'allait à coup sûr pas être facile. A peine nous connaissions le nom de la mère de notre grand – mère, les états civils étant seulement des actes de baptêmes bâclés voire complètement omis par le prêtre. Avec la grande aide de Marguerite, je réussissais à le commencer, tout cela tient des connaissances de ma tante, uniquement.

Je passais plusieurs semaines à le terminer, et j'étais très fière du résultat. Une fois décoré, je l'accrochais a un des murs de ma chambre, quel plaisir j'avais à le contempler, mon bel arbre. Alors que j'aurais dû, jamais je ne le modifiais pour rajouter les naissances dans la famille, je n'avais pas le cœur à tout gribouiller, et pas la place sur le papier de toute façon. J'avais hâte de le montrer à Camille lors de son retour du couvent !

Le dimanche douze juin 1763, après qu'un matin, un magnifique chêne du parc royal tomba, la gazette de Célestin relata un feu de forêt, et plus tard dans la journée, je trouvais par le plus grand des hasards un livre de calcul dont la page douze expliquait comment calculer la hauteur d'un arbre. Etrange, non ?

Mais ce n'est pas tout, le lendemain, lundi, après avoir imaginé la plante qui produisait le chocolat, grande avec de petites graines qui écrasées, ferait la poudre, j'en retrouva le matin même au déjeuner, chose rare. Après m'être demandé intérieurement la raison de ce luxe accordé, j'écoutais avec intérêt France s'intéresser à la production de cacao en Amérique.

Selon ses connaissances, ce serait les esclaves noirs qui, en broyant les fèves auparavant blanches, se laisseraient volontairement moudre les mains dans la machine, pour se révolter contre leurs maîtres, laissant ainsi le pigment noir et le goût amer, écœurant, mais vrai apparemment (France possédait une grande culture générale). Ma cousine nous apprit aussi avant que son petit garçon ne se mette à réclamer son lait que l'Amérique était auparavant peuplée de sauvages, et que lorsque les Européens avaient découvert leurs contrées et voulu les civiliser, ils s'étaient tous donnés la mort, sans exception. Quelle belle leçon de vie, préférer mourir que renoncer à sa culture ! Ma cousine savait tant de choses que j'aurais voulu passer des heures à l'écouter.

Cet été-là, il n'y eu pas de balades avec France, elle avait trop à faire avec ses deux enfants, et puis je m'en lassait. Alors je m'ennuyais, chaque fois que j'aurais voulu envoyer une lettre à Camille, la petite voix de ma tête (avec qui je discutais de plus en plus souvent) me conseillais de ne pas la déranger une fois de plus dans ses révisions. Et puis un beau jour de juillet bien chaud et ensoleillé, alors que je dévorais une énorme part de tarte en lisant mon livre de généalogie, je me levais de ma chaise et me rendit, mon gâteau à la main, à la fenêtre, baignée de soleil par cette chaleur estivale.

Je profitais de chaque rayon, c'était si bon, et je me disais, ce fus comme une révélation : d'ici quelques années, j'aurais sans doute des enfants et un mari, alors autant profiter de mon enfance, bien monotone mais tellement douce.

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