Chapitre 47A: mai - juin 1798

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En mai, après avoir demandé l'autorisation de mon fils pour l'inviter, même si cela me paraissait logique, j'écrivais à Malou pour lui donner les informations sur le mariage, au cas où elle voudrait et pourrait venir. Le mois qui précédait ses noces, Léon – Paul se rendit à Rouen, dans une boutique reconnue pour se faire fabriquer un costume sur mesure. Il alla le chercher quinze jours plus tard, étalant le pantalon et la chemise avec nœud papillon sur la table du salon, et cherchant attentivement les défauts. Le dix, nous fîmes afficher par l'officier qui exerçait dans plusieurs communes les promesses sur la porte d'entrée de notre maison, et le dimanche dix – sept juin, les bans sur la maison du maire, qui servait aussi de maison commune. C'est ainsi que nous reçûmes par courrier l'heure de convocation à la mairie de Saint – Germain sur Bresle. Onze heures. Cela nous laissait le temps de passer à l'église avant.

La veille, la famille de la fiancée fit apporter sur une charrette une grande armoire contenant le trousseau de la mariée, symbolisant sa future installation chez nous. Les hommes du village se mirent tous à aider Léon – Paul et monsieur Guedon, pour monter le meuble dans la chambre qu'ils partageraient.

Je me réveillais à l'aube, enfilais ma plus belle robe, tressais comme je le pouvais mes cheveux, et en passant devant la chambre du jeune homme pour descendre prendre mon déjeuner, je le saluais. Ses cheveux lavés et peignés étaient soyeux et leur rousseur brillait dans la lumière du jour. Penché au dessus d'une coupole de porcelaine remplie d'eau devenue opaque, son menton et ses joues étaient à moitié couverts de mousse, et il y passait délicatement le coupe choux qu'il rinçait régulièrement.

— '' Êtes - vous prêt ?

—''Quasiment. Je termine de me raser, et je vous rejoins en bas.

Après le déjeuner, je due encore attendre qu'il finisse de cirer ses chaussures déjà propres, qu'il se passe un coup de parfum. Nous partîmes vers neuf heures et demie de la Houblonnière pour arriver à dix heures moins le quart sur le parvis de l'église, où tous les invités étaient déjà rentrés. Je traversais l'allée principale au bras de mon fils, sous les yeux des invités endimanchés pour l'occasion, et je le laissais rejoindre sa fiancée pour m'asseoir toute seule sur le banc réservé à la famille du futur époux, alors que du côté des proches de Marie, ils devaient se serrer tant ils étaient nombreux.

Au milieu de la cérémonie, nous vîmes arriver en trombes un couple. Les invités jusque là attentifs se tournèrent tous, et le prêtre s'interrompit en les regardant d'un œil mécontent. Ils parcoururent gênés l'allée principale, avant de venir s'asseoir près de moi, tout devant. Malou assit son fils aîné près d'elle et son plus petit sur ses genoux. Son mari tenait un bouquet de fleurs la tête en bas et dont l'eau s'écoulait sur le sol. Pendant l'interminable lecture de l’Évangile, elle me chuchota à l'oreille.

—''Voici Amand, il a quinze mois. Installez – le sur vos genoux, si vous voulez.

Je prenais donc le petit garçon calme et silencieux avec moi.

La cérémonie pleine d'émotion et de bâillements dura quarante minutes, avant que les jeunes mariés ne sortent sous la chaleur de ce premier jour d'été, sous le riz jeté par les enfants d'honneur et les applaudissements des invités. Ils étaient en tête du cortège qui se dirigeait vers la mairie en frappant des casseroles.

Le bureau des offices n'était autre qu'un vulgaire cabinet installé près de la chambre à coucher du maire, et nous mîmes un certain temps avant de le trouver. Devant l'homme qui portait une banderole aux couleurs de la France sur son veston, les jeunes gens se tenaient sages et droits, les mains croisées, les yeux a peine levés, pendant qu'il prenait les consentements en s'aidant des actes de baptêmes respectifs qu'il avait sous les yeux.

—''Tout d'abord, si quelqu'un s'oppose à cette union, qu'il parle maintenant ou se taise à jamais. Un silence angoissant et glacial parcouru la pièce exigu pendant quelques secondes, avant que le maire ne reprenne à notre soulagement. Bon, alors si personne ne s'y oppose, je vais procéder à l'échange des consentements. Répondez ‘’ Je déclare prendre en mariage ‘’, d’accord ? Monsieur Léon – Paul Joseph Marie Aubejoux, consentez – vous à prendre pour épouse mademoiselle Marie Gillain ici présente, honorer sa couche, l'aimer, la protéger, jusqu'à que la mort vous sépare ?

—''Oui. Je déclare prendre Marie Gillain en mariage.

—''Mademoiselle Marie Gillain, consentez – vous à prendre pour époux monsieur Léon – Paul Joseph Marie Aubejoux ici présent, accepter le devoir conjugal, lui tenir obéissance, respect et l'aimer jusqu'à ce que la mort vous sépare?

—''Oui. Je déclare prendre Léon – Paul Aubejoux en mariage.

Il se rassit, et trempa ensuite sa plume pour rédiger le contrat de mariage.

[L'an six de la république, le troisième jour de messidor, à midi.

Devant nous, Pierre – Charles Auget, maire en la commune de Saint – Germain sur Bresle ; Sont comparus en notre mairie dont les portes étaient ouvertes au public, d'une part Léon – Paul Aubejoux, médecin, né à Paris en juillet 1773, demeurant à La Houblonnière, fils majeur de feu Léon Aubejoux et Louise – Victoire Châteauroux, sans profession, demeurant avec lui, ici présente. D'autre part, Marie Gillain, sans profession, née à Saint – Germain sur Bresle en août 1774, y demeurant avec son père, fille majeure de François Gillain, médecin, ici présent et consentant et de feue Marie Devos ; Lesquels nous ont requis de procéder à la célébration de leur mariage dont les deux publications ont été faites devant la principale porte de la mairie de Saint – Germain sur Bresle et La Houblonnière, les deux dimanches derniers. Interpellés par nous, ainsi que le père de la dite épouse, les dits époux nous ont déclarés qu'ils n'ont pas passé de contrat de mariage. Nulle opposition au mariage n'ayant été formée, nous avons donné lecture aux contractants des actes relatifs aux formalités du mariage et nous leur avons demandé s'ils voulaient se prendre pour époux, et d'après leurs réponses séparées et affirmatives, nous avons prononcé au nom de la loi que les dits époux sont unis au mariage. Le tout a été fait en présence de Pierre Gillain, frère de l'épouse, âgé de trente – trois ans, médecin ; Charles Devos oncle de l'épouse, âgé de soixante - deux ans, rentier, domiciliés à Saint – Germain ; Henri Brotodeau, cultivateur, âgé de soixante – cinq ans, Eugène Rochet, cultivateur, âgé de soixante – cinq ans, non parents de l'époux et domiciliés à La Houblonnière. La mère de l'époux et le père de l'épouse ont signé avec nous et deux témoins après lecture faite, les autres témoins ayant déclaré ne pas le savoir.]

Louise Châteauroux Charles Devos

François Gillain Pierre Gillain

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