Chapitre IX : Ballade champêtre

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 L'air de ce sous-bois était nauséabond. L'odeur de la fonge et du sang frais était sans aucun doute la pire essence que l'on eût pu un jour respirer. S'ajoutant à cela l'ambiance glauque que le moment nous imposait ; j'étais là, à la fois pétrifié et ébahi, et en même temps inspiré et instable tel que je ne l'avais jamais été. Si j'avais dû résumer mon état intérieur, j'aurais choisi l'image d'une petite échoppe de potions et sorts en bouteille, dont les murs sont figés dans le temps, mais dont tous les rayonnages tremblent au point d'en faire tomber toutes les flasques et fioles au sol... Provoquant un fracas terrible et renversant du liquide partout...


 "DU LIQUIDE PARTOUT !!" Hurlais-je, hors de moi.



 Heureux de constater que l'échange buccal de mes deux comparses les occupait trop pour soulever mon incorrection. Tout de même, ce qu'il se passait là, était plutôt curieux, et embarrassant. Loin de moi est pourtant l'étroitesse d'esprit, j'ai de mon œil avisé déjà pu voir mille et unes merveilles en ce monde, mais ça... il ne sera pas dit que je le revois un jour.


 Cependant, d'un point de vue médical seulement, la situation était assez inexplicable. En effet, tandis que je divaguais et que ma sève bouillait, je ne pouvais que constater la fulgurante guérison de Gna, dont les plaies encore dégoulinantes de sang il y a quelques instants se refermaient désormais à vue d’œil. La magie opérait. Je reprenais mes esprits peu à peu, et me remettais de cette foule d'événements.


 L'instant me parut opportun pour errer autour de notre clairière, cueillir des plantes, dessiner quelques croquis de la scène et finalement constater le rétablissement de Gnas. Cependant, c'était au tour d'Evi d'être dans les choux. La pauvre avait dû trop donner d'elle même...


 Dans la précipitation, notez, que je ne savais pas vraiment par quel miracle Gna a-t-elle pu se remettre de ses affreuses blessures. Ou bien quelle attention touchante les avait amenées à cet instant tendresse... Dans le liquide écarlate et la boue. En parlant de sang, l'ensanglantée était, à la manière d'une alcoolique en fin de nuit, en train de se relever tant bien que mal.


 Sans trop nous consulter, nous attendîmes quelques heures, puis nous nous mîmes en route, Gnas transportant Evialg toujours évanouie. Quelques heures passèrent, une sale atmosphère régnait dans l'air depuis peu. Peut-être était-ce du fait de l'état pitoyable de notre petit comité, ou bien de la nuit qui pointait à l'horizon, sans pour autant, qu'aucun village ou auberge n'apparaisse à vue, ou bien que nous avions faim et soif, qu'Evi' n'avait toujours pas émergé... Ou peut-être, à cause de tout ça à la fois.


 Elles qui s'étaient rencontrées sur un champ de bataille horrible, dans des conditions bien plus désastreuses, c'en était presque un comble de voir Gnas user du peu de force lui restant pour soulever et transporter Evi'. Sans crier trop gare, peut-être que ces deux-là étaient en train de se lier d'une belle amitié. Née du sang, du jus, du crachat et de l'adversité, mais tout de même amitié.


 Seules les étoiles désormais illuminaient notre route, les seules nuances au silence nocturne étaient les râles douloureux et saccadés de Gnas, sans plus broncher que cela, elle ne s'était pas arrêtée, cependant en me retournant discrètement sur elles, j'avais pu constater une mine maussade et des yeux éteints par la fatigue.



 "Là-bas ! Une lumière sur le bord du chemin !"

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