Chapitre XXXX: Le retour de la Reine, Partie 1

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 Je n'en revenais toujours pas que ma Gnas soit une Déesse. Il s'en était passé des choses incroyables dans ma vie, j'avais aussi découvert et vécu des événements dépassant le commun de n'importe quel habitant de Mithreïlid... Mais m'être attachée à une fille que je trouvais au premier abord si étrange, pour qu'il s'agisse finalement d'une Déesse, ça je n'aurais pas pu l'imaginer.

 Je repensais au combat qu'Eruxul m'avait décrit entre les deux grandes Reines, l'histoire avait finalement complètement été trafiquée ; les usurpateurs de cette tragédie avaient retranscrit leur version déformée des faits. Combien de légendes appartenant à cette Terre avaient pu ainsi, être remaniées ? Combien de mythes ont été inventés pour arranger les fourbes qui sont à l'origine de crises aussi catastrophiques comme celles qui ont agité notre Monde durant le siècle de la Grande Nuit ?

 Peut-être que la bibliothèque remplie des ouvrages collectés par Gnas nous serait utile pour comprendre et découvrir ce qu'il avait pu réellement se passer durant ces temps obscurs. Je passais une main sur un buste sculpté de Teïnelyore, c'est quand même fou, elle qui dérivait sans savoir où elle allait, alors qu'ici, sa gloire passée l'attendait sagement, plusieurs siècles durant. Que vais-je encore pouvoir apprendre me concernant, qu'est ce qu'on peut m'avoir caché ?


  Celle qui occupait mes pensées se collait à moi, et me murmurait quelques mots coquins. Je me retournais et l'embrassais ; elle était tellement énergique depuis que nous avions retrouvés ses effets personnels, elle trépignait d'aller, je cite « Faire manger ses chicots à la voleuse de trône ».


 Cet assaut, bien que dirigé envers la dernière représentante de ma famille, me consolait, et allait venger le mal que j'avais subi de sa part ; il m'avait fallu longtemps pour supporter cette vérité, et lui accorder le jugement adéquat : je ne serais pas en mesure de pardonner, je ne serais pas capable d'oublier le traumatisme qui a mené ma première vie à sa chute ; je devais seulement accompagner Gnas jusqu'au bout de la reconquête de son trône. On m'avait privé de mon héritage, il était inconcevable que le même sort la frappe à son tour.



 « Vous êtes prêtes, on peut y aller ? S'impatientait désormais Tne'.

- Oh moi, je suis prête ! Je bouillonne même. Et toi Evou' ? Tu te sens d'attaque ? Nous allons sûrement rencontrer de nombreux gardes hostiles avant de nous frotter à la Reine...

- Je te suis, Teïnelyore. Je créais la surprise dans ses yeux. Jusqu'au bout, je serai à tes côtés, ne retiens pas tes coups face à ma mère. Elle n'a plus rien d'humain, plus rien de pensant ou de compatissant, ce n'est désormais à mes yeux rien d'autre qu'un monstre. Je serrais les poings. Ne lui laisse aucune chance, car elle ne nous fera aucun cadeau.

- Bon alors allons- y, il n'y a plus une seconde à perdre. »



 Teïnelyore ouvrait la marche et quittait l'antichambre, d'un pas décidé, elle traversait rapidement la bibliothèque, et faisait désormais face à la lourde porte d'entrée. Teï, nous demandait de nous préparer. Pour ma part j'avais quitté l'uniforme des miliciens dans la salle aux trésors, je venais de me débarrasser de l'arme assortie et commençais à me concentrer ; je faisais cette fois-ci apparaître un sabre semblable à celui de Gnas. D'un hochement de tête je confirmais aux deux autres que j'étais disposée à me battre.


 Teïnelyore toquait et lançait « On sort ! ». D'un coup de pied, elle déchirait le cadre en pierre de l'accès, faisant voler l'épaisse barrière de bois au centre de la place, soufflant les deux gardes au passage. Les quelques soldats en poste présents ici, étaient pris de stupeur, nous avancions toutes deux, lames en main, suivies de près par Tne'.

 La tour nous faisait face seulement à quelques pâtés d'habitations d'ici, nous devions limiter les carnages, et sans nous concerter, nous nous mettions à courir, balayant ceux qui nous en empêchaient. Je me retournais après avoir franchi une sombre venelle, et constatais que Tne' avait réussi à nous suivre... Pour une fois.


 Nous débouchions sur une avenue remplie de miliciens nous attendant de pied ferme, et la petite ruelle derrière nous était à présent envahie par d'autres troupes. Gnas fendait les rangs qui nous faisaient front, tandis qu'à l'instar de ma première visite à Teysandrul, je percutais le sol de l'obscure viscère et en soulevais tous les pavés, bloquant nos poursuivants. Après quelques échanges tranchants, nous nous débarrassions sans difficulté des gêneurs, et nous retrouvions enfin, au pied de l'allée qui amenait à ladite tour.

 Les effectifs postés ici étaient encore une fois, bien mieux équipés et bien plus alertes que les précédents. Je reconnaissais le vieux capitaine à qui j'avais fait peur durant mon premier passage ici, je profitais que nous ne soyons pas jugulés pour m'approcher de lui, mon sabre baissé.



 « Cette fois-ci, nous sommes en position de force. Cependant, j'espère que vous comprendrez que nous ne vous voulons aucun mal. Si nous sommes ici, c'est pour faire tomber la Reine. Pas ses gardes. Lui expliquais-je.

- Faire tomber la Reine ? Vous plaisantez ? Grognait-il. Ma compagnie et moi GARDONS cette tour et ceux qui y siègent. Nous la gardons, car nous la protégeons. Je ne vais pas laisser passer des inconnus et encore moins pour la raison que vous m'avancez.

- Vous ne comprenez pas. La Reine n'est pas légitime, c'est une usurpatrice ! La vraie Reine, elle se trouve derrière moi, et ce n'est pas simplement une dirigeante, c'est une des treize divinités de Mithreïlid !

- Hahaha vous les jeunes et vos sornettes... Je vais vous en montrer moi de la divinité ! »

Sans prévenir, il dégaina sa rapière, et m'asséna un coup que je ne pus parer. Mais Gnas s'interposa encore plus vite, la lame vola en miettes au contact de sa tunique magique, un morceau éjecté alla couper la joue de l'homme, et avant qu'il n'eut le temps de s'enfuir ou de glisser un cri, Teïnelyore l'attrapa à la gorge et le souleva du sol. Les miliciens se hâtèrent de venir à sa rescousse.

« Il ne fallait pas faire une chose pour que cela se passe bien. Une SEULE. Mais tu as osé lever ton clou vers celle que j'aime, maintenant regarde bien, vieil homme. »



 Gnas le projeta à terre, manipula le flux sanguin tout juste déclenché par l'éclat tranchant ; à partir de quelques gouttes écarlates prit forme une lance, elle la brandit et la balança en direction des loyaux soldats. La plupart des gardes furent empalés, et à peine le javelot fut lancé, un deuxième apparut entre ses doigts, elle accueillit les derniers survivants d'un déluge de coups d'estoc. La petite garnison fut anéantie en quelques secondes. La lance disparut, Gnas saisit le capitaine à nouveau et l'envoya s'écraser dans un mur.


 Sans plus attendre, nous atteignions l'immense seuil du bâtiment, nous pénétrions dans ce dernier. L'hôtesse que j'avais un peu secouée la dernière fois me reconnaissait, elle cachait son visage dans un registre, une chance pour elle, je savais quel escalier emprunter désormais. Nous entamions alors la longue ascension jusqu'au sommet.

 C'est dans le silence que nous gravissions marche après marche, que nous atteignions palier après palier, jusqu'à ce que Gnas s'arrête face au tableau où j'y figurais. Elle tendait sa main, caressait la toile du bout des doigts, plus particulièrement, elle glissait sur mon visage peint, durcissait le regard quand elle le déplaçait vers Irasandre ; puis comme si de rien n'était, se remettait à grimper.

  Sans qu'elle n'ait prononcé un seul mot, je la sentais bouillir, elle ne devait attendre qu'une chose, la fin de cet interminable escalier. Au détour d'un étage, je m'étais retournée, constatant que Tne' nous talonnait toujours, lui aussi maugréait à la vue des portraits d'Irasandre, et de toutes les jeunes filles qui l'accompagnaient, se succédant les unes après les autres ; tandis que lui avait l'air de bien imaginer le sort qui les frappait, une à une, ces dernières consumées par ma mère dans le simple but d'entretenir son apparence.

 Il est vrai que sa beauté était remarquable, cependant, cet esthétisme n'était que le beau reflet d'une âme monstrueuse et laide ; Tnemesnap l'avait rapidement deviné et son visage qui de par sa prédisposition morale assez sereine, ne semblait pas pouvoir se rider de colère, était désormais empli d'une haine farouche. Je me savais inondée du même sentiment, et plus nous nous approchions du dernier étage, plus il grandissait en moi. A l'instar de ma première ascension ici, l'atmosphère devenait pesante, le silence morne troublé par le crépitement de braseros et de nos pas sur les marches en pierre amplifiait la morosité du lieu, une fois de plus, j'avais l'impression de m'avancer vers la mort, de grimper vers la fin de toute chose.


 Le dernier palier de cette immense tour était enfin atteint. Tout avait été remis en état, comme si mon affrontement contre ma mère n'avait jamais eu lieu, le corridor avait retrouvé sa laideur originelle, cette dernière découlant de l'ameublement lugubre et sombre qui y prenait place, je ne me souvenais pas qu'il y faisait si froid. L'éclat provenant de Gnas s'était affaibli peu de temps après qu'elle ait revêtu la tenue, cependant, son aura venait de croître intensément, tandis qu'elle faisait craquer tout son corps.

 Elle approchait ses lèvres des miennes et m'adressait un regard des plus charmeurs, se reculait de quelques pas et brandissait son sabre, Tne' ingurgitait le contenu d'une flasque rougeoyante provoquant un léger hoquet, moi, je me concentrais et invoquais la lame circulaire que j'avais pu expérimenter sur le champ de bataille nous opposant aux troupes de Teysandrul. Il allait être l'heure d'en découdre.

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