Chapitre XXVII : Fausses retrouvailles, Partie 2

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 Je ne m'imaginais vraiment pas grimper une par une ces grosses pierres, moi je voulais sauter le plus haut possible d'un coup.



 "Quand il faut.. il faut", me disais-je.



 Prenant quelques pas de recul, vérifiant que tout mon équipement allait tenir, je m'élançais et percutant le sol du plus fort que je le pouvais, je me voyais sauter très très haut, presque même m'envoler. Mais à grand saut... Lourde retombée. Et même si j'étais presque arrivée au niveau du nain-pourri, le gros caillou sur lequel je venais d'atterrir, fit bouger le gros caillou du dessus, et encore celui du dessus, ça, jusqu'au caillou tout en haut. Un bruit sourd se faisait entendre. Comme si toute la montagne était en train de glisser, mais vers moi.


 Ou plutôt sur moi. J'allais être brave et faisais donc face au premier bloc rocheux qui me tombait dessus. Mais en un instant, le nain me fauchait, et sans que je comprenne trop ce qu'il se passe, mes yeux qui ne voyaient que cet énorme caillou foncer droit sur moi, voyaient la seconde d'après, des centaines de pierres couler de la montagne, réduisant en purée la forêt qui s'étendait au pied du pic.



 "Oups... Glissais-je, consciente de la catastrophe qui venait de se produire devant moi. Je regardais Eruxul, des étoiles plein les yeux. Tu m'as télépotelée !! C'est génial ! On peut le ref...

- Non mais ça va pas ?! Me coupait-il sèchement. Tu voulais nous réduire tous les deux en bouillie ou quoi ?!

- Bah non... Je prenais une petite voix. Mais c'est le caillou.. Il a bougé sous moi et... enfin le caillou d'après aussi... Euh. Je souriais bêtement. J'ai fait une bêtise ?

- Parce qu'avec le bond que tu as fait, tu croyais vraiment retomber en douceur ? N'oublie pas ce que tu portes au dos. Ce n'est pas parce que tu n'en sens pas le poids, ce qui m'étonne énormément, que ton arme n'est pas lourde !

- Tu exagères... Le charriais-je.

- Non je n'exagère pas. Si cette arme est un artefact de guerre, c'est qu'elle est tellement lourde qu'il faudrait au moins deux personnes pour la brandir correctement. Tu imagines le poids avec lequel tu es retombée sur ces pierres instables ?! Comme si le résultat t'étonnait...

- Quel jabat-roi. Soufflais-je.

- Déjà c'est rabat-joie et si nous n'avions pas risqué de mourir peut être que...

- Regarde ! Je lui montrais ce que la coulée de pierre avait laissé apparaître. C'est comme si quelqu'un avait percuté la montagne, et que les cailloux étaient tombés par dessus. Comme ça. BAM ! Mimais-je en frappant une main de mon autre et en la faisant glisser après.

- Ah oui... Rétorquait-il sans même chercher à avoir le dernier mot. Peut être serait-ce...

- La conséquence de l'éclair mauve ! Il faut aller voir."



 Je repartais en sautant vers la zone, faisant choir d'autres rochers sur mon passage. Sauf que désormais j'en étais sûre. Ce qui était rentré en collision avec la montagne... C'était Evialg, elle doit être coincée sous les décombres. J'atteignais l'épicentre visible de l'éboulis de pierre, et me concentrais afin de trouver Evialg. Je la sentais, puis ne la sentais plus. Comme si je me focalisais sur ses battements de cœur. Je me déplaçais un peu, ne ressentais plus rien, puis après avoir enjambé quelques roches, je distinguais à nouveau sa présence, de plus en plus fort. Désormais c'était son souffle que je pouvais sentir au fond de moi.



 "Elle est là ! hurlais-je au nain, qui me rejoignait en un mouvement de mains.

- La question maintenant, c'est de savoir comment retirer ces pierres, si tu la sens ici, c'est qu'elle doit être en dessous. Tu as une idée ? Me questionnait-il.

- Oh oui. Mais bouge. Lui retournais-je."



 Agrippant le premier énorme caillou qui se dressait sous moi, je le soulevais sans trop de difficulté, sous le regard ébahi d'Eruxul. Le projetant hors de l'avalanche, répétant cette opération jusqu'à ce qu'Evialg, enfin, apparaisse à mon regard. Elle semblait inerte, je la dégageais des rochers. Ce ne fut qu'une fois libérée de sa prison de pierre, que ses yeux blancs s'ouvrirent face aux miens. Mais, quelque chose clochait. Sa façon de me regarder, de me voir, comme si elle ne me connaissait pas, confirmait ce que j'avais pressenti auparavant.



 "Tu n'es pas Evialg."



 À peine eus-je prononcer cette phrase, qu'elle se hissa sur ses deux jambes et que sa main vint saisir ma gorge. Je sus immédiatement que quelque chose de maléfique émanait désormais d'elle, il ne me fallut pas moins de temps pour la repousser d'un coup.

 "Je ne sais pas ce qui t'habite, mais parlons-en ! Lui criais-je. Eruxul, toi tu te caches et tu regardes. Lui lançais-je, constatant qu'il s'était déjà abrité.

- Seul le sang parle, le reste n'est que mensonge. Balbutiait Evialg."



 Sans plus perdre de temps, une lame noire et rouge apparut dans sa main, et une paire d'ailes toute aussi écarlate jaillit de son dos, accompagné d'un bruit strident et ignoble, comme le jour où j'avais joué à la balle avec une ruche. Elle voulait se battre. Elle voulait me tuer même, sa façon de se tenir n'était en rien comparable à celle de la première fois où nous nous étions affrontées.



  "D'accord, d'accord. Tu veux que ça saigne, moi aussi j'ai des comptes à te rendre. Ça tombe bien."



 Je me sentais bien différente qu'à notre première rencontre, quand bien même Evialg s'était endurcie, j'étais prête à en découdre. D'autant que celle que j'avais face à moi, malgré son apparence et la puissance qui s'en dégageait, n'avait plus rien d'une humaine. Je la percevais comme un monstre, ni plus, ni moins.


 Sereinement, je brandissais Masamune et laissais l'excitation courir dans mes veines. Nous nous faisions face, marchant et sautillant sur les pierres jonchant la balafre de la montagne, décrivant un cercle. La belle mais fausse Evialg, et moi ; prêtes toutes deux à nous foncer l'une sur l'autre.


 Elle donna le ton en soulevant d'un coup de pied un rocher et frappant dedans, envoya une infinité de petits cailloux coupant dans ma direction, me tailladant le corps de multiples petites éraflures suintantes de sang. Je parai immédiatement son assaut, qu'elle voulut masquer par ce subterfuge. Plongeant l'une en direction de l'autre, nous échangeâmes nos places.


 Tout juste posée, je fonçai sur elle, écrasant lourdement ma lame sur sa garde, elle n'eut d'autre choix que de reculer en suivant la pente, pour mieux sauter à nouveau vers moi. Je l'esquivai sans peine, et tentai de la faucher d'un coup de pied, elle évita ma jambe, et asséna à son tour une frappe violente. Je me projetai en arrière, me retrouvant quelques mètres sous elle. Sans plus d'effort que moi, elle souleva une grosse pierre et me l'envoya.


 Mais j'étais désormais certaine que ce n'était pas Evialg, sinon, elle ne m'aurait pas fait perdre la moindre goutte de sang. C'est ça mon credo. Même une goutte suffisait à décupler ma force, là, c'étaient des dizaines de petites gouttelettes qui tachaient ma peau. Pour une imposture, c'était raté. Je me félicitais moi-même d'avoir deviné ça.


 Mais quand bien même, l'immense rocher filait toujours dans ma direction, et j'avais une idée. Je fis face et décrivai des petits ronds avec mon bras libre, une corde sanguine s'en dégagea. Cette dernière que je lançai, s'englua au contact du bloc de pierre, et tout en accompagnant la trajectoire du projectile, un tour sur moi-même et un petit coup de poignet suffirent afin de le retourner à son expéditrice. Je relâchai ma concentration au bon moment, la corde céda et cette fausse Evialg reçut le tout directement dessus.


 Sauf que cela n'eut pas avoir raison d'elle, elle qui avait été écrasée, tout juste déterrée, elle pulvérisa et réduit en poussière l'énorme pierre, redonnant forme à ses ailes, et s'énervant davantage.


 Sa rage l'avait même amenée à faire apparaître une seconde lame. Elle voulait corser le combat, sans nul doute. Sauf que j'apaisais mon amusement au profit d'une grande sérénité. Sans attendre, elle se mettait à tourner sur elle-même, toutes lames dehors, une tornade sombre et écarlate se dirigeait donc vers moi. Je me cramponnais à ma position, crispant mon corps et laissant donc davantage de sang s'échapper de toutes les petites plaies ouvertes sur ma peau. Je la ressentais à nouveau, cette puissance sans limite qui me sillonnait toute entière. Je mis ma deuxième main au pommeau de Masamune, et effectuai un grand mouvement oblique en direction d'Evialg.


 J'interrompis le tourbillon d'un coup, soufflai mon opposante dans la direction inverse, et la suivis sans perdre une seconde. Mon bond me fit arriver au-dessus de l'endroit où elle se réceptionna, je la frappai sans plus attendre dans sa garde croisée. À chaque impact de mon arme, des gerbes d'étincelle s'envolaient, et Evialg s'enfonçait dans la roche.


 Je savais à quoi m'attendre, elle allait davantage s'exciter et donc relâcher sa matérialisation, je devais guetter ce moment, cet instant où elle penserait avoir gagné. Sa lame en acier volait en éclats et elle devait s'extraire de mes assauts répétés. La fureur grandissait d'un bond en elle, même son expression changea, c'était presque fini. Elle s'enveloppait dans ses ailes et se mettait elle-même à grossir, elle se déformait.


 C'était donc ça qu'elle voulait faire, devenir un Dragon. Je rangeais mon arme, me reculais de quelques roches et la regardais faire. Elle tombait à genoux, poussait un hurlement de douleur, tout son corps se transformait : ses bras s’élargissaient et ses mains se munissaient de longues griffes, une queue perçait son dos, ses jambes se métamorphosaient en pattes robustes, la pierrière glissait sous son poids ; et pour finir elle laissait son visage émerger de son cocon d'ailes. Un rugissement infernal émanait de son énorme gueule. Elle l'avait fait. Elle s'était changée en Dragon.



 "Ça y est, mémère est en colère ?! Lui hurlais-je. Tu fais bien des manières pour pas grand chose. Tu disparais sans rien dire et tu reviens furieuse ?! Grondais-je, absolument pas intimidée par cette créature géante qui se profilait devant moi, Eruxul se téléportait à côté de moi.

- Ne reste pas là Gnas. Des dragons je n'en ai pas vus souvent, mais c'est du costaud, du très très costaud. Et à chaque fois que des aventuriers s'y mesuraient, ils...

- Mourraient ? Peu m'importe, gros lézard ou grosse vilaine, ça ne change pas grand chose pour moi.

- Tu ne comprends pas je crois. C'est un Dragon Gnas, un DRAGON !

- Toi qui te souviens de tout ce que tu vois, tu pourras comme ça le raconter.

- Quoi ?

- La première fois que tu as vu quelqu'un massacrer un Dragon. Maintenant pousse-toi et laisse-moi faire. Il s’exécutait en ronchonnant, Evialg elle, était remise de la transformation et désormais me fonçait dessus, pataude. Allez c'est parti !"



 Je me savais dotée d'un gros avantage sur ce terrain très accidenté, j'étais toute petite et elle beaucoup trop grosse. Je devais juste la prendre de vitesse. Sans dégainer mon arme, je m'enfonçais dans sa garde et sautais par dessus ses membres monstrueux. Cela fonctionnait, elle était obligée de se retourner, glissait sur les innombrables pierres laissées par l'éboulement. Je profitais de ce court instant pour courir et sauter dans sa direction, me réarmant et l'entaillant, faisant demi-tour immédiatement.


 Une gerbe de flammes mauves suivait son râle, fort heureusement, des obstacles il y en avait partout ici. J'attendais sa charge suivante, la feintais et tout en passant près d'elle, la tailladais une fois de plus. Un sang acide se dégageait de ses plaies, fumant au contact des rochers. Elle devait encore une fois se retourner pour me faire face. Ça allait être plus facile que prévu. Cependant, elle s'envolait lourdement cette fois-ci pour pallier à ma ruse.



 "C'est pas du jeu, ça" Maugréais-je.



 Sa hauteur lui donnait un fort avantage, et je devais désormais sautiller de pierre en pierre sans m'arrêter, afin de ne pas me faire carboniser. Je trébuchais sur un appui instable, lâchais mon arme sans avoir le temps d'aller la récupérer et manquais de peu, de me faire cuire sur place. Si elle ne voulait pas descendre, alors moi aussi j'allais tricher. Je repérais un immense rocher encore intact, et tout en continuant de courir entre les flammes, j'allais me réfugier dessous.



 "Un dernier petit effort." Me disais-je.



 Je m'arc-boutais sous mon imposant refuge et commençais à le soulever, lentement, le voyant rougir sous le souffle incandescent du Dragon, mes mains brûlant sous la chaleur qui s'en dégageait et enfin, le projetais de toute la force que j'avais. Je le voyais aller s'écraser dans la gueule du monstre volant, qui chutait sous la violence du projectile tout juste reçu. Je me jetais en direction du crâne de la bête, que je martelais de coups de poing, tête, pied. Sa face se déformait, ses crocs sautaient les uns après les autres, du sang giclait dans tous les sens, me rendant plus acharnée et plus forte à chaque frappe que je lui assénais.


 Le Dragon battait l'air de sa queue et tambourinait le sol de ses pattes, incapable de me résister. Paraissant désormais assez affaibli, j'ouvrais sa gueule en grand et m'y logeais accroupie, m'y dressant, lui arrachant la partie inférieure du haut, le tout accompagné d'un grognement épuisé. La bête s'effondrait, sans vie, laissant le corps monstrueux partir en fumée, dévoilant le corps meurtri de cette fausse Evialg, les yeux clos. Elle tendait la main dans ma direction :



 "Trouve moi... Trouve moi là où je suis arrivée pour la première fois... Une plage... Une pla..."



 Son corps se raidit, puis à l'instar du Dragon, s'évanouit dans un nuage de poussière. Le nain-pourri me rejoignit.



 "Tu l'as fait Gnas, tu l'as fait !! Chantait-il, joyeux.

- Une plage ? Mais de quelle plage parlait-elle ?

- De quoi ?

- Evialg m'a demandée de la trouver, sur une plage où elle était arrivée...

- Et tu sais de quoi il s'agit ?

- Pas du tout. Et la seule personne qui sait où cela se trouve c'est...

- Votre ami qui est dans la forêt. Me coupait-il.

- C'est ça. Donc nous devons le retrouver, avant toute chose."



 Je quittais Eruxul pour aller récupérer le Masamune, constatait que mon premier sabre était totalement détruit, et, curieuse, allais attraper les quelques crocs en état que j'avais fait sauter de la gueule du Dragon et qui ne s'étaient pas transformés en poussière ou en fumée.



 "Bon, j'ai tout ce qu'il me faut, tu sais où est le petit pervers n'est-ce-pas ?

- Oui, je pense savoir où le trouver. S'il est toujours en vie, bien sûr.

- Alors en route. Nous n'avons pas de temps à perdre." Soufflais-je.



 Nous revenions donc sur nos pas, partant à la recherche des autres membres du groupe.

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