Trouvons une planque

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Mais les Machines ne pouvaient pas tout produire. Les Consortiums séparèrent alors ceux qui devaient continuer de produire et ceux qui n’avaient plus à produire.

Évangile selon l’Algorithme, 1-7.

- Tu es en train de me dire que tu as ce truc là dans le crâne depuis ton accident, et que tu ne t’en es jamais rendu compte.

Elvis Fouinard, la main enfouie dans son épaisse tignasse noire, se frottait le cuir chevelu comme s’il se faisait un shampoing. Il avait fermé son œil droit, et me fixait de l’autre, en faisant une moue qui disait : “Tu te fous de moi”.

- Oui, c’est que je te dis. Et je ne suis pas le seul dans ce cas, puisque Angelo et Madame Vyltmöss ne s’en rendaient pas compte non plus.

Elvis jeta un rapide coup d’œil à Erika. Elle se contenta de hocher la tête.

- Et ce truc là créerait des ondes qui dérégleraient le bazar que vous avez tous dans la tête, reprit-il.

Il porta son regard sur le petit pavé en plastique imprimé posé sur le cube lampe. Il semblait bien petit.

- Quand je te disais que le digital est une immonde saloperie. C’est pas dans l’cul qu’ils vous le foutent l’implant. Non, ils voient plus grand. C’est dans la tête, reprit-il en se jetant en arrière sur le dossier de son canapé-lit.

- Le digital n’est pas en cause Monsieur Fouinard. C’est ce que les hommes en font, le problème, dit Erika avec calme.

- Ouais peut-être. Mais il y a quand même quelque chose que j’ai encore du mal à comprendre. Si ce truc est dans ta tête comment peut-il mettre des trucs en route et te transmettre toutes ces infos. Comment fait-il pour se connecter aux choses depuis ta tête ? Tu lui donnes des ordres et pouf, voilà la réponse qui s’affiche sur tes lunettes comme par magie.

- Je ne sais pas. Encore un…

- Intrication quantique, me coupa Erika.

J’émis un son guttural intraduisible, un mélange de toux et de raclement de gorge, pour marquer mon étonnement. Je m’étais tourné vers elle. Elle était assise en face de nous sur une petite chaise pliante que je savais très inconfortable. Sa posture ressemblait à celle d’un moine zen en pleine méditation. Elle venait d’avaler une gorgée de café et avait ramené sa tasse près de sa poitrine.

- Grâce à l’intrication quantique, répéta t-elle en nous fixant l’un et l’autre, comme si nous étions des élèves de maternelle. En intriquant deux particules, on parvient à les faire fonctionner comme si elles appartenaient à un même système. En modifiant la propriété d’une des particules on modifie les propriétés de la deuxième et au même instant. Aucun besoin que les appareils soient reliés entre eux. C’est comme ça que la communication est possible, entre le servCom qui est dans notre tête, et tout type d’appareil extérieur.

Elvis siffla longuement. Une note parfaite.

- Je ne comprends pas tout mais d’accord, conclut-il.

- Il y a huit ans, SpecieZ est parvenu à intriquer deux particules et à créer le premier processeur quantique. Son fondateur, Nels Kumo a voulu alors exploiter directement cette formidable découverte sans prendre le recul nécessaire. Beaucoup d’ingénieurs se sont inquiétés du risque de singularité technologique et de l’emballement provoqué par cette découverte. Votre père étaient de ceux-là Monsieur Sirce. Je pense que beaucoup d’entre eux ont été éliminés, d’autres inhibés grâce aux servCom. Beaucoup ont même accepté cette inhibition sans le savoir.

C’est la première fois que je voyais de la tristesse dans le yeux d’Erika.

- Vous voulez dire que…

- Oui. J’ai volontairement accepté le servCom de Nels. A ce moment là, j’ignorais tout de l’inhibition et du contrôle que le Consortium exercerait sur moi, et sur tous les porteurs. J’ai été stupide. J’étais amoureuse.

Quelques larmes coulèrent le long de ses joues à la peau hâlée. Elle les essuya aussitôt, d’un revers de main.

Nous cessâmes de la regarder pour nous concentrer sur le petit boîtier noir qui clignotait devant nous.

Fin stratège, Elvis sut rompre le silence qui venait de s’installer.

- Bon, c’est pas tout ça, mais vous n’allez pas pouvoir rester ici plus longtemps. Les gonzes du Guoanbou et du SOC devraient pas tarder, et ça risque de chauffer pour tout le monde ici. Ils n’aiment pas les contrariétés et votre petite histoire de toute à l’heure risque de les avoir mis de mauvaise humeur.

- Tu as une idée de planque ? Un endroit où l’on pourrait voir un peu venir et essayer de trouver un moyen de quitter Oumane.

- J’ai bien une idée, mais je pense que tu vas pas apprécier mon pote, repris Elvis. Cette fois-ci il se gratta l’arrière du crâne.

- Dis toujours !

- Je pense au secteur 8.

Je fis une grimace.

- Chez les Gris. Je suis pas sûr. J’en ai dégommé trois il y a deux jours. S’ils me reconnaissent autant dire que nous allons passer un sale quart d’heure.

- Pourquoi penses-tu qu’ils te reconnaîtront ? Il y a tellement de tribus. Et puis j’ai rien de mieux à vous proposer pour le moment. Vous pouvez jouer serré en tentant de vous faire passer pour des proDs en rupture de ban et profiter de leur hospitalité. Les Gris ont une telle détestation du Consortium qu’ils vous accueilleront à bras ouverts. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, c’est bien connu.

Erika me regarda avec la même détermination que j’avais vu dans ses yeux quand nous avions fui du Fidèle, plus tôt dans la journée.

- Nous n’avons pas le choix Monsieur Sirce. C’est ça, ou un séjour dans les laboratoires du Consortium, avec tout ce que cela comporte comme risques. Nous ne pouvons pas nous le permettre. Au mieux ils nous réinjecteront dans le système et réactiveront l’inhibiteur de notre servCom. Au pire nous finirons improDs dans un centre de rééducation, avec en prime un aller simple pour Mars.


- Navré d’gâcher vos retrouvailles mais j’crois qu’on a d’la visite, fit Quentin.

- Guoanbu ?

- Non, m’a l’air d’être des potes à toi Waldo. Fringués à la mode, avec des tronches pas commodes.

- Combien ?

- Deux robocars et quat’ types.

- On a le SOC sur le dos il faut filer. Quentin t’as une sortie que je ne connaîtrais pas encore.

- Négatif. Tu les connais toutes. L’problème c’est qu’les coincés bouchent les deux.

- Pourquoi ne pas l’avoir dit tout de suite ? On devrait s’en sortir, dis-je.

Je reconnaissais là les méthodes du SOC. Tellement habitués à s’occuper de gens bien qui collaboraient gentiment, des proDs apeurés ou des improDs sous équipés qu’ils appliquaient systématiquement la même procédure. Un signe s’il en fallait du fait qu’ils étaient tellement imbus d’eux-mêmes qu’ils en venaient à sous estimer leur adversaire. La robocar que j’étais parvenu à envoyer au tapis ne les avaient même pas convaincu du contraire. Pour un peu j’aurais pu être vexé. A moins qu’il y ait une autre raison. Bizarrement Tom ne m’avait signifié aucun avis de recherche intégral nous concernant. C’était plutôt étrange.

- Les gars attention quand même. Ils ont sorti la grosse artillerie visiblement. Je vois quatre fusils à pompe automatique de type Taurus. Les coincés sont pas là pour faire de la figuration. Engagement létal possible. Putain Waldo chais pas c’qu’ils te veulent, mais sont pas là pour ton bien. Filez par l’issue de secours je m’occupe des types de devant.

Elvis avait récupéré un fusil qu’il planquait dans son placard. Il l’avait déjà chargé. Un truc bricolé à l’ancienne : crosse raccourcie et canon scié. Un engin qu’on pouvait planquer sous le manteau. Il avait également enfilé un gilet en kevlar. Il avait pris l’habitude d’en porter quand il traînait dans les secteurs chauds.

- Depuis quand tu sais te servir de ça toi, demandai-je.

- Depuis que j’ai arrêté de sucer mon pouce.

J’avais tendance à oublier à quel point Elvis était un démerdard. Il avait survécu à des épreuves auxquelles peu de gens auraient survécu. C’était un coriace.

- A tous, les types du SOC portent certainement une biosteel. Donc si vous voulez un tir définitif c’est directement à la tête, déclarai-je.

- Attendez mon go. Les types de d’vant vont rentrer. Ceux d’l’arrière ne bougent pas pour l’moment. Ils font face à la porte.

Nous sortîmes en courant du box d’Elvis pour nous rapprocher de l’issue de secours. Le petit renfoncement qui servait à ranger les bacs de tri sélectif tiendrait lieu d’abri temporaire pour Erika, pendant qu’Elvis et moi nous occuperions des deux agents de l’arrière. Nous attendîmes près de la porte à battants, nous tenant prêts à surgir aussi rapidement que possible.

- GO ! GO ! GO !

La voix de Quentin résonna dans les hauts-parleurs du narcobar, les mêmes qui servaient aux alertes ou aux évacuations. Une déflagration se produit quasi instantanément. Le boucan était épouvantable.

Cela suffit à décontenancer les agents du SOC que nous devions affronter. Ils regardaient vers les deux gros hauts-parleurs, gargouilles de métal rouillé et tordu, qui surplombaient l’issue de secours.

Le premier type, celui de gauche, pris la décharge du fusil d’Elvis en plein visage. Nous ne l’entendîmes pas tomber, tant nos oreilles sifflaient. Son collègue de droite eut juste le temps de pousser un hoquet de surprise. Il tenta de nous mettre en joue. La décharge de l’AED le grilla malgré son biosteel. J’avais eu beaucoup de chance, mes yeux n’avaient pas flanchés. Au moment de notre sortie, la lumière rasante du soleil n’inondait plus l’arrière cour.

J’appelai Erika pendant qu’Elvis récupérait les fusils des deux membres du SOC.

Nous venions d’atteindre le point de non retour.

A l’intérieur la fusillade se poursuivait. Quentin n’avait pas eu autant de chance que nous. Ses assaillants se défendaient mieux.

- Waldo qu’est-ce qu’on fait ? On peut pas le laisser comme ça.

Je regardai en direction du Narcobar puis je fixai Erika.

- Il a dit qu’il nous couvrait Elvis. On doit y aller, Madame Vyltmöss ne doit pas tomber entre leurs mains.

- On prend leur robocar, fit Elvis.

- Non, je ne préfère pas. Il doit y avoir un mode antivol avec verrouillage interne. On va prendre la nôtre et filer en direction du secteur 8. Avec la nuit qui approche, ils hésiteront à nous suivre.

Les tirs redoublaient à l’intérieur du Colonial.

A quelques rues de là, des sirènes d’alerte appelaient à l’aide.


Comme à son habitude Elvis se frotta plusieurs fois son épaisse tignasse lorsqu’il vit la robocar.

- Tu es sûr qu’elle roule encore ta cariole ? Elle est dans un drôle d’état. On va se faire repérer dès qu’on arrivera sur les boulevards. Et en plus elle boîte.

Il ponctua sa dernière remarque d’un magistral coup de pied dans la roue voilée.

- Qui te dit qu’on va passer par les boulevards ? On va éviter les endroits trop fréquentés. En restant dans les zones orange ça devrait le faire.

- On est pas rendu. On va arriver en plein territoire gris une fois la nuit installée. Tu aimes jouer les héros. Je te rappellerai que tu n’es plus tout seul sur ce coup-là mon pote.

Elvis avait tenté de jeter un coup d’œil discret en direction d’Erika.

- Je pense que nous n’avons pas le choix Monsieur Fouinard, fit elle. Plus on discute plus on perd de temps, fit elle avant de grimper à l’avant du véhicule.

- Je pense que c’est assez clair, repris je.



Le crépuscule céda sa place à la nuit en un clignement de paupière. Habitude tropicale.

Ce n’était pas le moment idéal pour chercher une planque dans le secteur 8, surtout sans ordinateur de bord, et encore plus sans drone d’observation dynamique. Mais avions-nous le choix ?

Les zones grises étaient laissées à l’abandon par les autorités chinoises, et ne représentaient aucun intérêt économique pour le Consortium. Par la force des choses elles étaient devenues des ghettos improDs. Vu notre situation, je n’allais pas m’en plaindre.

Elvis nous guidait. Il connaissait le secteur pour y avoir de nombreux contacts. Nous nous rendions chez un de ceux-là. Un type de confiance nous avait-il annoncé. Qui pourrait nous offrir le gîte, à défaut du couvert. Dans un abri souterrain confortable. Avec de l’eau et de la lumière. Le grand luxe.

Nous remontions un boulevard encombré d’immondices, de débris et de carcasses de véhicules abandonnés par leurs anciens propriétaires. Des proDs égarés, victimes d’embuscades. Nous roulions tous feux éteints et à faible allure. Seule la lumière des rares lampadaires biolum encore fonctionnels éclairait notre chemin.

Nous étions aux aguets. Un silence de plomb régnait dans l’habitacle. Assis sur la banquette arrière, Elvis pointait son arme à travers le hayon sans pare-brise, guettant tout danger pouvant venir de l’arrière.

Aux dires d’Elvis nous approchions de l’endroit.


Le lampadaire tomba à moins de 10 mètres devant nous. Je freinai comme un diable. La robocar s’arrêta.

- Tom, quelles infos ?

- C’est une embuscade Monsieur.

- Je le vois bien que c’est une embuscade. Tu n’as rien de plus ?

- Non Monsieur.

- Et en plus ces trucs ne servent à rien quand on en a le plus besoin, coupa Elvis.

- Tu vois quelque chose derrière Elvis ? repris-je.

- Ça s’agite on dirait. Je crois que la retraite est coupée.

La détonation qui suivit ne me permis pas de répondre. Le moteur cala aussi sec. Une vilaine fumée grise sortait du capot.

- Nous sommes désolés de vous importuner chers visiteurs, mais nous allons avoir besoin de votre aide.

La voix semblait amplifiée par je ne sais quel dispositif. Un appareil ancien, du genre mégaphone. Des grésillements et des sifflements polluaient la netteté de la voix, mais nous n’avions eu aucun mal à comprendre les paroles de l’individu. Nous nous regardâmes rapidement dans l’habitacle.

- En voilà une drôle de façon de faire, déclara Erika.

- Chaque tribu a ses méthodes sur son territoire, déclara Elvis. Visiblement ceux-là respectent encore les vieilles lois de la courtoisie. On pourrait essayer d’en profiter.

- D’accord. Mais comment ? hurlai-je en réponse à la voix.

- Vous disposez de ressources dont nous manquons cruellement cher Monsieur. Vous seriez très aimable de nous laisser tout cela. Vous pourriez ensuite reprendre votre route en toute tranquillité. Nous ne vous voulons aucun mal. Vous avez ma parole d’homme éduqué et civilisé.

Quelque chose dans les manières et l’intonation me renvoyait vers d’anciens souvenirs. Mais je ne parvenais pas à mettre le doigt dessus.

- J’ai l’impression de connaître cette voix et cette façon de parler, rajouta Elvis.

- D’accord. Nous allons vous laisser ce que nous pouvons, criai-je.

Une deuxième détonation fit exploser le pneu avant droit.

- Je vous prie de nous excuser, mais il semblerait que nos consignes ne fussent pas assez précises. Nous vous demandons de tout nous laisser, fit la voix.

Surtout rester courtois.

- Nous avions bien compris Monsieur, mais sur ce territoire hostile nous espérions un peu de clémence de votre part.

Elvis et Erika me regardaient avec des yeux ronds comme d’énormes billes. Je fis un clin d’œil à Elvis. Bon sang cette voix. Il fallait que je gagne encore du temps.

- N’en fais pas trop non plus, me chuchota Elvis. Ils vont croire que tu te fous de leur gueule.

- Certes Monsieur, reprit la voix. Mais voyez-vous, actuellement, vous êtes précisément sur notre territoire, et ce sont nos lois qui s’appliquent. Croyez-moi Monsieur j’ai de lourdes responsabilités et de nombreuses bouches à nourrir. Vous avez la chance d’être un proD Monsieur, mais ce n’est hélas pas notre cas.

- Je comprends la situation Monsieur, mais vous nous semblez être des personnes raisonnables et…

Troisième détonation. Le pneu avant gauche éclata.

- Monsieur je vous en prie. Mes hommes commencent à perdre patience. Ils ont faim et ils sont fatigués. Finissons-en le plus rapidement possible je vous prie.

- D’accord. Nous sortons. Ne tirez pas.

J’étais frustré de ne pas parvenir à identifier cette voix. Mais je m’en voulais encore plus de nous avoir délibérément attirés dans la gueule du loup.

- Nous vous remercions pour votre collaboration Monsieur. Nous vous demandons de bien lever vos mains. Encore quelques instants de patience et ce moment pénible ne sera plus qu’un lointain souvenir.

- Sans armes vous nous condamnez. Il y a une femme avec nous.

Peut-être qu’en jouant la carte de la pitié nous aurions plus de chance. L’homme nous avait quand même donné sa parole de civilisé.

- C’est ce que nous voyons. Elle est la bienvenue si elle le souhaite. Nous avons déjà accueilli quelques femmes proDs dans notre tribu. Nous manquons de femmes.

De l’autre côté de la robocar, Erika nous jeta un regard inquiet en agitant sa tête pour nous signifier son désaccord.

- Elle souhaite rester avec nous, fis-je.

- Soit. Tant pis. Nous vous laissons partir. Nos lois vous le permettent.

- Vos lois sont dures.

- Dura lex sed lex, trancha aussitôt la voix.

Elvis me dévisagea avec des éclairs dans les yeux. Comme moi, il venait de se souvenir.

- Achille ? hurlai-je.

Pour un peu je m’arrachai une corde vocale. C’était un hurlement de soulagement, de surprise et de joie. Le silence s’installa en réponse à mon appel.

Un projecteur nous éblouit. Mes lentilles photochromiques tentèrent de jouer leur rôle mais la lumière était trop violente. Je manquai de tomber à la renverse. Je me plaquai la main au-dessus des yeux pour m’en faire une visière. Je ne pouvais fixer que mes pieds.

- Bébé Rose c’est toi ? fit la voix.


Achille nous retira nos bandeaux.

La lumière faiblarde ne m’agressa pas. Tant mieux. Mes yeux se remettaient péniblement de leur dernière agression lumineuse. Nous étions dans une sorte de vaste entrepôt très haut de plafond, ceint de coursives. L’endroit sentait la sueur, les eaux usées et la rouille.

Une foule relativement nombreuse nous observait en silence. Seuls quelques murmures ou raclements de gorge venaient rompre la solennité du moment. Il devait y avoir là pas loin de deux cents individus, beaucoup d’enfants, quelques hommes et un très petit nombre de femmes. Je ne vis aucun vieillard. Les silhouettes étaient faméliques mais les vêtements et les visages étaient propres. Les regards brillaient de l’éclat de l’intelligence propre aux sociétés éduquées.

- Désolé pour ça, dit Achille en agitant les bandeaux crasseux qu’il agitait dans sa main. Cela fait partie de nos lois.

- Nous comprenons, répondis-je, et nous vous remercions de prendre de tels risques.

- Que recherchez vous dans le secteur 8 ? Les proDs n’ont pas leur place ici.

- Il semblerait que nous n’en soyons plus vraiment Achille. Le Consortium est à nos trousses.

Un murmure plus fort et plus long parcourut l’assemblée. Un murmure collectif. Une plainte se propageant comme une vague dans tout le hangar.

Achille prit le temps d’analyser ce que cela signifiait.

- Alors vous ne pouvez pas rester. Votre présence met en danger notre tribu. Je suis désolé mais ce sont nos lois.

- Il y a quelque chose de différent Achille. Les méthodes employées ne sont pas les mêmes. Le Consortium semble vouloir agir avec discrétion sur ce coup-là. Pas d’avis de recherche intégral, pas de bouclage de secteurs, pas de déploiement coordonné du SOC et du SEC. C’est inhabituel. Pour l’instant le Conso s’est contenté de nous envoyer des unités individuelles. Cela pourrait laisser penser qu’ils nous prennent pour du menu fretin mais je pense qu’il y a autre chose. Je ne sais pas encore quoi. Je pense que Madame Vyltmöss est la clé. J’en appelle à vos lois de tribu civilisée. Nous vous demandons l’hospitalité pour une semaine.

Je venais de poser ma main sur l’épaule d’Erika. La tiédeur de son corps traversa le tissu de sa combinaison pour envelopper ma main. J’eus l’impression de mieux sentir son odeur, de percevoir son souffle affolé. Elle ne bougea pas.

Une nouveau murmure parcourut l’assemblée. Il n’était plus à l’unisson. Devenu vaguelettes d’apartés et de commentaires entre les individus rassemblés autour de nous.

Achille nous regarda avec intensité, derrière ses vieilles lunettes aux verres ternis et aux branches rafistolées. Ses yeux allaient de l’un à l’autre. Il s’arrêtaient sur chacun d’entre nous comme s’il tentaient de lire dans nos pensées. Au bout d’un long moment il leva le bras. Les vagues moururent doucement et le silence revint dans le vaste hangar. Quand le dernier écho s’éteignit, Achille reprit la parole.

- Inimici mei amici mei sunt.

- Nous rendons grâce à nos lois, scanda l’assemblée.

Erika se tourna brusquement vers moi en me jetant un regard circonspect.

- Nous pouvons rester, lui dis-je.

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