1.2 - Le défi nordaléen

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Les Nordaléens, initialement partenaires commerciaux, devinrent rapidement une menace existentielle pour l'empire originel en pleine expansion. Puissants guerriers et voyageurs indomptables, ils furent à l'origine de la fuite définitive des Géants vers l'est. Car pendant que les Sakases établissaient les premiers contacts commerciaux avec les Nains, les Nordaléens combattaient férocement les Ogres dans le Trudheim, au cours de batailles épiques restées légendaires. Habitués à une vie rude et austère, ils furent particulièrement redoutés par les Sakases qui en firent leurs ennemis irréductibles, traduisant une peur certaine.

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L'apparition d'un empereur aux alentours de 4800 a-crH est le fruit d'une grande agitation militaire liée aux expéditions nordaléennes. Avant cela et depuis les origines de Parthénis, la caste d'érudits exerçait le pouvoir par l'intermédiaire d'un collège de vénérables lettrés appelé le "Mâz-habi". Cette élite fut à l'origine de la diffusion d'une foi déviante et chercha pour cela à éradiquer les Sogdaanes, gardiens de Bâlâ Seh et défenseurs de la foi originelle révélée dans ses écrits. Deux autres castes avaient acquis une influence considérable, celle des marchands qui assurait la stabilité financière de l'État et celle des guerriers qui avait soumis les tribus nomades réfractaires et repoussé encore un peu plus loin les Dragons. Les deux dernières castes étaient celle des agriculteurs et celle des artisans, indispensables à la bonne marche de la société mais sans aucun relais au sommet du pouvoir.

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Les Nordaléens se firent menaçants dès 5000 a-crH, peut-être sous l'influence des Sogdaanes et en particulier de Imagazoas le Fondateur qui voyait en eux la force idoine capable d'ébranler la civilisation sakase. Insaisissables et audacieux, ils intimidaient leurs adversaires en combattant sauvagement aux côtés de hordes d'ours, de phylochères, de loups et de duocornes. Ils furent responsables d'attaques violentes sur les avant-postes sakases aux frontières. Au fil des décennies, les pillages se firent de plus en plus fréquents et atteignirent les comptoirs commerciaux sur le littoral de la plaine d'Itaq. Les Sogdaanes étaient à leurs côtés. Sous le commandement du Fondateur, ils avaient laissé derrière eux leur précieux trésor avant de traverser les terres hostiles de l'ouest de la mer Centrale. Mon aïeul périt à l'issue de ce voyage, non sans avoir sceller l'alliance avec les hommes du nord.

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Afin d'apporter une réponse globale au problème nordaléen, un chef aux pouvoirs étendus fut nommé au sein de la caste des guerriers. Les capacités militaires, jusque-là en possession des cités autonomes du Cyclade, furent placés sous les ordres de cet empereur, Roi parmi les rois. Mais les Nordaléens et leurs alliés sogdaanes, loin d'être déstabilisés par l'entrée en scène de cet homme fort, s'emparèrent des comptoirs de la rive ouest de la mer Centrale, puis menacèrent directement Parthénis et sa riche région agricole. Les cités concentrèrent leurs efforts dans le bassin du Cyclade et érigèrent de solides remparts. Cette période de crise majeure dura toute une génération et vit l'empire subir de nombreux revers, mettant en péril son existence même. Ce fut la fin définitive de l'influence du Mâz-habi, qui céda à l'urgence en offrant tous les pouvoirs politiques à l'homme providentiel du moment, élu parmi les éminents guerriers, l'empereur Ismabagh le Précurseur.

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Grâce aux duocornes, animaux massifs du grand nord disposant de deux puissantes cornes frontales, les Nordaléens parvenaient à enfoncer les murailles sakases de manière spectaculaire. La première civilisation humaine vacilla et manqua de s'effondrer lorsque les envahisseurs se présentèrent devant Parthénis, cité du Mâz-habi et de l'empereur. Ismabagh le Précurseur organisa une défense vigoureuse et impliqua toutes les forces vives de la cité. Il était un homme de sacrifices, dont la vie ne fut pas plus aisée que celle de ses ennemis. Tombé entre leurs mains pendant sa jeunesse, il perdit un œil ainsi que son cuir chevelu car il refusa de leur céder la moindre information. Les Nordaléens lui reconnurent des qualités surnaturelles et le libérèrent après plusieurs années, non sans avoir vérifié son essence divine en le soumettant à l'épreuve de l'ours. L'animal sauvage refusa de s'attaquer à lui, ce qui marqua la preuve de sa sacralité aux yeux des hommes du nord.

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La détermination du Précurseur fit douter les Nordaléens. Les duocornes, ainsi que les phylochères, les ours et les grands loups du nord, furent mis en déroute par les premiers dragonites, que certaines tribus nomades élevaient depuis plusieurs générations déjà. Ce sont ces mêmes nomades qui vinrent au secours de Parthénis et qui gagnèrent sa libération, sous le commandement éclairé de l'empereur. Dès lors, les Nordaléens reculèrent sur tous les fronts. Leurs ressources s'amenuisèrent fortement à mesure que les prises de guerre se tarissaient, et il fut nécessaire pour eux de trouver une issue favorable au conflit. Les Sogdaanes, laissés pour compte, battirent en retraite vers l'ouest.

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Le passage à travers l'empire fut accordé aux Nordaléens par Ismabagh le Précurseur, qui les estimait. L'ensemble des tribus furent autorisés à voyager sur la plaine avec femmes, enfants et troupeaux. C'est, au fond, ce qu'ils avaient toujours souhaités. Pour atteindre les terres du sud au climat plus généreux, il leur fallait en effet traverser le bassin du Cyclade et la plaine d'Itaq, terres d'empire. Les Nordaléens s'engagèrent en échange à effectuer un voyage sans retour : une fois franchies les montagnes d'Heru, qui s'étendent au sud et à l'est par-delà l'horizon des plaines du sud, il n'était plus question de se retourner... L'histoire perd la trace de ce peuple mythique à compter de cette date, vers 4700 a-crH. Les rares tribus ayant fait le choix de demeurer dans les montagnes Vertigo, au nord, se noyèrent dans la masse des peuples barbares qui prirent la suite.

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Le titre d'empereur ne souffrit plus d'aucune contestation pour les siècles à venir, et la caste des guerriers obtint définitivement la prééminence, reléguant les érudits à de simples fonctionnaires d'État. Les nomades, marginalisés dès les origines de l'empire et finalement héros de la guerre contre les Nordaléens, prirent leur place avec force et fracas parmi les dignitaires de haut rang. Ils obtinrent même le rang de cité pour un de leurs comptoirs en mer Centrale : c'est ainsi que Cybère fut fondée, première cité d'empire hors du bassin du Cyclade. Comme nous le savons, elle sera amenée à jouer un rôle fondamental dans l'histoire des Terres du Partage.

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La tribu des Sogdaanes fut la grande perdante de ce dénouement. Malgré le déclin du Mâz-habi et de la caste des érudits, l'influence de ces derniers avait déjà achevé d'imprégner toutes les couches de la société sakase jusqu'à faire disparaître la foi originelle des mémoires. Les âmes étaient corrompues... Mes ancêtres, derniers témoins de l'authentique vérité, furent pourchassés sans aucune pitié même par leurs anciens alliés nomades, pour leur fourvoiement auprès des Nordaléens et pour leur apostasie. Mais Bâlâ Seh, Érès en soit loué, était toujours en lieu sûr.

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