Conclusion provisoire : Lettre au président sur l'identité.

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Monsieur le Président,
je n'ai rien, ni demeure, ni argent.
Je n'ai que mes papiers d'identité.

Ma pauvreté ne vous intéresse pas, seule l'identité importe,
alors parlons identité !

Bon, admettons, il faut bien vivre et mourir pour quelque chose.
On peut vivre et mourir pour Dieu, la Patrie, la République, la Liberté, la
Révolution, et maintenant l’Identité.

Mais enfin, Monsieur, me direz-vous : quel nihilisme !
Vous rejetez tout ce que les hommes ont de plus sacré, pour substituer votre petit égoïsme !

Cela serait le cas, si je mettais toutes ces valeurs suprêmes dans le même sac,
ce que je ne ferai point.
Ajoutons que je me montre fort modéré : Pascal avait trouvé 280 sortes de souverain bien dans Montaigne !

Disons que je trouve ce nouveau candidat fort peu recommandable !
Je poserai la question de Staline : L’identité, combien de divisions ?

La Patrie peut rassembler des millions d’hommes, la Liberté des milliards, Dieu
l’infiniment infini.
Quid de l’identité ?

Toute la relative force de ce nouveau dieu vient d’une absence totale de réflexion à son égard.
Car l’identité c’est A=A , qui tuerait pour cela ?

Ce que l’on entend par ce terme , ce sont des milliers d’identités éclatées : sexuelles, morales, religieuses, culturelles, personnelles ou plutôt impersonnelles.
Laquelle choisir ? Pour laquelle vivre et mourir ?

Soyons direct : pourquoi nous vendre un tel pantin ?

Ma première surprise, concernant l’Identité, c’est le flou, l’indétermination du concept.
Ma deuxième c’est ce besoin pour ne pas dire cette nécessité, de se rassurer : je connais, je maîtrise
mes identités.
C’est étrange : comment connaître et maîtriser ce qui reste vague et indéterminé ?

Le discours rassurant est le suivant : j’ai une identité personnelle , claire ?, constante ?, que je connais bien.
Je développe une seconde identité plus large, une identité de groupe qui prolonge mon identité personnelle, sans la nier.

Cette vision du monde semble signer la mort du totalitarisme, tel qu’il est défini par Arendt.
L’État ne veut plus régner sur une masse anonyme et indifférenciée où chaque individu n’est qu’un numéro interchangeable.
Chaque homme a (au minimum) une double identité personnelle et politique, dans un corps démocratique qui tient compte de sa différence.

Mais est-ce la réalité ?
Jamais l’État n’a été aussi faible : le pouvoir réel apparient à de grands groupes internationaux, les
fameux Gafam.
Pour eux qui suis-je sinon un numéro ?

Enfin, je suis un numéro mais qui a une identité, une identité calculable et calculée par des algorithmes : tous différents mais tous bien enfermés dans cette lucrative identité.
Car, une fois le profil bien délimité, on ne cesse de nous envoyer les messages et les liens ( et les publicités ! ) qui nous enferment à double tour dans cette « identité » !

Il y a l’internet des républicains climato- sceptiques et celui des démocrates soucieux de la planète.
Pourquoi en vouloir à Trump, après tout dans sa réalité identitaire il a gagné les élections ?

Oui, il faut aller vers de réelles identités collectives : la patrie, le parti, l’église !
De quel État parlons-nous, quel lien entre la France de 1900 et la moyenne puissance européenne actuelle ?

Certes nous devons le plus grand respect à tous ceux qui sont morts pour la France, mais pensaient-ils vraiment à cette France éternelle , quand les bombes tombaient ?
Cette identité de la France est on ne peut plus floue et fluctuante.

On peut même se demander si ce terme avait un sens sous l’Ancien Régime, dans une société d’ordres, ou dans une société féodale où seul le lien direct de l’hommage a de la valeur ?
La réalité est plutôt celle de multiple changements, de multiple structures qui entrecroisent.

Après tout, on peut , à juste titre, parler d’un long moyen- age qui dure jusqu’en 1914 dans les campagnes !
Oui, mais mon identité , à moi , elle est solide !

Je suis pauvre, je n'ai pas de maison, je ne suis rien pour vous.
telle est mon identité, l'identité de ceux qui ne sont rien.

Telle est ma réponse, Monsieur le Président.

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