Chapitre 50

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Il restait un mois, son anniversaire, sa soirée d'adieu et puis plus rien.

Et Paul pendant nos pauses-café ou déjeuné redoublait d'efforts pour me casser les pieds. Quand je discutais, il me disait continuellement que je le fatiguais. Il me répétait continuellement que j'étais une chaudière, alors que je détestais ça.

Ma définition de chaudières pour une femme, résidait dans le fait de vouloir coucher avec n'importe qui tout le temps. Alors que dans mon cas, il n'y avait qu'un seul homme que je désirais. Tout ce que je faisais, même si c'était maladroit, mal dosé, lourd, complètement con... c'était pour lui, car j'étais terrorisée par son départ. Son absence.

Alors sous le couvert de l'humour, je devais supporter, continuellement :

— Elisa t'es une vraie chaudière.

Même si à force, la lassitude se transformait en colère, je voulais continuer à gérer cette situation avec humour.

« Je te l'ai déjà dit, je ne suis pas une chaudière. Une bouillotte à la rigueur ☺ »

« Chaudière, c'est plus sympa »

« La bouillotte, c'est la même chose, mais plus agréable (et sans MST) »

Mais Paul était têtu et le lendemain, j'eus de nouveau le droit à la chaudière.

« Si j'étais une chaudière, je t'aurais déjà proposé une pipe gloutonne. Car les hommes ont du mal à résister à ce genre de proposition »

« C'est bien vrai »

« Donc j'apprécierais que tu ne me dises plus que je suis une chaudière, ma vie sexuelle étant au niveau abyssal ☺ »

Et le lendemain ?

Toujours et encore « la chaudière ».

« Tu m'appelles chaudière, car les photos te manquent ? »

« Peut-être »

« Il suffit de demander gentiment »

Mais Paul préférait esquiver et m'embêter, il était donc impossible de lui imposer quelque chose. Mais il y avait peut-être un moyen de profiter de cette manie.

« Je sais comment supporter le « chaudière ». Dorénavant, quand tu me qualifieras de chaudière, je t'enverrai une photo...
Et bon week-end »

« Ça me va »

L'idée de voir le regard de Paul me traiter de chaudière et donc me demander une photo, m'excitait beaucoup. Et s'il n'en avait pas le courage, je n'aurais plus le droit à ce qualificatif. Je gagnais donc sur tous les plans.

De retour de mon week-end pas de « Chaudière en vue ».

J'avais peut-être pu enfin imposer quelque chose à Paul. Donc même si l'idée d'une commande de photo, dissimulée par un code, devant tous mes collègues m'aurait plu au plus haut point, je me contentais de cette satisfaction.

Le jour même pendant midi, les bureaux étaient vides. Personne ne revenait de réfectoire après le repas. Le matin Paul avait évoqué la venue du tour de France, mais personne ne m'avait proposé de les accompagner. Mais peut-être que je me faisais des idées, après tout.

Mais non, Paul venait de mettre une storie sur Snapchat et ils étaient tous partis voir le tour de France et personne ne m'avait proposé de venir. Paul savait parfaitement que je voulais profiter de sa présence avant son départ. Il cherchait juste à se débarrasser de moi. C'était la goutte d'eau de trop.

« As-tu conscience qu'à l'instant T, j'ai l'impression d'être une merde... ? »

Mais Paul après avoir lu le message ne répondait pas.

L'idée même de les revoir tous revenir, ravis racontant leur petite virée était impossible. Je savais que je fondrais en larmes devant tout le monde.

Je devais rentrer.

Tout remontait, les remarques de Paul continuelles, sa manière de m'éviter physiquement à certains moments. Et puis les autres collègues aussi, qui avaient oublié de me demander de les accompagner, alors que j'avais passé beaucoup de temps à régler la gronde de ces dernières semaines. J'étais épuisée, à bout de forces.

Je devais rentrer.

Je devais rentrer.

Je devais rentrer.

Mais comment ?

J'allais voir mon chef.

— Je peux te parler en privé.

— Bien sûr

Nous allions dans une petite salle de réunion qui était libre.

— C'est compliqué ... (les larmes montaient) mais je vais rentrer.

Impossible de retenir les pleurs.

— Qu'est-ce qui se passe Elisa ?

— C'est compliqué, mais il y a trop de choses en ce moment. J'aide tout le monde, tout le temps et ce midi, ils sont tous partis sans moi. J'ai l'impression que personne ne me supporte. À chaque fois que je parle au café, on me dit tout le temps que je suis fatigante. Et même si c'est pour rire...

— Je pense qu'il ne le pense pas, tu sais.

— Oui, mais c'est tout le temps et puis il n'y a pas que ça. Chez moi non plus ça ne va pas fort. J'ai besoin de rentrer. Tu expliqueras aux autres, moi, je n'en ai pas la force.

— Écoute, prends le temps qu'il faut, on se débrouillera.

Je sortais de la salle pour aller chercher mes affaires. Et en repassant près de mes collègues, je disais un simple au revoir.

J'essayais juste de contenir mes larmes le temps d'arriver dans ma voiture.

« Paul, toi qui veux tout savoir, je pars. Pour savoir pourquoi demande au chef. Mais c'était la goutte d'eau ce midi »

Paul avait répondu, mais d'abord, je devais rentrer.

« La goutte d'eau par rapport à quoi ? »

Ce qui était étrange, c'est que même quand j'étais en colère contre Paul, la seule personne à qui j'avais envie de confier mes problèmes, c'était lui. Il avait beau prendre une grande place dans mon cœur et dans ma tête, nous n'étions pas un couple, je ne pouvais donc rien exiger et lui reprocher.

Je n'arrivais pas à calmer le flot qui coulait sur mes joues. Il ne semblait y avoir aucune solution à mes problèmes.

J'étais enfin arrivé chez moi et je commençais par prendre un rendez-vous avec mon médecin. Ensuite, je réfléchissais à la meilleure manière de répondre à Paul.

« Le problème, c'est que tu n'aimes pas les messages à rallonge »

« Fais-moi un résumé alors »

« Tous les soirs, je rentre et je ne supporte plus mon mari et j'ai qu'une envie, c'est de retourner au boulot. Et au boulot, personne ne me supporte. Ce matin, à peine arrivé, j'ai eu le droit à « C'était bien quand tu n'étais pas là » et à midi comme d'habitude vous vous êtes débarrassé de moi. »

« Quand on te dit ça, ce n'est pas méchant et tu le sais ? Chacun en prend plein la figure et ça fait partie du folklore de cette équipe. Et concernant ce midi, on en a encore parlé ce matin et c'était vraiment à l'arrache »

« Sauf qu'à 10h, tu as clairement dit « non pas toi »

« À 10h ? Et pour ça ? Je ne pense pas.
Tu sais, on n'aurait pas voulu que tu viennes, on ne l'aurait tout simplement pas évoqué devant toi »

« Mais c'est un peu plus complexe que ça.
Le fond, c'est que dans quelques semaines, je vais encore perdre une personne qui compte pour moi et j'ai peur »

« Je sais bien... »

« L'année dernière, discuter avec toi, c'était si apaisant (tu étais si gentil). Pour une fois, je discutais avec quelqu'un qui semblait passer un bon moment en ma présence. Ça me manque. Et je n'ai pas envie de te dire des méchancetés, même par humour. »

J'avais envie de dormir, de me lover dans mon lit, mais le sommeil ne venait pas apaiser mon chagrin. Le départ de Paul m'angoissait tellement.

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