Karel se réveilla de bonne heure et crut pendant un instant qu’il n’avait plus mal, si bien qu’il se demanda si la veille n’avait pas été un simple cauchemar. Ses courbatures vinrent aussitôt le rappeler à l’ordre, ainsi qu’une sensation d’irritation à l’intérieur de sa gorge. Ses traits se plissèrent d’inquiétude, alors qu’il se remémorait son dernier souvenir de Serymar : immobile, blafard, le poing devant sa bouche, dans une attitude qui démontrait une reprise de contrôle sur lui-même. Si tout cela était vrai, alors cela signifiait que son Maître était réellement mal en point. Karel s’affola. Cela ne pouvait être possible. Il devait aller le vérifier. Karel sauta du lit et sortit en trombe de sa chambre.

Il dévala les marches de la tour jusqu’à atteindre le second étage, où se trouvaient les cuisines. Karel courut jusqu’à la salle à manger dans laquelle il avait l’habitude de rejoindre Serymar tous les matins, mais n’y trouva personne. L’inquiétude de Karel grandit : le Mage arrivait toujours avant lui sans jamais faillir, même s’il ne faisait rien d’autre que de s’installer.

De plus en plus angoissé, Karel partit en direction des cuisines dans l’espoir d’y voir Elma, mais il eut beau la chercher, il ne la vit nulle part.

Karel quitta les lieux et tenta une autre pièce qui servait de débarras. Il y voyait parfois les adultes fouiller afin de réparer ou fabriquer des effets dont ils avaient besoin.

Lorsque Karel poussa la porte, il se raidit en apercevant Elkor qui lui jeta un regard noir. Le garçon recula et préféra mettre le plus de distance possible entre eux, mal à l’aise. Il vérifia une autre salle aménagée en bureau, dans lequel se trouvait Raël. Celui-ci le fixa. Si Karel se sentait également mal à l’aise, il osa toutefois faire un pas vers lui. Il l’avait souvent vu avec Elma depuis son arrivée. Il n’était peut-être pas comme les autres ? Karel forma le signe « Maître » en l’interrogeant du regard. Raël contourna le bureau pour le rejoindre. Karel le regarda avec espoir alors que le jeune homme l’accompagnait jusqu’à la porte. Au moment où Karel se retourna pour le remercier, son nez rencontra soudain le bois noir et un silence terrifiant l’étreignit. Sa solitude lui pesa davantage. Déçu et angoissé face à ce manque de réponse, Karel s’éloigna en faisant de son mieux pour ravaler sa frustration et sa peine.

L’attitude générale des serviteurs ne changeait pas. Karel n’avait jamais compris pourquoi il était si souvent méprisé. Il avait beau se remettre en question, il ne voyait pas ce qu’il avait bien pu faire pour les froisser. D’autant plus que Serymar avait l’habitude de le réprimander si jamais ça arrivait. Le cœur de Karel se serra en repensant à son Maître. Il n’en revenait pas de ce qu’il avait fait pour lui.

Perdu dans ses pensées, il percuta quelqu’un. Karel se dégagea et s’excusa aussitôt auprès du serviteur qui le regardait avec intensité. Il reconnut Radôn. L’adulte se montrait habituellement discret et indifférent. Son attitude actuelle était tout sauf habituelle. Mal à l’aise, Karel déglutit et s’engouffra dans la tour sans demander son reste.

Il décida de remonter chaque étage afin de chercher Serymar ou Elma. Ce ne fut qu’en atteignant l’étage des bains qu’il finit par tomber sur la jeune femme, celle-ci transportant une petite bassine remplie d’eau chaude. Une bouffée de soulagement envahit Karel. Rassuré, il courut vers elle et la saisit dans une étreinte.

Après quelques secondes, Elma se dégagea délicatement pour lui offrir un sourire rassurant. Karel ne perdit pas une seconde pour lui demander ce qu’il se passait. Elma lui intima de se calmer avec douceur, afin de lui signifier qu’il n’avait pas d’inquiétude à avoir. Alors qu’elle lui replaça une mèche derrière l’oreille en lui caressant la joue, Karel se déroba pour lui demander plus d’explications. Où était le Maître ?

Son inquiétude grandit lorsqu’il vit Elma hésiter. Elle lui fit comprendre que Serymar n’était pas en état de recevoir qui que ce soit pour le moment.

Karel sut qu’il ne s’était pas trompé la veille en voyant l’état du Mage après son intervention. La culpabilité l’envahit aussitôt. Encore une fois, une personne qu’il aimait souffrait par sa faute. Il insista pour aller le voir. Elma l’arrêta d’un simple geste de la main. Elle lui fit comprendre qu’il y avait des moments où Karel devait prendre son mal en patience. Il pourrait toujours aller voir Serymar s’il y tenait réellement, mais plus tard.

Karel baissa la tête, peu satisfait de cette réponse, mais il obtempéra. Percevant son malaise, Elma le rassura en lui indiquant que cette situation n’était pas de sa faute, mais Karel ne se laissa pas convaincre. La jeune femme promit de le prévenir dès qu’il pourrait visiter Serymar.

Karel réfléchit un instant. Au moins, Elma prenait le temps de lui expliquer les choses, ce que Karel appréciait. Au moins par respect pour elle, il décida de reporter son projet à plus tard.

Elma lui sourit et lui demanda s’il avait faim. Karel opina. La jeune femme l’invita à la suivre.

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