Chapitre 19 - 2

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L’adolescent profita du bruit assourdissant des tambours rudimentaires sur lesquels les elfes noirs jouaient pour s’éloigner. Son ouïe fine agressée, il dût prendre sur lui pour ne pas succomber aux maux de tête qui le menaçaient. Au moins, l’avantage, c’était que ces sons atroces recouvraient le bruit de son pas traînant. Il prit garder à ce que la large capuche de son manteau miteux ne glisse pas de sa tête. Il s’efforça encore de s’éloigner. Plus il mettrait de distance entre ce faux totem et lui, mieux il serait. Il jura sur sa jambe gauche qui était un véritable poids qu’il était incapable de soulever.

Il dépassa la rangée de torches surmontées de crânes et de breloques de métal, qui ressemblaient à des rouages divers et rouillés.

L’adolescent osa jeter un œil par-dessus son épaule afin de voir si personne ne le suivait. Son regard rencontra celui du faux totem. Entièrement constitué de métaux et de tuyaux, il avait la forme d’un crâne. Il était si haut qu’il atteignait la cime des arbres qui cachait le village des elfes. Une lueur rouge malsaine brillait au creux des orbites intensément sombres du crâne de fer géant comme si une âme l’habitait. Des yeux superficiels qui semblaient voir où l’adolescent se cachait, et prêt à donner l’alerte s’il tentait de s’enfuir. Il s’en détourna et continua son chemin.

Il parvint derrière un petit cabanon délabré à l’abandon. Il l’ouvrit de la main gauche, la seule valide, entièrement recouverte par la manche de son manteau. Il avait cousu l’ouverture afin qu’aucune parcelle de son corps ne soit découvert. Le demi-elfe avait fait en sorte de créer des doigts afin de ne pas gêner ses mouvements.

De nombreux objets en mauvais état se révélèrent à lui. L’adolescent usa de télékinésie afin de ne pas faire de bruit et sortit une dague au manche ouvragé. La lame était émoussée et tordue par endroits, mais avec quelques réparations, il pourrait s’en servir pour se défendre.

Soudain, il se raidit, tous ses sens en alerte. Il creusa un trou par télékinésie et y enterra à la hâte son arme. À peine plaça-t-il son pied juste par-dessus afin de dissimuler toute trace du forage que trois présences apparurent.

Les elfes noirs étaient grands et élancés. La peau ébène et les cheveux blancs, leurs yeux rouges brillaient d’une lueur cruelle et sadique. La résignation s’inscrivit sur les traits de l’adolescent. Il le savait d’avance, il ne faisait pas encore le poids face à eux. Pas avec un corps pareil et des pouvoirs à peine maîtrisés.

  • On va quelque part ? lui fit l’un d’eux avec un sourire cruel.

L’adolescent ne recula pas. Cela serait se mettre en position de faiblesse et les laisser avoir l’ascendant sur lui. Il soutint sans ciller son interlocuteur du regard.

  • Maintenant, tu vas gentiment retourner au laboratoire. J’en ai marre de passer mon temps à réparer les dégâts que tu causes tout le temps !

L’adolescent ne répondit toujours pas, mais son regard haineux était sans équivoque.

L’elfe qui lui faisait face disparut pour se retrouver instantanément dans son dos afin de lui saisir les deux bras. Le demi-elfe se débattit avec violence et parvint juste à temps à dégager sa main gauche pour réceptionner une pierre qui visait son visage. Aussitôt, le projectile s’éroda jusqu’à former une pointe acérée que l’adolescent planta avec violence dans l’œil de l’elfe qui le maintenait. Il hurla de douleur. L’adolescent en profita pour lui ouvrir le bras avec son arme improvisée. Des exclamations de surprise fusèrent.

Il n’eut pas le temps de faire un autre mouvement qu’un violent coup sur le visage le projeta sur le sol humide. Sonné, il ne parvint qu’à apercevoir plusieurs paires de pieds qui l’encerclaient. Son agresseur au bras ouvert fulmina de rage :

  • Décidément, tu n’apprendras jamais ! En même temps, pourquoi est-ce qu’on s’en étonne encore ? Tu es incapable de raisonner !

D’un geste brutal, il ramassa l’adolescent par le col :

  • Arrête de perdre ton temps, et enfonce-toi ça dans le crâne : tu n’es pas une personne ! Alors soit sage et conduis-toi en bon trésor expérimental que tu es !

Une expression mauvaise anima les elfes noirs qui le dévisageaient. L4expression de l’adolescent se durcit. Nulle trace de peur, seulement une lueur qui promettait une revanche prochaine. Il se l’était juré : un jour, les rôles seraient inversés. Un jour, ces elfes auraient peur de lui.

Il entendit un cliquetis familier. Il eut du mal à conserver son sang-froid. La colère le gagna. L’un des elfes avait sorti ces maudites chaînes. Des entraves lourdes, équipées de pointes à l’intérieur de chaque anneau pour le paralyser s’il utilisait la moindre once de pouvoir. Lui qui se sentait déjà prisonnier de son propre corps, porter ces entraves lui donnait l’impression d’être en enfer.

  • Cette escapade nous as fait perdre notre temps, annonça l’elfe aux entraves. Nous n’en avons pas terminé avec toi aujourd’hui. Le projet Dragons n’attend pas !

Un courant glacial remonta le long de sa colonne vertébrale. Il avait beau avoir l’habitude et imaginer les scénarios les plus improbables, les elfes trouvaient toujours le moyen de le surprendre en matière de torture et d’expérimentation. S’il devait leur reconnaître une seule qualité, c’était qu’ils savaient se montrer très créatifs à ce sujet.

L’adolescent se débattit de plus belle. Comme tous les jours, il allait peut-être se faire éventrer, torturer tant sur le plan physique que psychologique, peut-être même se faire briser les membres ou infecter. Il ne tenait pas à connaître leur lubie du jour. Ne pas savoir ce qui l’attendait était devenu une angoisse qui avait tendance à lui paralyser ses réflexions.

Un picotement parcourut ses veines et plusieurs racines acérées sortirent de terre avec violence. Des cris de rage lui parvinrent. Au moins était-il libre pour l’instant.

Les elfes hurlèrent et se jetèrent sur lui. Incapable de maîtriser la téléportation, l’adolescent riposta. Il fit surgir des pointes de ses racines pour empaler ses adversaires. Connaissant leur très grande célérité, le garçon enflamma ses ronces et de nouveaux hurlements retentirent. Les arbres prirent feu et les flammes atteignirent le village. D’autres clameurs surprises retentirent.

L’adolescent profita de la confusion pour s’éloigner en maudissant sa jambe qui refusait de se soulever. Il était aussi ralenti par son bras droit qui pendait inerte le long de son corps.

Un brusque sursaut secoua son corps et son teint devint livide, lorsqu’il ressentit quelque chose de glacé s’enfoncer entre ses omoplates. Son regard devint vide. Le souffle coupé, il peinait à respirer. Il perdit connaissance et s’écroula tel un pantin désarticulé. Du sang argenté s’échappait de ses lèvres. Son dos révéla un poignard planté jusqu’à la garde.




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