/!\ Chapitre 28 - 1

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Environ 200 ans plus tôt.




L’adolescent serra les dents, dégoûté par tant d’impuissance. Cette pièce, décidément, il la détestait, car elle le privait de son seul moyen de défense : sa magie, même encore imparfaite. Une technologie volée à un peuple que les elfes appelaient « Avancés ». Comment avaient-ils réussi à fabriquer de tels dispositifs ? L’hybride avait pourtant essayé, mais chaque fois, ces maudites pointes provoquaient de violentes décharges électriques à l’intérieur de ses veines. L’angoisse le saisit. Cette angoisse qui l’accompagnait au quotidien, à l’idée de ne pas savoir ce qui lui était réservé dans les prochaines minutes. Il était encore dans cette pièce cachée de tous les regards, un endroit que ses géôliers appelaient « laboratoire ». Une salle cachée à l’intérieur de ce maudit totem constitué de métaux et de rouages.

Il était encore enchaîné. À même le sol, pour mieux limiter ses mouvements. L’adolescent lâcha un discret soupir de soulagement. Au moins, pour le moment, il n’était pas empalé sur cette table pour récolter son sang ou branché à ces tuyaux pour la même besogne. L’hybride tenta encore de se concentrer afin d’essayer de faire fondre ses entraves, quitte à se blesser lui-même. Son corps fut secoué d’un violent soubresaut lorsqu’une décharge s’infiltra dans son système nerveux pour le paralyser. Encore une fois, il constata qu’il ne parvenait pas à surpasser cette douleur. Cette maudite pointe enfoncée dans ses cervicales lui donnait l’impression d’avoir un pieu planté dans sa colonne vertébrale.

Il glissa un rapide coup d’œil à un elfe noir à proximité, affairé avec ses ustensiles plus morbides les uns que les autres. Si seulement le demi-elfe était en mesure de se jeter sur lui et de le tuer… son regard rencontra ses chaînes au sol. Le plus discrètement possible, il joua de ses pieds et mains nus sous son vieux manteau pour se dégager, quitte à s’en cisailler la peau. Il n’était plus à une blessure près. Il en avait une parfaite habitude. Cela ne signifiait pas pour autant que c’était agréable. Le tissu commença à se tacher dans sa besogne. Il serra les dents pour empêcher sa douleur de le trahir. S’il montrait qu’il avait mal, ses détracteurs en profiteraient pour inventer une nouvelle torture à lui infliger jusqu’à ce qu’il s’épuise. L’adolescent encaissa le supplice qu’il s’infligeait. Sa peau s’arrachait de ses mains et le contact de son manteau le fit tressaillir. Ses doigts devinrent poisseux et collants. Le tissu s’imbiba jusqu’à ses coudes. L’adolescent expira, les mains fébriles de douleur. Il inspira lentement, afin de ne pas se laisser submerger par sa douleur et son angoisse. Il pouvait le faire. Il avait eu pire.

Soudain, une lame s’enfonça violemment dans son dos. Il suffoqua. Le souffle de son tortionnaire juste derrière lui, un poignard était planté dans sa hanche gauche. L’elfe claqua sa langue.

  • Tiens-toi tranquille, si tu veux que ça aille vite ! Quoique, tu es très inspirant, comme cobaye.

L’elfe retira d’un coup sec la lame et l’adolescent s’écroula sur le sol, le cœur battant et le souffle court. En temps normal, il serait parvenu à se relever, mais pas dans son état. L’elfe saisit un de ses poignets dans sa main et afficha un air mauvais.

  • Être prêt jusqu’à te mutiler pour te libérer… crois-moi, même en te laissant mourir de faim, tu n’y parviendras pas.

Il lui offrit un sourire entendu.

  • Tu te souviens de cette expérience ?

L’adolescent se figea alors que ses souvenirs surgissaient. Une pièce étroite, froide et vide, impossible à ouvrir de l’intérieur. Une salle au plafond exagérément haut, vers lequel apparaissait une unique fenêtre, derrière laquelle des visages l’observaient sans interruption. Le demi-elfe avait perdu ses repères temporels, et il se souvenait que cela l’avait perturbé. Mais plus encore que de ne plus savoir à quel moment de la journée ou de la nuit il était, ce furent ces regards qui l’étudiaient au moindre instant. Plus que la faim et la soif qui le tenaillaient, il s’était presque senti devenir fou à lier sous le poids de ces observations insistantes sur sa personne, alors que son corps s’amaigrissait de plus en plus. Depuis, le demi-elfe ne supportait plus d’être fixé, ou même aperçu. Il s’était laissé dépérir, dans le vain espoir de mourir. D’après l’Ancien, il avait tenu environ trois semaines ainsi, bien que l’adolescent était incapable de quantifier quoi que ce soit. Il avait seulement compris que cette torture avait duré aussi longtemps que ce qu’il avait ressenti.

Cette idée sordide était venue aux elfes lorsqu’ils l’avaient vu s’affamer pour échapper à ses entraves chez l’Ancien. Le demi-elfe, déjà de constitution maigre, n’avait désormais plus que la peau sur les os.

Il frissonna et revint à la réalité. Il essaya de ralentir sa respiration, dans l’espoir de ne pas perdre trop de sang d’un coup.

  • Nous pourrons tester en essayant de te trancher les mains, la prochaine fois, qu’est-ce que tu en penses ? reprit son tortionnaire avec une lueur d’envie dans les yeux.

Le demi-elfe lui jeta un regard haineux et retira sa main abîmée vivement. L’elfe se redressa et se mit à rire de sa propre plaisanterie.

  • Ah, j’suis bête… un bien, ça peut pas penser. Pourquoi est-ce que je pose la question ?

Alors qu’il s’autofélicitait, l’adolescent en profita pour lui donner un violent coup dans ses genoux avec sa jambe valide, avec l’espoir d’au moins lui en briser un. Il saisit cette infime fraction de seconde où l’elfe était surpris pour se jeter sur lui avec rage, du mieux que le lui permirent ses chaînes reliées au sol. Il enroula une partie de ses entraves autour de la gorge de son tortionnaire afin de l’étrangler.

L’elfe se ressaisit aussitôt. Il se coula avec une vitesse digne de son espèce derrière le dos de l’hybride pour abattre son poing sur sa nuque. La pointe enfoncée dans sa chair paralysa l’adolescent. La douleur irradia son corps entier et en perdit le contrôle, à son grand effarement. L’elfe le retourna sur le dos et s’assit sur lui, appuyant sur la blessure à la hanche. L’hybride lui jeta un regard furieux.

  • Tiens donc, en voilà, quelque chose d’intéressant ! Tu sais donc être vif dans tes mouvements ?

Il appuya la pointe de son poignard contre la tempe de son prisonnier. L’adolescent cessa de se débattre et attendit la morsure de la lame jusqu’à l’intérieur de son crâne. Celle-ci s’enfonça contre sa tempe, incisant sa peau cendrée. Son sang argenté macula ses longs cheveux d’ébène crasseux. La lame traça une estafilade jusqu’au milieu de son front en passant au-dessus d’un de ses sourcils. L’elfe redressa la lame à la verticale, la pointe de son arme plantée entre les yeux de sa victime.

  • Notre Ancien nous l’a encore interdit, mais j’avoue que je n’ai pas envie d’obéir : à savoir t’ouvrir le crâne pour savoir de quoi est-ce qu’il est fait. Ça doit être… fascinant.

Le demi-elfe ne bougea pas, peu désireux de sentir cette lame lui transpercer la tête. La pointe rencontra l’os. Une torsion, un mauvais mouvement de sa part, et la lame lui transpercerait le crâne ou lui arracherait le nez. Son tortionnaire lui jeta un regard empreint d’envie et lui offrit un sourire machiavélique.

  • Aujourd’hui, je vais plutôt me contenter de voir ce qu’il y a dans cette jambe.

L’hybride lui cracha à la figure à défaut de pouvoir faire autre chose. Cela lui valut une estafilade brûlante du poignard sur son visage. Le tranchant de la lame glissa de son front jusqu’au sol en passant par sa joue, manquant de peu son œil.

  • Œil-de-Sang nous a autorisé à faire ce qu’il faut pour te mater ! Je réussirai à te faire hurler ! annonça son agresseur avec rage.

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