Chapitre 34 - 3

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Karel s’enfuyait, incapable de contrôler le torrent d’émotions qui le submergeait. Il se sentait si faible, si vulnérable. Désespéré, il se téléporta plusieurs fois de suite, le plus loin possible, jusqu’à ce que ce maudit château ne devienne qu’un petit élément du décor au loin. Tout le monde l’avait trompé. Pire, son Maître était une personne qui aurait pu s’en prendre à lui à tout moment. Karel refusait de devenir un monstre.

Tout, tout avait été faux. Tous ses apprentissages, tous ces moments passés… tout n’avait été qu’illusion. Une prison construite autour de lui sans qu’il n’en connaisse les motifs. Il comprenait seulement qu’il était en grave danger, et surtout encore plus seul que jamais, livré à lui-même alors qu’il ne connaissait rien à rien du monde.

Il fit une courte pause, haletant, et risqua un œil derrière son épaule : personne ne le poursuivait. Karel trouva cela étrange, surtout après avoir croisé le regard du Mage dans le couloir.

Des halos lumineux explosèrent à côté du château, l’un ressemblant à un volcan en éruption. Un duel de magie. Un combat, si violent que le fracas se ressentait jusqu’à sa position. Lorsque Karel repensait à ses capacités actuelles, il ne put que constater à quel point il n’avait survécu que parce qu’on avait bien voulu le laisser en vie.

Un sentiment confus anima l’adolescent. D’un côté, une vive inquiétude l’assaillait à l’idée de voir son entourage en danger de mort. L’étaient-ils déjà ? De l’autre, il se rappelait avec douleur qu’il ne s’était profondément attaché qu’à une énorme illusion, créée pour mieux déguiser une réalité plus sombre. Les hommes qui l’évitaient. Radôn mort dans la souffrance sous ses yeux. Lorn qui avait tenté de le tuer. Ces autres hommes qui avaient disparu du jour au lendemain sans laisser de trace. Elma qui pleurait de douleur. Les bras recouverts de sang de Serymar, dévoilant l’assassin en lui.

Ses yeux s’embuèrent et Karel les essuya vainement d’un revers de manche, le cœur en pièces. Son repère. Un repère qu’il n’avait en réalité jamais eu. Karel se sentait déboussolé. Mieux valait s’éloigner. Il ne pouvait pas revenir en arrière, son Maître ne le lui pardonnerait jamais. Lui-même ne se sentait pas capable de le faire.

Karel risqua un œil au-delà des montagnes et frissonna. Il ne connaissait rien à rien du monde extérieur. Mais plus question de retourner en arrière. Il ne le pouvait pas, c’était trop tard. Karel savait que quelque chose s’était complètement brisé, plus rien ne serait jamais comme avant. Il ne se sentait plus capable de faire confiance à Serymar et de le suivre. S’il restait, il s’autodétruirait. Tout ce qu’il avait appris était-il destiné à le transformer en assassin ? Karel fut terrifié à cette idée. Il se morigéna : jamais il ne suivrait cette voie.

Son regard avisa la chaîne de montagnes sombres. Oui, c’était là qu’il devait aller. Peu importait ce qu’il y avait de l’autre côté. Si tout n’avait été qu’illusion, alors Serymar avait sûrement tort : le monde extérieur pouvait l’accueillir, il s’en sortirait.

Karel continua à user de sa magie pour disparaître et se téléporter le plus loin possible. Pour recommencer. Encore et encore, conscient qu’en cet instant, il perdait tout. Tout ce en quoi il croyait, toute sa réalité, sa sécurité, son sanctuaire, sa « famille », ses valeurs. Il n’avait plus rien. Si tout ce qu’il avait appris jusque-là n’était que mensonge, en quoi pouvait-il encore croire ?

Une puissante explosion fit trembler la terre. Surpris, Karel se retourna vivement et se figea de terreur devant le spectacle qui s’offrait à lui. Au loin, une vague de magma s’abattit par-dessus le petit château dans lequel il avait grandi. La douleur que Karel ressentait déjà se décupla. Ses yeux lui brûlèrent alors qu’il peinait à réaliser ce qui se passait. Tout le monde était mort. Karel en eut le vertige lorsqu’il réalisa toute l’horreur de la situation. Elma. Le Maître. Ensevelis sous cette vague brûlante. Morts.

Une déflagration tonitruante fit trembler le sol et Karel, déjà sonné par ces dernières heures, glissa et bascula de l’autre côté du versant de la montagne. Affolé, il attendit l’impact de sa tête contre la roche, conscient qu’il n’y survivrait pas. Alors que la paroi se rapprochait à une vitesse vertigineuse, une ombre, immense, si grande qu’elle dissimulait les rayons du soleil, le recouvrit et Karel sentit son bras gauche lui brûler. Des griffes faisant au moins trois fois sa taille s’ouvrirent sous ses yeux et se refermèrent sur lui dans un violent impact contre la roche. Les ténèbres enveloppèrent aussitôt l’adolescent, emprisonné dans une surface dure et lisse, incapable de réagir à ce qui lui arrivait, ni de croire ce qu’il pensait avoir vu. Sonné par cet impact, il eut juste le temps d’apercevoir des sillons argentés traverser sa manche et atteindre sa main, juste avant de sombrer dans l’inconscience.

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