Chapitre 42 - 2

5 minutes de lecture
  • Bien. Je vais donc t'expliquer certaines choses. Tu te trouves dans la ville de Sheyral. Il s'agit d'une ville marchande située idéalement à la frontière des Avancés. J'y ai fondé il y a une centaine d’années l'Académie de Magie pour apprendre aux porteurs et aux Sans-Pouvoirs de vivre ensemble, car bien avant ta naissance, beaucoup de conflits dramatiques éclataient à cause de ça. Personne ne comprenait que le problème venait du manque de maîtrise des porteurs de magie. Enfin. Je ne vais pas te faire le détail, tu le verras par toi-même.

L’adolescent avait de plus en plus de mal à tenir debout. Sa jambe le lâchait. Il s’appuya contre le rebord de la bassine d’eau. Il avait du mal à ignorer le regard intense de Valkor qui ne le lâchait pas des yeux.

  • Autant dire que des gamins comme toi, j’en ai vu beaucoup. Même si je dois admettre que tu es bien le premier que je croise à avoir été traité de cette manière. Tes pouvoirs sont impressionnants pour ton âge. Même trop.

L’hybride l’interrogea du regard, et baissa enfin son arme.

  • Je viens de te le dire, répondit Valkor avec patience. J'en ai vu, et mon expérience est très longue. J'ignore précisément ce que l'on t'a fait et pourquoi encore, mais au vu de tes attitudes et des séquelles que tu sembles porter, j'ai rapidement fait mes conclusions.

Le demi-elfe se mura dans le silence. Valkor se leva et glissa jusqu’à lui. Il veilla à garder une distance respectueuse avec l’adolescent, bien que Valkor fit en sorte de se mettre à sa hauteur. Il plongea ses yeux perçants dans les siens, ce qui mit le demi-elfe mal à l’aise.

  • C’est fini. Ici, tu es en sécurité. Personne ne t’obligera à quoi que ce soit. J’interviendrais seulement si tes pouvoirs débordent encore, mais sois assuré qu’aucun mal ne te sera fait pour ce faire. Tu es capable de t’en sortir. Tu en as les capacités.

Le demi-elfe fut dérouté par un autre sentiment qu’il était incapable de définir. Lui qui était habitué à ne ressentir que de la haine, de la peur, de la colère et du désespoir, il ne reconnaissait pas ce nouveau sentiment qui l’assaillait en cet instant, lorsqu’il se fit dire que ses tourments étaient désormais derrière lui. Un sentiment qui ne faisait pas mal et qui lui donnait l’impression de le libérer d’un poids écrasant sur ses épaules, dont il n’avait encore jamais eu conscience. Tétanisé, il se figea en baissant les yeux. Cet être, il ne ressentait pas l’envie de le défier du regard. Il ignorait comment il devait réagir.

  • Cela s’appelle du soulagement, le renseigna Valkor. Je suis heureux que tu le ressentes.

Il se redressa.

  • Tu es intelligent. C’est tout ce dont tu as besoin.

L’hybride releva la tête vers lui, l’expression emprunte d’incompréhension. Saisi de honte, il secoua doucement la tête en désignant sa tempe.

  • T… Tête… Tête v… vide, s’efforça-t-il d’articuler.
  • En effet, aujourd’hui, tu ne sais rien, confirma Valkor. Mais ne confonds pas ignorance et intelligence. Si tu es capable de constater et d’admettre tes faiblesses, c’est que tu es capable de te remettre en question. Sache qu’il s’agit d’un signe d’intelligence. Un idiot n'aurait jamais été capable de constater l'étendue de son ignorance.

L’hybride se détourna, peu convaincu.

  • Eh. Remarque que, malgré tes lacunes, tu sembles très bien comprendre ce que l’on te dit. Cela démontre que tu as été capable d’écouter et d’analyser tout ce qui se disait autour de toi. Ça aussi, ça prouve que tu n’es pas aussi idiot que tu ne le penses. Ton potentiel est resté inexploité pendant plusieurs années, il te manque seulement quelques mécanismes de réflexion que tu n’as jamais pu développer. Il te manque seulement de l’entraînement, c’est tout.

L’adolescent médita ces paroles en silence.

  • Maintenant, première leçon, annonça Valkor en se redressant. Toute personne digne de ce nom porte une identité. Nous allons commencer par t’en donner une, pour des raisons de simplicité. Il s’agira d’un nom temporaire. Ça sera à toi de te trouver ta propre identité, au travers de tes actions futures et de l’expérience que tu accumuleras dans la vie. Alors en attendant que tu sois capable de te trouver…

Valkor marqua une pause, puis porta de nouveau son attention sur l’adolescent.

  • Que penses-tu de Sang-Mêlé ?

L’adolescent fit la moue.

  • P-pas…
  • « Ce n’est pas », le reprit Valkor. Essaie encore.

La honte envahit l’adolescent qui se déroba du regard de son interlocuteur. Ses doigts se crispèrent sur le rebord du bassin, avec cette envie de disparaître.

  • Eh, tenta Valkor sur un ton apaisant. Tu n’apprendras jamais rien si tu ne fais pas d’erreur. Je suis conscient que la moindre erreur t’était interdite, au point que tu crains désormais d’en faire. Retrouver le courage de prendre ces risques est difficile, mais tu y arriveras. Car ici, personne ne te fera payer pour tes erreurs. Crois-moi.

La mâchoire contractée, le demi-elfe s’entêta dans son mutisme.

  • Ne sois pas honteux de séquelles indépendantes de ta volonté, insista Valkor. Je trouve même ta tentative très encourageante. C’est la preuve que tu réussiras à surpasser tes traumatismes.

L’adolescent osa enfin rencontrer à nouveau son regard. Valkor le fixa intensément.

  • Crois-moi. Je ferais tout pour me montrer digne de ta confiance. Il n’y a personne d’autre autour de nous, pour l’instant. Alors réessaie. Ce n’est pas grave si ta diction n’est pas encore parfaite. Tu auras encore des difficultés pendant un moment, mais crois-moi sur parole, à force d’entraînement, ces difficultés disparaîtront et ne seront plus qu’un mauvais souvenir. Vas-y.

Le demi-elfe considéra son interlocuteur pendant un long moment, surpris de ne pas avoir subi de sévices pour sa tentative laborieuse. Peut-être que Valkor disait réellement la vérité, dans le fond. Partiellement encouragé, il retenta sa chance.

  • Ce… Ce n’est. P-pas. Pas…

Mal à l’aise, il se tut. Il bloquait, et les muscles de sa mâchoire le faisaient souffrir, comme s’ils étaient figés, du fait de n’avoir été pratiquement jamais utilisés pour parler. Quel était le mot qu’il recherchait pour illustrer son impression, exactement ? Valkor l’aida.

  • Pas original ? Pas inspiré ?

Le demi-elfe confirma d’un léger hochement de tête. Oui, c’était bien ce mot-là qu’il cherchait. Il inspira. Surpasser ses angoisses. Ici, il avait le droit de s’exprimer sans en payer les conséquences. Il s’y risqua et surpassa sa douleur.

  • Ce. N-n’est. Pas. T-très. Insp… ins-pi-ré.

Valkor étira un large sourire satisfait.

  • C’est un excellent début. Je l’admets, Sang-Mêlé n’est pas très original. En attendant, ça fera l’affaire. Le jour où tu seras une personne accomplie, reviens me voir. J’apprécierai beaucoup apprendre le nom que tu te seras choisi et de constater tes progrès.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Eylun ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0