Chapitre 50

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Ils se trouvaient tous dans une vaste cour dans lequel trônait une longue estrade au milieu. L’enseignant passait de long en large devant chaque Apprenti.

  • Chaque personne dispose de ressources, physiques et spirituelles. Chaque fois que vous utilisez la magie, avec ou contre votre volonté, cela puise dans vos ressources. D’où l’extrême importance de savoir maîtriser la quantité que vous devez utiliser. Certains sorts demandent plus de ressources que d’autres, ce qui signifie que certains sont encore très dangereux à utiliser à votre niveau. En grandissant, vos capacités augmenteront, mais personne n’est égal sur ce plan-là.

Certaines tournures furent encore un peu compliquées pour Karel, qui resta concentré. Mais il ne s’en inquiéta pas : il se rendait compte qu’en fait… il savait déjà tout ça. Ses pensées dérivèrent encore vers le Mage, lui procurant un sentiment partagé entre le malaise et la gêne. Gêné à l’idée de se demander s’il allait apprendre quelque chose de nouveau, et malaise parce qu’il ignorait si tout ce qu’il avait appris était une bonne chose. Quand il pensait que son ancien avait péri sous cette déferlante de magma…

Karel sentit un frisson lui parcourir l’échine quand il aperçut l’enseignant le toiser d’un regard sévère.

  • Jeune homme, je ne saurais tolérer les rêveries pendant mon cours.

À son grand agacement, Karel entendit un ou deux ricanements discrets derrière lui. Ne pas perdre son calme. Cela n’en valait pas la peine. S’il montrait le moindre signe de contrariété, Lya s’inquiéterait et Karel ignorait si elle saurait se maîtriser si elle se rendait compte que l’on se moquait de lui.

  • Premier exercice. Avec votre propre magie, entraînez-vous à écrire votre propre prénom. Cela paraît simple, mais en réalité, il s’agit d’un exercice complexe. Cela vous demande de bien doser votre énergie, afin d’insuffler ni trop ni pas assez à votre sortilège, le tout en démontrant que vous savez plier votre élément à votre volonté. Sans utiliser de ressource extérieure. Uniquement la vôtre.

Karel jeta un discret coup d’œil à Lya, qui garda son attention sur l’enseignant en jouant avec une mèche de ses cheveux. Son frère reporta son attention sur l’enseignant en replaçant l’une de ses propres mèches derrière une oreille. Dans le même mouvement, il positionna son index verticalement pour signifier qu’il avait compris ce que l’enseignant attendait d’eux, conscient que Lya lui jetait un regard en biais pour recevoir son message codé. Personne ne faisait attention à ces petits gestes anodins, leur permettant ainsi de communiquer sans se faire repérer.

Chaque élève commença. Karel remarqua très vite sa sœur en difficulté. Elle fronçait le regard, son artéfact dans la main, parvenant à faire apparaître une étincelle un peu trop vive et informe. Son frère vint à sa rescousse. Il l’enjoignit à garder son calme en respirant un bon coup en premier lieu. Un des rares signes utilisés par les gens qui parlaient, cela n’attira donc pas les regards.

  • Tu y arrives, toi ? lui demanda-t-elle. Parce que là, c’est désespérant…

Karel tira son propre artéfact et se lança dans l’exercice. L’épée tenue à deux mains, la lame ne tarda pas à émettre un léger halo, signifiant que la magie opérait. Karel le ressentit aussitôt. Il visualisa d’abord ce qu’il souhaitait, puis apparurent les premières lettres de son prénom. Mal formées et pas bien visibles. Karel marqua une pause.

« Pas assez de magie. », comprit-il.

Il manquait aussi de précision, comme depuis des années. Peut-être qu’il allait apprendre quelque chose, finalement.

Karel regarda sa sœur et désigna son épée. Il longea la lame d’un doigt et remonta jusqu’à lui-même, comme pour lui faire comprendre que l’objet que Lya portait était une extension d’elle-même et qu’elle devait prendre conscience de ça. Pour la question de la précision, il ne sut comment le lui expliquer en toute discrétion. Tant pis, ils verraient ce soir quand ils mettraient leurs notes en commun. Il conclut en désignant son cœur.

  • Il faut ressentir, c’est ça ?

Karel lui répondit par l’affirmative d’un léger mouvement de la tête. Il joignit ses mains devant lui, comme pour lui signifier qu’elle ne devait faire qu’un avec sa magie et se sentir unie à celle-ci. Lya lui sourit.

  • Merci, je vais essayer.

Elle serra son médaillon dans sa main. Une légère tape sur ses doigts de la part de son frère lui indiqua qu’elle faisait déjà une erreur.

Karel se plaça ostensiblement face à elle et saisit son propre artéfact de manière à ce que Lya voit bien comment est-ce qu’il s’y prenait pour la saisir. Normalement, mais le geste ferme. L’épée brilla encore d’un léger halo. Karel s’arrêta, changea de main et montra celle qui tenait l’épée à Lya : rien. Pas une blessure, pas une marque, contrairement à sa sœur dont les paumes étaient devenues rouges. La fillette comprit qu’elle n’était donc pas censée avoir mal, et encore moins se blesser.

Lya fit un nouvel essai. Son médaillon luit d’un léger halo rouge sous le regard satisfait de Karel.

« Bien ! »

Des lettres de feu commencèrent à apparaître, très hésitantes. Elles étaient encore un peu trop intenses et leur forme laissait à désirer. Lorsque Lya revint à la réalité, Karel lui offrit une expression encourageante consistant en un simple petit clin d’œil accompagné d’un sourire complice. Il retourna à son propre exercice, déterminé.

Son prochain essai ne fut pas très satisfaisant non-plus. Encore trop peu. Karel retenta, mais cette fois, il fit la même bêtise que Lya et s’arrêta immédiatement, pris d’un essoufflement soudain. Il jeta un coup d’œil à son artéfact : il remarqua qu’elle brillait un peu plus intensément avant de redevenir normale. Karel comprit que s’il avait évité le malaise, c’était grâce à son épée qui canalisait le surplus de ressource qu’il utilisait, pour ensuite le lui rendre. Karel comprit en cet instant la véritable importance de cet enjeu. Les Sorciers disposaient certes d’un objet leur permettant d’éviter que leurs pouvoirs ne les submergent, mais ce n’était pas une raison pour se contenter que de ça. Il fallait qu’ils sachent maîtriser leur potentiel. La magie était quelque chose de fort complexe et précise, très peu de gens parvenaient à la perfection. Les Mages étaient sans conteste des gens vraiment particuliers. La puissance ne se résumait pas à la force, mais à son niveau de maîtrise.

Karel recommença, cette fois en réajustant la quantité de pouvoir à envoyer. Si l’intensité lui parut suffisant, la forme des lettres laissait toujours fortement à désirer. Il se concentra, essayant de se représenter clairement cette forme. Et dire que le Mage faisait ça comme si de rien n’était quand il lui avait appris la langue des signes, en formant des schémas divers et variés pour lui faire comprendre un mot…

Karel secoua la tête. Non, il ne devait pas y penser. Il devait se concentrer sur le présent. Il regarda son épée pendant quelques secondes, puis la tint à la verticale devant lui. Ses doigts libres se posèrent sur la lame. Il traça dessus une première lettre invisible. La première lettre de son prénom en insufflant de nouveau sa magie, chose qu’il savait faire désormais naturellement, contrairement à la majorité des élèves ici. En même temps qu’il s’aidait sur la lame, la lettre apparût en même temps à un mètre devant lui dans les airs. Cette fois d’une manière beaucoup plus claire. Encouragé, Karel traça le A. La même chose se produisit alors que la première lettre s’évapora. Il continua, ainsi de suite, jusqu’à parvenir à dessiner la dernière lettre de son prénom qui s’évapora presque aussitôt.

Il ne s’en était pas rendu compte, mais beaucoup de regards s’étaient tournés vers lui. Karel se sentit mal à l’aise. Allons, bon, qu’est-ce qu’il avait mal fait, encore ? Il risqua un regard vers l’enseignant.

  • Plutôt pas mal, bien que je ne m’attendais pas à ce résultat avant plusieurs séances. Par contre, le but est plutôt de savoir maintenir toutes les lettres en même temps dans la même intensité jusqu’à la fin et sans utiliser les doigts. Tu es en avance par rapport aux autres. Qui t’a appris comment contrôler tes pouvoirs ?

Karel afficha une expression gênée. Même s’il pouvait parler, il ignorait s’il aurait pu répondre. Il avait appris la sinistre réputation de son ancien mentor à Var. Cette même réputation qui avait tant porté préjudice à Lya.

  • J’attends une réponse.

Karel se crispa. Bon sang, pourquoi est-ce qu’il y avait droit à chaque fois ? Pour la peine, au risque de passer pour quelqu’un de distrait, il se contenta de hausser les épaules, espérant que ça suffirait. Beaucoup avaient donc pris le parti de ne pas croire en la véracité de sa situation, pensant qu’il faisait un bête blocage psychologique, alors que c’était l’extrême inverse.

L’enseignant soupira bruyamment. Il se demandait bien quelle éducation avait bien pu recevoir cet enfant pour refuser à ce point de répondre à une simple question. Karel ne put s’empêcher de se demander si la situation aurait été la même s’il avait été capable de parler. Il n’aurait jamais cru que son silence imposé puisse le protéger contre des questions… gênantes.

Lya, de son côté, soupira de soulagement. Elle redoutait ce genre de situation presque autant que son frère.

  • Pff, crâneur, cracha une voix. À croire qu’il faut toujours que tu te fasses remarquer en te donnant un genre, pauvre débile !

Lya se sentit fulminer. Elle s’apprêta à envoyer une riposte cinglante à l’auteur de la moquerie accompagné d’un coup de poing, mais Karel retint son poignet avec fermeté. Il lui décocha un regard sévère.

  • Je ne vais quand même pas les laisser te…

Elle se coupa net en voyant l’expression de son frère se renforcer et sa poigne se resserrer. Il fit un simple signe sec de sa main libre pour lui signifier que ça n’en valait pas la peine.

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