/!\ Chapitre 15 /!\ [NOUVEAU !!!]

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8 ans plus tôt.

Jamais Elma n'aurait cru découvrir un jour un silence encore plus étouffant que celui qu'elle avait connu dans cette grange sombre.

Tendue, blême, elle fixait ce mélange dans sa main qui changerait sa vie. Elle ignorait s'il s'agissait de la bonne décision. Elle redoutait de se tromper. Elle n'en revenait pas de constater ce qu'elle était sur le point de faire.

  • Tu peux encore changer d'avis.

Elma secoua la tête. Elle était au moins certaine d'une chose : l'idée de mettre au monde un enfant la terrifiait. Choquée d'avoir été salie à ce point, elle frissonna au souvenir de chaque empreinte intrusive subie.

  • Non.

L'expression éteinte, elle releva enfin le regard vers le Mage et songea à l’ironie de la situation. Elle trouvait ses congénères masculins bien plus effrayants que lui et son apparence semi monstrueuse.

  • Est-ce que ça va faire mal ?
  • Il y a des chances. Si tu veux persister à interrompre ce cycle, boire ce mélange reste la méthode la moins dangereuse.
  • Il s'agit quand même d'un être vivant...
  • Ne culpabilise pas, Elma. Tu n'es pas une meurtrière, enlève-toi ça de la tête. Il n'en souffrira pas. Tu ne le portes que depuis six ou sept semaines.
  • Mais...
  • J'ignore si cela peut t'aider, mais... sache que si j'avais eu le choix, j'aurais été ravi de ne jamais voir le jour.

Elma n'osa pas lui demander pourquoi.

  • Pourquoi restez-vous à mes côtés ? lui demanda-t-elle.
  • Parce qu'il s'agit d'un moment difficile et que j'en crains les séquelles sur toi si je ne t'accompagne pas.
  • C'est donc si terrible que ça ?
  • Ça le peut. Tout dépend des personnes. Mais si tu te sens assez forte... je peux partir.
  • Non, s'il vous plaît, restez ! s’affola Elma en lui retenant le poignet. Ne me laissez pas seule…

Serymar se tut un instant.

  • Cela risque d'être... impressionnant, la prévint-il.
  • Je... j'ai eu pire.

Serymar eut un rictus sinistre. Elma le fixa avec curiosité.

  • Qu'ai-je dit ?
  • Je ne m'attendais pas à entendre mes propres mots franchir ces lèvres.

Elma parvint à lui sourire, aussi surprise. Se pourrait-il qu'ils aient plus de points communs que ce qu'elle avait pensé au premier abord ?

Elle fixa la fiole, cessa de se poser des questions et l'avala d'un trait. Aussitôt, son bas ventre se contracta avec tant de violence que des étoiles l'aveuglèrent et elle gémit de douleur. La fiole se brisa sur le sol alors qu'elle s'écroulait sur son lit, les mains appuyées sur la zone pelvienne. Une intense nausée la saisit et son corps ne fut plus qu'une enveloppe de souffrance. Des larmes roulèrent sur ses joues. Qu'avait-elle fait ? Ne cesserait-elle jamais de souffrir ?

Son corps trembla. Elle gémit lorsque son entrejambe devint humide et la gêne s'ajouta à sa frayeur.

Comme pour lui répondre, deux mains se poser avec délicatesse sur ses tempes.

  • Tu es forte. Tu es courageuse. Ne crains rien, il s'agit d'une réaction normale de ton corps. Laisse-le faire.
  • J'ai mal... si mal... pleura-t-elle.
  • Si j'interviens, ça sera pire, Elma. C'est ton corps qui doit faire le travail. Je ne peux qu'accompagner.

Elma cria quand une contraction douloureuse la saisit. Elle avait l'impression que plusieurs couteaux lui transperçaient à vif son bas-ventre et remuaient à même ses plaies. Elle n'osait imaginer le spectacle qu'elle donnait. Elle sentait le sang ruisseler le long de ses jambes tremblantes et sa robe se teintait de rouge. Elle pleura de plus belle.

  • J’ai mal ! cria-t-elle.

Une main se posa sur ses yeux, comme pour lui occulter ce sens momentanément.

  • Je sais, murmura le Mage. Essaie de respirer.

Haletante, tremblante, Elma hurla encore alors qu'un autre élan intense la secoua, expulsant une autre gerbe de sang. Mal à l'aise, elle se contracta afin de ne plus se vider ainsi devant témoin, bien qu'elle désirait sa présence. Une main saisit fermement la sienne.

  • Laisse ton corps faire, lui intima encore le Mage. La nature sait ce qu'elle fait.
  • Que... combien... combien de... temps... ? haleta Elma, en sueur, le cœur battant.
  • Longtemps si tu continues de lutter.

L'adolescente sanglota. Elle hurla lorsqu'une autre vague de douleur la saisit et que son corps se cambra avec force. Elle avait l'impression de se vider de son sang.

Elle se concentra sur le contact de cette main qui serrait la sienne. Alors que son corps se tordait de douleur, ce seul contact l'empêchait de sombrer au fond du gouffre duquel elle était suspendue. Et elle eut la conviction que cette main ne la lâcherait pas.

Enfin, quelque chose s'expulsa entre ses jambes. Elma s'effondra en larmes, secouée de spasmes de terreur. Elle lutta pour ne pas regarder. Elle se démena pour ne pas succomber aux pensées morbides que sa mémoire cherchait à lui imposer.

Prise de nausées, la bile lui monta et son corps affaiblit se redressa brusquement pour vomir sur le sol.

La honte l'envahit alors qu'elle imaginait à quel point elle devait paraître pathétique et misérable devant son sauveur. Noyée de sueur, de sang et de larmes, elle devait lui donner un spectacle affligeant. Il ne prononça aucun mot. Elle n'osa pas croiser son regard.

Pourtant, une main se posa sur son dos, comme dans une tentative pour l'apaiser. Son bas-ventre était encore douloureux.

  • C'est fini, lui fit Serymar. Tu vas être malade pendant quelques jours encore, mais le pire est derrière toi.

Etranglée par ses sanglots, Elma ne put lui répondre. Serymar la redressa doucement par les épaules et planta son regard dans le sien.

  • Tu m’impressionnes. Tu n'as que quinze ans, et tu viens de surmonter une épreuve très difficile. Tu as mon admiration, Elma.

Très affaiblie, la jeune fille s'effondra en larmes et se jeta contre lui. Elle le sentit se raidir, mais elle s'en moquait. Perdue et sans repères, elle avait absolument besoin de ressentir sa présence et de se sentir enveloppée par celle-ci. Protégée et inatteignable. Ils étaient désormais liés par la magie. Il se devait donc de la protéger. En cet instant de vulnérabilité, l'adolescente réclamait son dû. Elle avait besoin de se raccrocher à quelque chose de solide afin de ne pas sombrer.

Ses émotions la submergeaient avec plus d'intensité que lorsque Serymar lui avait appris qu'elle était enceinte. Il était son unique point de repère au milieu de ce chaos émotionnel qui la noyait. Enfin, elle avait le sentiment d'être libérée d'un poids et sa manière d'appréhender la vie lui apparaissait comme radicalement changée.

Elle frissonna lorsque des bras l'entourèrent, comme pour la rassurer encore et l'empêcher de tomber. Elle s'appuya davantage dans son étreinte, incapable de cesser de pleurer. Son odeur de cendre et de pin l'enveloppa comme un cocon protecteur. Jamais elle ne s'était sentie autant en sécurité, et Elma se surprit à désirer que cette étreinte soit éternelle.

  • Je veux te voir t’élever, Elma.

Par ces mots, la jeune fille comprit au fond d'elle-même, telle une révélation, qu'à jamais elle suivrait cette personne singulière. Elle quitterait le monde des hommes volontiers pour suivre sans hésiter celui qui était considéré comme un monstre à abattre. Elle s'accrocha à sa tunique.

  • Sortez-moi d'ici, demanda-t-elle faiblement. Je ne veux plus jamais revenir dans cette chambre.

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