Chapitre 29

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Ere actuelle, deux années plus tard.




  • « Autrefois, un peuple aussi puissant qu’érudit vivait ici. », signa Serymar.

Quelque part dans les plaines sombres, Karel lui faisait face, attentif à ses mots. Le Mage le fixa. À dix ans, Karel commençait à changer, oscillant entre l’innocence de l’enfance et l’immaturité de la préadolescence. Ses traits de visage commençaient à s’affiner, son regard plus sérieux. Il s’était considérablement amélioré sur la maîtrise de ses pouvoirs, bien que c’était encore loin d’être parfait. Sans artéfact pour réguler son pouvoir, il était particulièrement difficile de se préserver des excès de son flux de pouvoir.

  • « On raconte qu’ils étaient aussi redoutables en magie qu’en art du combat. Et c’est ce que l’on va initier aujourd’hui. »

D’un geste de la main, Serymar fit apparaître une épée aux pieds de Karel, dont l’expression se renfrogna soudain.

  • « Ne fais pas la même erreur que beaucoup de porteurs de magie, Karel. À tout moment, tu peux ne plus avoir accès à tes pouvoirs, que cela soit par ton état ou un objet anti-magie. Tu te dois de parer à toute éventualité. »

Karel refusa de bouger, malgré son explication. Serymar se contint pour ne pas perdre patience et se fit froid.

  • « Ramasse-là. Et sers t’en contre moi. »

Karel lui répondit par une expression effarée et secoua la tête pour exprimer son refus. Serymar l’ignora.

  • « Tu peux aussi utiliser tes pouvoirs. »

En l’état, Karel était encore incapable d’avoir l’ascendant sur lui. Mais il était impératif qu’il apprenne quand utiliser ses capacités physiques, et quand il devait utiliser ses capacités magiques. De même, Serymar souhaitait que Karel sache quand interagir avec des objets autour de lui afin de se sortir d’une situation dangereuse.

Nerveux, Karel recula d’un pas pour signifier son désaccord, atterré à l’idée de devoir lever la main sur son Maître. Il signa maladroitement que cette activité ne serait pas à sa portée. L’idée d’apprendre à blesser ou pire le révulsait. Serymar contint un soupir, agacé.

  • « Dépêche-toi, ou tu vas regretter de me faire perdre mon temps. »

En dépit de la menace sous-entendue, Karel refusa de bouger et le fixa avec détermination pour appuyer son refus catégorique.

  • « Je serais clément pour cette première fois. Je n’utiliserai pas mes pouvoirs, ni aucun autre moyen pour te contrer. »

Karel lui jeta un regard aussi effaré qu’étonné, et lui indiqua qu’il ne trouvait pas cette règle équitable. La patience de Serymar commença à s’effriter. Il fixa Karel dans les yeux et son expression se fit menaçante.

  • « Si tu veux survivre de l’autre côté des Monts, tu devras apprendre à ignorer tes sentiments. Maintenant, attaque-moi. Sache que pour ma part, je n’hésiterai pas, s’il faut ça pour te faire obéir. »

Karel se figea et chercha dans son regard une confirmation qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Il ramassa l’arme à contrecœur mais n’osa pas bouger. Il ne vit pas le soupir exaspéré de Serymar.

Le Maître s’approcha à pas lents vers son Apprenti qui se figea, semblant encore avoir du mal à déterminer si son mentor plaisantait ou non. Comme pour lui répondre, Serymar le fit chuter d’une pression derrière la nuque.

Stupéfait de constater que Serymar était sérieux, Karel s’appuya sur ses paumes pour regarder. Une certaine crainte s’émanait de son regard. Serymar le toisa sévèrement.

  • « Tu as de la chance que je me retienne. En situation réelle, tu serais déjà mort ! »

Karel frissonna.

  • « Si tu n’y mets pas du tien, jamais tu ne franchiras ces montagnes. Tu resteras ici à jamais. »

Serymar savait qu’il touchait un point sensible. Karel lui avait déjà posé beaucoup de questions sur le monde extérieur. Ce sujet le fascinait, et le Mage lui avait appris ce qu’il savait. Mais Karel désirait aussi partir un jour simplement parce qu’il supportait de plus en plus mal ses mésententes avec les Sans-Pouvoirs qui vivaient ici, en dehors d’Elma.

Karel se releva et, le regard chargé de rancœur, demanda s’il était vraiment nécessaire de devenir une brute pour quitter le foyer.

  • « Ramasse cette épée, tout de suite. »

La colère envahit son élève, à l’idée d’être obligé de faire quelque chose qui le répugnait. Karel souffla de frustration et se releva pour retomber aussitôt suite à un vif mouvement de jambe de la part de Serymar. Agacé, Karel lui jeta un regard lourd de reproches.

Serymar lui jeta un regard dur.

  • « Dehors, tu n’auras aucun répit. Personne ne te laissera le temps, ni la chance de te relever. »

Cette fois, Karel ne se fit pas avoir par une autre attaque et se téléporta.

Serymar eut un discret sourire, satisfait. Enfin, Karel semblait comprendre. Mais pas question de s’en tenir là. Karel n’était pas encore bien motivé, cela se sentait. Il perdait son calme. La preuve en était lorsqu’il le vit réapparaître quelques mètres plus loin d’une manière trouble.

« Tu es trop nerveux, Karel, et ça te sera fatal. Tu maîtrises la téléportation mieux que ça, maintenant. Je n’ai même pas besoin d’utiliser mes sens pour te débusquer… tu m’as habitué à mieux. »

Par réflexe, il voulut utiliser un simple sort mais se retint. S’il ne se bridait pas, il allait tuer Karel en moins de temps qu’il le faudrait pour le dire.

Son Apprenti ne pourrait rien contre lui aujourd’hui, Serymar en était conscient, mais il voulait lui prouver à quel point il était important de compter sur ses propres forces qu’uniquement sur ses pouvoirs. Il augmenterait le niveau petit à petit.

Pas de téléportation pour lui donc. Serymar se contenta d’effectuer quelque pas vers Karel qui, affolé, disparut encore. Le Mage ne bougea plus et mit ses sens en alerte. Cela ne lui fut pas bien difficile lorsqu’il entendit des pas précipités quelques mètres sur sa droite. D’un mouvement vif et précis, il se déplaça sur le côté et attrapa quelque chose dans le vide pour le projeter au sol. Karel reparut. Encore perdu pour l’Apprenti.

  • « Encore. »

Karel se releva, bondit en arrière pour éviter de se faire projeter par terre de nouveau en se relevant. Serymar eut une expression satisfaite : bien. Ce garçon commençait à comprendre le principe.

Karel recommença. Il se téléporta pour reparaître aussitôt de l’autre côté du Mage pour le toucher, mais Serymar voyait ses positions à l’avance : à nouveau, il poussa Karel sur le sol. Enervé, le jeune garçon recommença encore : il se téléporta et apparut face à son Maître. Il feinta en esquivant la main du Mage pour mieux l’attaquer par surprise, mais à nouveau, Serymar le devança et le fit encore chuter.

« Bien essayé. » observa-t-il face à l’expression déconfite de Karel.

Désespéré et convaincu qu’il n’arriverait à rien, Karel lui demanda d’arrêter. Serymar refusa et le fit à nouveau tomber.

  • « C’est moi qui décide de la fin de l’entraînement. Maintenant, motive-toi. En situation réelle, tu serais déjà mort plusieurs fois. »

Couvert de terre et de cendre de la tête aux pieds, Karel sentit la colère enfler dans sa poitrine, les poings serrés et tremblants. Il détestait cette séance. Il voulait arrêter. Très bien. Il allait donc tout faire pour essayer de toucher son Maître. Serymar ressentit une satisfaction qu’il contint. Enfin, Karel commençait à réagir.

Son Apprenti se mit hors de portée en se téléportant. Serymar s’avança vers lui. Karel courut vers l’arme au sol vers laquelle le Mage se dirigeait aussi, attentif à ce qu’allait faire son Apprenti pour tenter de s’en sortir. Il ne restait que quelques mètres entre Karel et l’épée. Soudain, son élève se téléporta afin de réapparaître juste au niveau de l’arme.

« Trop exposé. »

Au moment où Karel fut sur le point de saisir le pommeau, Serymar l’agrippa par une épaule et le poussa encore à terre. De sa main libre, Serymar envoya l’épée plusieurs mètres plus loin par magie de vent.

  • « Ne te déconcentre pas ! »

Afin de lui montrer que la moindre inattention pouvait lui être fatale, Serymar s’apprêta à profiter de la confusion de Karel pour le mettre encore à terre, mais celui-ci roula soudain sur le côté. Il disparut encore pour réapparaître juste au-dessus de sa tête. Serymar leva son bras et rejeta Karel sur le sol une énième fois.

  • « J’ai perdu le compte de toutes les fois où tu aurais été mort en situation réelle. »

Sur cette pensée, il fit signe à Karel de se relever.

Transpirant, Karel tremblait malgré-lui, à la fois par le stress mais aussi à cause de l’énergie qui commençait à lui manquer. Serymar vit dans ses yeux que son Apprenti se rendait enfin compte de l’importance à optimiser son énergie magique. Le Mage fit un pas vers Karel.

Le garçon ne se releva pas. Soudain, il tendit un bras vers l’avant : la courte lame, loin derrière le Mage, se souleva et fila vers son dos à une vitesse folle. Serymar attrapa l’épée de sa main gauche et la pointa sous le menton de Karel à ses pieds.

« Tu es encore m… »

Un étau végétal emprisonnait sa main avec le pommeau de l’épée. Les traits déformés par l’effort, Karel se concentrait à maintenir la main de Serymar prisonnière depuis les tiges qui apparaissaient à partir de ses paumes tendues. Karel était parvenu à l’atteindre.

Une vague de satisfaction anima Serymar. Karel avait fini par comprendre. Il n’avait pas encore le niveau pour défier son Maître de manière directe. L’épée n’avait été qu’un piège, et à l’instar de Serymar qui savait profiter de la moindre fraction d’inattention d’un adversaire, Karel avait saisi cette infime fraction de seconde où le Mage s’était saisi de l’épée pour l’atteindre.

Lentement, le Mage relâcha l’arme et souleva sa paume à hauteur de ses yeux pour contempler le résultat. Puis il reporta son attention sur Karel au sol et ferma le poing d’un geste vif. L’étau végétal fut aussitôt anéanti en volutes de fumée. Serymar ouvrit son poing pour laisser tomber de la cendre. Enfin, il conclut d’un geste que la séance était terminée. Karel avait réussi. Ce résultat lui convenait pour l’instant.

« Tu vois, quand tu veux… Karel, de nombreuses épreuves t’attendent dans le futur, à cause de cette Prophétie qui nous lie. Tu te dois de devenir au moins mon égal sur ce plan sans détruire ton âme comme moi. »

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