Chapitre 31

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Village de Var, Ouest de Weylor.




Les premiers rayons de soleil filtrèrent au travers des vieilles charpentes qui soutenaient le toit de la maison. Dessous, une petite mezzanine dans lequel se réveilla une petite fille de neuf ans. Elle émergea de sa couverture à même le sol, s’étira tout le corps, ses cheveux d’un roux cuivré en bataille.

Sans attendre, la fillette bondit de son matelas à même le sol sous les combles. Elle s’habilla dans la minute qui suivit et glissa derechef sur l’échelle de bois pour rejoindre la pièce à vivre, où un petit déjeuner avait été servi à son intention. Lya eut tôt fait de l’avaler avant de sortir.

Comme toujours à cette heure, les adultes étaient déjà fort occupés avec leur travail. Celui des parents de Lya nécessitait de se lever à l’aube, d’où leur absence dont elle ne s’était pas souciée : Var était un tout petit village coincé au fond d’une petite vallée au pied des Monts d’Onyx, bien au nord de celles-ci. La population n’était pas nombreuse, tout juste une petite centaine de personnes. Le village était protégé par des palissades de bois du côté que ne recouvraient pas ces montagnes imposantes, formant un récif dont les villageois ne pouvaient percevoir les sommets.

Lya ne s’approcha pas de cette zone : celle-ci servait d’excavation pour tout le village. La fraîcheur d’un lieu souterrain permettait de conserver bon nombre de vivres, en plus de fournir du charbon pour se chauffer, ainsi qu’une source d’eau souterraine. Il était dangereux d’y aller sans précautions, un accident pouvait vite arriver.

La petite fille se dirigea vers un bâtiment de bois où se massaient d’autres enfants de plus ou moins de son âge. Lya n’aimait pas vraiment l’école, c’était beaucoup trop calme pour elle, trop sage. Elle s’ennuyait assez vite. Si elle n’y allait pas, ses parents allaient encore la gronder. Elle prit donc sur elle comme tous les jours et pénétra dans l’école. Elle s’installa au fond de la pièce.

Une petite fille blonde s’assit à côté d’elle.

  • Salut Lya ! Tu as révisé pour cet après-midi ?
  • Salut Lyne… euh… pourquoi, on a un test ?

Lyne lui offrit avec un regard désapprobateur.

  • Lya ! Tu as encore oublié ! Tu vas encore te faire gronder !
  • Désolée… dis, tu pourras me prêter tes notes, pour réviser ? Je… je crois que je les ai oubliées chez moi…

Lyne sortit son propre matériel sur le bureau de bois. Elle avait l’habitude : Lya était une vraie tête en l’air, elle passait rapidement d’une idée à une autre et perdait souvent son attention.

L’enseignante arriva et ordonna le silence. Lya soupira discrètement : le cours n’avait même pas commencé que déjà, elle s’ennuyait. Elle réprima un soupir et sortit de quoi noter.

  • Bonjour à tous. Aujourd’hui, nous allons parler des Dragons Fondateurs. Il y a beaucoup à dire sur eux, alors je vous recommande d’être attentifs.

L’humeur de Lya s’assombrit aussitôt et décida de n’écouter que d’une oreille distraite. Elle détestait cette histoire qu’elle connaissait par cœur. Au début, tout allait bien, les Dragons avaient fondé leur pays, tout était beau, tout était bien… puis la fin : ils finirent par s’entredéchirer pour une mystérieuse raison, faisant sombrer le pays dans le chaos depuis deux cent ans. Tout le monde connaissait cette histoire. Lya détestait qu’on y entre dans les détails, même si l’enseignante s’évertuait à dire qu’il y avait beaucoup de leçons à en tirer et à appliquer dans la vie de tous les jours. La petite fille posa son crayon et se renfrogna. Elle en avait assez d’être réprimandée parce qu’elle avait un avis qui semblait différent de la majorité à propos des Dragons.

Lya sursauta quand elle se rendit compte que l’enseignante se trouvait juste à côté d’elle en la toisant d’un air sévère. Il s’était écoulé plus d’une heure et la petite fille avait été si distraite qu’elle ne l’avait pas vu venir.

  • Lya, jusqu’à aujourd’hui, tu n’as pas particulièrement démontré que tu savais retenir les leçons de tête, alors comment expliques-tu le fait que tes notes soient vides ?

Lyne afficha une expression gênée et se sentit aussitôt mal à l’aise pour sa camarade. Les autres élèves n’osèrent pas bouger. Certains firent comme si de rien n’était alors que d’autres ricanèrent sous cape. Lya demeura les jambes les mains croisées, la mine boudeuse.

  • Je n’aime pas cette histoire et je n’ai pas envie d’en savoir plus que ce que l’on sait déjà. Je ne pense pas pareil que tout le monde sur les Dragons, et j’en ai marre qu’on essaie de me faire changer d’avis !
  • Ce n’est pas toi qui décides, jeune fille.

Lya se redressa brusquement.

  • Je n’ai pas envie de passer du temps à écouter une histoire dont on connaît déjà la fin ! Elle ne m’intéresse pas et je ne veux plus jamais, jamais l’entendre !
  • Insolente, avec ça. Très bien, comme tu le souhaites. J’imagine que tu ne voies aucun inconvénient à passer ton weekend à prendre en charge les corvées de tous tes camarades pour entretenir cette salle de classe ?

Des rires peu discrets fusèrent, mais Lya demeura de marbre. Elle se rassit en soupirant d’exaspération. Elle avait envie d’exploser de colère.

La suite de la journée fut très longue. Lorsque cette torture se termina enfin, Lya partit s’isoler chez elle. Au bout d’une bonne heure, comme prévu, ses parents rentrèrent, l’air contrarié : ils étaient désormais au courant.

  • Lya, peux-tu descendre, s’il te plaît ? demanda son père.

La petite fille soupira et obéit, jusqu’à se retrouver devant ses parents.

  • C’est toujours pareil… commença sa mère. Chaque fois que nous devons nous absenter, il faut que tu sois insolente ? Ma chérie, nous ne t’avons pas éduquée comme ça ! Qu’est-ce qui t’as pris ?

La fillette serra les lèvres et les poings. Elle ne voulait pas décevoir ses parents, ni leur faire de la peine.

  • Lya, dis-nous la vérité, insista son père. Nous tenons à avoir ton avis sur la question. Tu ne penses pas que tu aurais pu simplement suivre les consignes même si elles ne te plaisaient pas, et nous en parler après ?

La petite croisa les bras. Elle n’aimait pas contrarier ses parents.

  • Je… j’ai seulement dit ce que je pensais vraiment… vous me dîtes toujours d’être honnête, alors je l’ai été. Je… je n’aime vraiment pas entendre parler des Dragons.
  • Pourquoi ça ? C’est important, il s’agit de notre Histoire à tous… s’étonna sa mère. C’est une histoire comme une autre. Si nous te demandons d’être honnête, il faut aussi que tu apprennes qu’il y a des manières de faire valoir son avis sans mal se comporter comme tu l’as fait. La prochaine fois que tu verras votre enseignante, je veux que tu t’excuses pour ton attitude. C’est compris ?

Lya baissa la tête.

  • Oui, Maman. Je le ferais.
  • Mais dis-nous, insista son père. Pourquoi cette histoire en particulier te fait réagir comme ça ?
  • Je ne sais pas si je peux vous le dire… j’ai peur de vous faire de la peine.

Ses parents l’encouragèrent. Lya hésita encore pendant un bon moment, avant de s’y plier : la vérité, rester honnête.

  • Ben c’est à cause des autres, en fait. Quand je me bagarre avec eux parce qu’ils m’énervent...
  • Lya… soupira son père.
  • Oui, je sais, ce n’est pas bien ! accorda la petite fille. Mais bon, moi j’en ai marre quand ils me disent que si je ne suis pas sage, un méchant monstre viendra me chercher pour me donner à manger aux Dragons !
  • D’où sort cette histoire ? s’étonna sa mère, surprise.
  • Je ne sais pas, répondit honnêtement Lya. Même les adultes essaient de me faire peur avec ça en disant que c’est déjà arrivé. Mais moi, je n’y crois pas du tout ! Par contre, ce qui m’énerve, c’est que chaque fois que l’on parle de l’histoire des Dragons, ça vous rend triste ! C’est à cause d’eux que vous êtes tristes !
  • Comment tu peux…
  • Ben je vous ai vu ! s’emporta Lya, sur les nerfs. L’autre fois, dans l’écurie, je vous ai vu pleurer en cachette ! Vous parliez bizarrement, je n’ai pas pu tout entendre, je sais juste qu’un méchant monstre est venu vous faire mal à cause des Dragons ! Donc, je les déteste, voilà !

Un silence pesant accueillit cette déclaration. Lya, en colère, décida de sortir de la maison pour aller calmer ses nerfs. Et après, on lui exigeait de dire tout le temps la vérité ?

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