Mémoires : huitième fragment

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Je n'imaginais pas glisser plus dans l'horreur. Pourtant, je n'avais encore rien vu.

C'est arrivé sans crier gare. Sans que je ne comprenne. Il ne pouvait pas plus m'avilir.

Un soir, il invita à la maison, un homme qu'il me présenta comme l'un de ses clients. Je savais qu'il travaillait avec sa sœur, mais ses activités n'avaient rien à voir avec la mode. Il ne s'occupait pas de chiffon. Et même s'il me tenait scrupuleusement à l'écart de ses activités, je devinais bien qu'elles n'avaient rien de légales. Il brassait bien trop d'argent pour ça.

L'homme qu'il invita ce soir-là devait avoir une cinquantaine d'années, ventre bedonnant et richement vêtu. Il s'intéressa surtout à moi, m'observant d'un regard lubrique. Je ne répondais qu'à demi-mot à ces questions, me faisant la plus petite possible pour ne pas déclencher une nouvelle colère. Ils burent beaucoup. Pour ma part, une fois la table du repas débarrassée, je m'excusai auprès de ses messieurs et m'isolai dans la chambre. Je pris un livre et finis par m'endormir.

Une main qui remontait le long de ma jambe me sortit du sommeil. La lumière était éteinte. Je ne distinguais pas très bien les traits de l'ombre qui se penchait sur moi pour mordiller mon cou tout en continuant l'exploration de ses doigts. Un malaise m'assaillit. Je ne reconnaissais ni l'odeur ni le touché de l'homme. Je tentai de me dégager, mais il m'agrippa les poignets me clouant au lit.

"Chut, reste sage, petite.

La voix de l'homme du dîner me fit l'effet d'un coup-de-poing dans l'estomac. Que faisait-il là ? Je hurlais qu'il me lâche. L'horreur de sa phrase résonna bien plus tard :

- Personne ne viendra. J'ai payé pour ton petit cul et je compte bien en profiter."

La suite s'évapora. Ma conscience quitta mon corps. Je n'étais plus là. Un moyen de protection pour que mon cerveau ne déraille pas. Quand il sortit de la pièce, recroquevillée en position fœtale, mes larmes imbibaient mon coussin. Je restais ainsi jusqu'au petit matin. Ce soir-là, le sommeil ne vint pas. La porte de la chambre s'ouvrit aux premières lueurs du jour. Il se déshabilla et s'assit à côté de moi me caressant les cheveux comme pour récompenser son chien. Ce geste, anodin, m'anéantit. Il pouvait bien faire ce qu'il voulait de moi maintenant. J'étais vide. Et il ne s'en priva pas.

Ce fut la première fois. Il ne recula devant rien lorsqu'il avait besoin de liquidité. Il passait outre sa jalousie maladive. Pourquoi ? Je ne le comprenait pas. Après tout, je lui appartenais. Il m'affichait, me vendait, me punissait, me cajolait, me soufflait le chaud et le froid. Trop honteuse d'accepter en silence, je ne risquais pas de me confier. J'étais seule, isolée comme il avait pris soin de m'emprisonner.

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