Chapitre 23

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Arrivée au bureau, retour dans ses vêtements trop grand, elle s’assit à sa table saluant German par la porte ouverte comme si de rien était. Il était au téléphone et lui fit un signe de la main doublé d’un clin d’œil qui lui arracha un sourire.

Jude déboula dans son bureau :

- Salut ma belle, on déjeune ensemble à midi, j’ai plein de trucs à te raconter sur mon week-end.

Eva sourit en pensant qu’elle aussi avait plein de « trucs » à lui raconter. Pourtant, elle savait qu’il était impossible de se confier à Jude pour l’instant. Elle ne voulait pas que sa relation avec German s'ébruite. Elle avait confiance en Jude, mais celle-ci avait une fâcheuse tendance à ne pas savoir tenir sa langue, en particulier quand elle sortait avec les collègues et qu’elle avait bu un verre de trop.

- Oui, 12h30, c'est OK pour toi ?

À cet instant, Clara entra dans le bureau sans même un regard à Eva ou à Jude. Moulée dans une petite robe blanche, courte, au décolleté plongeant, un cahier à dessin sous le bras, elle toqua à la porte de German et sans attendre de réponse entra. Eva ne put s’empêcher d’observer la scène au travers de l’ouverture de la porte. Elle vit Clara poser le carnet devant les yeux de German et de façon calculée se pencher en avant, offrant à German une vue imprenable sur sa poitrine. German posa son regard sur les seins de Clara et remonta ses yeux à hauteur des prunelles couleur noisette de la séductrice. Elle lui décocha un sourire aguicheur, et il se tourna vers la porte où Eva venait d’entrer une lueur meurtrière dans l'œil.

« M. Baxter. Dit-elle sèchement. Vous avez rendez-vous dans cinq minutes avec M. Bouchard. Il vous attend dans la salle de réunion.

Les sourcils levés, il répondit :

- Merci Eva, je vais m’y rendre tout de suite. Clara, dit-il en reportant les yeux sur la jeune femme qui lui faisait face, prenez rendez-vous avec Eva pour que l’on puisse parcourir vos planches. Eva, restez un instant s'il vous plaît et fermez la porte.

Une fois Clara sortie, Eva s’exécuta et se retourna, furibonde, bras croisés sous sa poitrine. German eut presque envie de rire tant il trouvait sa jalousie comique.

- Eva, je sais que la situation est, disons, particulière, mais ici, je reste le directeur de collection et Clara fait partie de mon équipe.

- Et tu regardes toujours tes équipières dans les yeux n’est-ce pas ?

German fronça les sourcils. Il était vrai qu’il avait effleuré des yeux le décolleté de Clara. En même temps, il n’avait pu faire autrement tant elle s’était évertuée à se positionner de façon à ce qu’il ne puisse rien manquer.

- Viens là. Dit-il en l’appelant d'un doigt.

Eva ne bougea pas, elle ne savait pourquoi elle se mettait en colère et cette possessivité n’était pas dans sa nature. Mais elle n’aimait pas cette sorte d’autorité dont faisait preuve German. S’il souhaitait s’approcher, qu'il le fasse. À sa grande surprise et dans un soupir, German s'avança, lui releva le menton de l’index et l’embrassa.

- Clara, ce n’est pas mon type, tu sais et puis, Eva, sérieusement, vu la nuit qu’on a passée ensemble hier, crois-tu vraiment que j’ai envie d’une autre fille, là tout de suite.

Eva ne répondit rien. De toute façon, elle reconnaissait qu’elle avait eu tort de réagir comme elle venait de le faire. Il n’avait pas envie d’une autre fille, « là tout de suite » très bien, mais que se passerait-il lorsqu’il se serait lassé d’elle ? Comment pourrait-elle gérer cette situation en le voyant tous les jours ? Elle se rendait soudain compte du guêpier où elle s’était fourrée. Encore une fois. Un seul regard de German et elle fondait comme neige au soleil. Elle s’était pourtant jurée de ne pas retomber dans ce piège. Son corps lui avait fait défaut, rempli de son désir pour lui et son cœur, son cœur elle ne savait pas bien.

À 14 h, quand elle revint de sa pause-déjeuner d’avec Jude, intarissable sur sa nouvelle conquête. Elle s’installa à son bureau remarquant la porte fermée de German. Celui-ci devait être en rendez-vous, car elle entendit une voix de femme. Cela lui parut étrange, car rien n'apparaissait dans son agenda. Elle se concentra sur la présentation qu’elle préparait pour le meeting de la semaine prochaine, faisant abstraction du pincement de jalousie qui serrait sa poitrine. Il fallait qu’elle reprenne confiance en elle sous peine de se transformer en mégère insupportable.

Puis la porte s’ouvrit, German en gentleman laissa d'abord passer la femme et Eva leva les yeux sur le sourire carnassier d‘une Tina Lombard satisfaite du résultat de son apparition.

Dans le dos de Tina, German vit le visage d’Eva se décomposer, se pétrifier. Sortant de son bureau, il regarda tour à tour Tina et Eva qui se dévisageaient. Il décida de briser la drôle d’ambiance électrique qui venait de s’installer en faisant les présentations.

« Mme Lombard, voici Eva mon assistante.

Tina posa le magazine qu’elle tenait sur le bureau d'Eva et lui tendit la main. Eva regarda longuement la main tendue vers elle avant de s’exécuter et de la serrer. De plus en plus mal, elle sentait la panique la gagner, lui nouer le ventre. Elliot Bouchard entra à cet instant, German fit les présentations et expliqua à Elliot que les établissements Tina’s avaient avancé leur voyage d’une semaine. Les oreilles d’Eva bourdonnaient, les mots lui arrivaient par bribe et dans le brouillard qui l'enveloppait, elle vit German raccompagner Tina à l’ascenseur. Elliot se tourna vers Eva et remarquant sa pâleur lui demanda :

- Tout va bien mon petit ?

Eva était assaillie de souvenirs lointains où Tina avait joué un rôle particulier. Elle ne pouvait pas être là par hasard. Eva en nourrissait la certitude. Son estomac se retourna et une sueur froide courut le long de son dos. Elle se leva et se rua aux toilettes Elliot Bouchard sur ses pas. German, qui observait la scène de loin, suivit Elliot et Eva, mais s’arrêta devant la porte.

« Quelque chose ne va pas, ma petite ?

- Oui…Non. Dit-elle en s’aspergeant le visage d’eau.

- Je ne comprends pas Eva ?

- Tina Lombard c’est…C’est… Elle…

- Eva, reprenez vos esprits mon petit. Dit-il en posant une main réconfortante sur son épaule.

- Tina Lombard est…est…La pire chose qui pouvait m’arriver.

- Je ne comprends pas ? Vous la connaissez ?

Elle resta muette, prostrée dans ses pensées, ses mains tremblantes appuyées sur le bord du lavabo.

- Elle est là uniquement… Je ne sais pas… Elle n’est pas seulement intéressée par Bouchard.

- Eva, je ne vous ai jamais vu comme ça…
Et comme si une idée lui était enfin venue, il dit :

- Est-elle liée à votre départ de Paris ?

- D’une certaine façon.

German qui écoutait toujours derrière la porte ne comprenait pas, quel rapport entre Tina Lombard et Eva pouvait-il bien y avoir.

- Je vois dit Elliot. Mais il y a une chance pour qu’elle ne vous ai pas reconnu. Dix ans c’est long et…

- Elle m’a vu à Paris, son intérêt pour Bouchard n’est pas anodin et a forcément un rapport avec moi.

- Eva ne paniquez pas, nous…

German n’y tenant plus, entra à son tour. Bouchard et Eva se turent et le regardèrent.

- Tout va bien ? Dit-il à Eva

Elle lui fit un sourire forcé.

- Oui, j’ai dû manger quelque chose de pas très frais. Je retourne à mon bureau.

Elle passa devant German et sortie de la pièce laissant Bouchard et German en tête à tête.

- Que se passe-t-il, Elliot ? Je n’ai pu m’empêcher d’entendre. Quel est le problème avec Tina Lombard ?

- Baxter, je déteste avoir à vous dire ça, mais cela ne vous regarde pas. Et surtout certaines choses ne m’appartiennent pas. Retournons au travail Baxter, il y a beaucoup à faire pour la conclusion de ce contrat. »

German entra dans le bureau d'Eva et ferma la porte derrière lui.

- Que se passe-t-il Eva ?

- Rien, sans doute mon repas de midi….

- Eva, j’ai entendu ta conversation avec Elliot. Qui est cette femme ?

Eva horrifiée, le regarda.

- Tu écoutes aux portes maintenant ? Dit-elle un peu plus véhémente qu’elle ne l’aurait voulu, mais ses nerfs étaient à bloc.

- Là n’est pas la question !

- Je pense qu’elle s’est présentée donc tu n’as pas besoin de ma confirmation pour son identité.

- Tu te fiches de moi. Et il hurlait plus qu’il ne parlait.

Le bureau étant vitré, tout le monde pu voir que Baxter passait un savon à Eva. Quand elle s’en aperçut Eva pris son manteau et son sac et sortit du bureau, mortifiée.

- Je prends mon après-midi. Dit-elle en laissant German planté au milieu de son bureau.

German constata les regards dirigés vers lui, certains incrédules, d'autres amusés voire enchantés. Il sortit de la pièce et vociféra.

- Le spectacle est terminé, vous pouvez retourner à vos occupations. "

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