Chapitre 28

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Le lundi matin Eva arriva en retard au bureau, la mine défaite, des cernes bleues sous ses yeux rougis d’avoir trop pleuré. Elle fut surprise que German ne soit pas encore là. Il ne donna aucun signe de vie de la journée, pas de mail, pas d’appel, rien. Eva s'inquiéta, cela n’était pas dans ses habitudes. Plusieurs fois, elle voulut lui téléphoner, mais s’en empêcha. Elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, pourquoi German changeait tout d’un coup d’attitude ? Si quelqu’un devait prendre son téléphone, c’était bien lui et elle ne s’abaisserait pas à le faire.

Le lendemain, German arriva vers 10h, un léger chaume de barbe qui le rendait encore plus sexy. Il passa devant Eva sans un regard, sans un mot et s’enferma dans son bureau tout le reste de la journée.

Plusieurs jours se passèrent de la sorte sans que German ne lui adresse la parole. Eva était dévastée. Elle se sentait de nouveau abandonnée sans personne à qui se raccrocher. Ce sentiment, elle le traînait depuis toujours et seul German apaisait ses angoisses. Un autre week-end sans lui approchait et la rendait nerveuse.

De son côté, German voyait ses cernes et ses yeux rougis. Cela ne collait pas. Si un autre homme comblait sa vie alors elle n’avait aucune raison d’être si malheureuse.

Ce vendredi soir à 17h, Eva sortit du bâtiment en compagnie de Jude, elles commencèrent à marcher et une voiture se mit au pas à leur hauteur. Eva se pétrifia lorsqu’elle reconnut Stéphane qui stoppa net et descendit.

- Bébé, dit-il en lui attrapant le bras. Monte, tu ne vas pas rentrer à pied.

Elle essaya de dégager son bras et voulut reculer sans succès. Stéphane resserra son étreinte, lui arrachant une grimace. Jude, qui regardait la scène, intervint.

- Eh, qui êtes-vous ? Et que voulez-vous ?

German, qui sortait avec son Audi du sous-sol de l’immeuble, observait la scène de loin. Il reconnut l’homme du feu d’artifice. Cependant, quelque chose clochait. Eva n’avait pas du tout l’attitude de l’amoureux transit. Est-ce qu’il se trompait ? Puis il vit Jude parler et Eva se détendre et s’installer sur le siège passager du Class S coupé cabriolet gris. Il secoua la tête, cette fille l’obsédait de façon déraisonnable, il fallait qu’il l'oublie. Son seul problème résidait dans le fait de ne pas savoir comment.

Stéphane conduisait trop vite. Elle le scrutait, hypnotisée, comme la mouche regarde la lumière de l’ampoule où elle se brûlera inévitablement. Il parlait, bavardait, comme s'ils s’étaient quittés la veille. Il posa une main sur son genou qu’elle éloigna, horrifiée par ce geste intime.

« Je t’invite boire un verre ? Dit-il souriant.

En ce moment, il était exactement celui qui l’avait séduite. Une façade qui une fois tombée laissait la place à une noirceur malveillante.

- Je préfère rentrer chez moi. Répondit-elle sèchement.

- Pourquoi ? Tu as quelqu’un ?

- Non.

Et ce n’était qu’un demi-mensonge et elle aurait, de toute façon, nié. Cet homme pensait encore avoir des droits sur elle et elle savait jusqu’où il pouvait aller pour montrer qu’elle lui appartenait. Jamais elle ne permettrait que German soit mêlé à ça. Elle se reprocha intérieurement d'être monté dans cette voiture. Sa colère contre elle-même gonfla dans sa poitrine. Elle cria presque :

- Arrête-toi !

Stéphane n’obéissant pas à son injonction, elle cria plus fort.

- J’ai dit arrête toi, tout de suite !

Le rire de Stéphane emplit les airs et Eva qui détestait ce son, sachant qu’il ne présageait rien de bon, se tut.

- Quel tempérament bébé ! Tu ne dois plus être aussi froide qu’avant.

L’insinuation sonna grossière. Elle voulut lui jeter que maintenant elle comprenait qu'il était seul responsable de n'avoir pas su s'y prendre, mais elle ravala sa réflexion, très peu encline à déclencher sa colère. Arrivés au bas de son immeuble, Eva se rendit compte qu’il savait où elle habitait. Cette découverte lui glaça le sang. Elle ouvrit la porte et sortit du véhicule aussi vite qu’elle pu sans même se retourner, sans un mot. Le rire de Stéphane Lombard l’accompagnant jusqu’au hall d’entrée.

Le lundi matin German croisa Jude dans le couloir menant à la salle de réunion.

- Mlle Lowel, est-ce que je peux vous parler ?

- Oui, bien sûr M. Baxter.

Ils entrèrent tous les deux dans la salle de réunion.

- Ma question va peut-être vous sembler étrange, mais vendredi, j’ai vu qu'Eva partait avec un homme. Je voulais juste savoir si vous saviez qui il est ?

Jude eut un sourire en coin. M. Baxter jaloux. Tiens donc.

- Non pas du tout. Par contre, pour vous rassurer, Eva ne semblait pas ravie de le voir. J’ai même pensé un instant qu’elle aurait préféré le fuir.

- Ah !

- M. Baxter, si je peux me permettre, avez-vous bien regarder Eva ses derniers jours ?

Il ne répondit pas, cette conversation devenait trop personnelle et cela ne lui plaisait pas. Sa curiosité avait pris le pas sur son professionnalisme et il s’en voulait.

- Écoutez, M. Baxter, Eva est mon amie et je l’ai rarement vu dans cet état. D’abord, je ne l’avais jamais vu se laisser approcher par un homme et a priori, vous êtes celui qui êtes arrivé à faire sauter ses barrières, qu’elle sorte de sa longue abstinence et enfin, je ne l’avais jamais connu si malheureuse. Pourtant, elle n’est pas spécialement portée au bonheur. Alors à mon avis plutôt que de m’interroger moi, il faudrait peut-être que vous ayez une discussion tous les deux.

Sur ce Jude quitta la pièce et laissa German planté là ses mots résonnant dans sa tête.

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