Chapitre 12

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Le chemin qui menait aux écuries était long et tortueux. D’autant plus que Lyra s’était trompée quatre fois de virage. Mais elle s’en délectait. L’air frais la réveillait petit à petit et elle pouvait ainsi profiter du calme des jardins avant la folie générale que connaissait le château dans ces heures moins matinales. Les arbres, dans leurs plus simple atours, lui indiquaient la voie de leurs bras secs et dénudés. Les fontaines glougloutaient docilement tandis que deux écureuils jouaient à faire des roulades sur l’herbe humide. La jeune femme s’amusa à les regarder avant de repartir, tout en replaçant convenablement son épaisse cape de coton.

Après une bonne dizaine de minutes, Lyra entendit au loin un hennissement rauque. Heureuse que sa chasse au trésor prenne fin, elle suivit le bruit qui la mena à sa gauche, derrière un grand mur de lierre.

L’écurie, bien qu’assez simple, était tout à fait charmante. De grandes poutres en bois sombres formaient la structure principale, recouverte de chaume, de pierre et d’un peu de marbre pour rappeler l’appartenance royale du bâtiment. Les chevaux, installés dans de spacieux boxes, se faisaient face dans des rangées parallèles. Lyra ne fut pas étonnée de la propreté ambiante. Elle se doutait qu’au château rien n’était mis de côté et surtout pas le bien être des équidés, animaux favoris de la reine Thelma, à ce qu’on disait.

À l’approche de Lyra, une tête sortit de l’embrasure des portes d’un des boxes. Un magnifique cheval à la robe palomino et aux yeux noisettes. Ses crins ressemblaient aux cordes d’un violon, parfaitement coiffés, et ses poils avaient la couleur d’une délicieuse crème brûlée. D’abord surpris, l’animal releva la tête fièrement tout en regardant d’un œil suspicieux cette nouvelle arrivante.

  • Hey, bonjour, je me souviens de toi ! Et mon derrière aussi, je n’avais pas fait une chute aussi stupide depuis bien longtemps, ironisa Lyra.

Tout en s’avançant, elle lut l’étiquette placée sur la porte.

  • Stardust ! Drôle de nom pour un cheval. En tout cas tu es sublime, ma belle.

Elle caressa la puissante tête de l’animal. La jument devait certainement son nom à l’étrange tâche blanche en forme d’étoile sur son front, qui semblait s’éclater et se répandre en plusieurs petits points blancs le long du chanfrein jusqu’aux naseaux.

Comme de la poussière d’étoile.

Derrière Lyra, les chevaux se mirent à s'ébouriffer à l’unisson et sortirent la tête de leur boxe.

  • Je croyais que vous n’aimiez pas les chevaux ?

Le Renard doré venait d'entrer dans l’écurie, un licol dans une main et un seau rempli de pomme vertes et rouges dans l’autre. C'était la première fois que Lyra le voyait habillé si simplement. Une chemise marron, un pantalon en lin et de hautes bottes de cuir. Sans prétention aucune. D’ordinaire, il portait son insigne de chef de la garde et sa cape avec les armoiries royales. Même ses cheveux roux semblaient plus ébouriffés qu’à l’accoutumée.

Lyra avait remarqué que, bien qu’il portât continuellement son masque doré cachant l’intégralité de son visage, l’homme masqué ne dissimulait pas ses cheveux, même pas sous une capuche.

Il avait les cheveux roux, mi-longs sans doute, mais comme il les attachait toujours en queue de cheval basse, elle n’en était pas sûre. Et vraisemblablement ses cheveux lui donnaient du fil à retordre, car ils rebiquaient constamment. Cela contrastait avec son image de jeune chef de la garde parfaitement lisse, parfaitement parfaite.

  • Je n’ai jamais dit que je ne les aimais pas. J’ai dit que j’étais la pire cavalière que tout Ambrume n'ait jamais connue. Mais j’ai toujours beaucoup aimé les chevaux. Ce sont des animaux puissants, et pourtant, ils peuvent se montrer si peureux, je trouve ça adorable.
  • Je vois.
  • Vous n’êtes pas un grand bavard n'est-ce pas, Monsieur le Renard doré ?
  • En effet, je ne le suis pas. Mais c’est drôle, quand vous m’appelez comme cela, je trouve votre ton condescendant.
  • Oh, et moi qui essayait de le cacher.

Il leva les épaules. Les moqueries de Lyra ne semblaient pas l’atteindre. Au contraire, il avança jusqu’à elle. Ses grandes jambes élancées ne mirent pas longtemps à effacer la distance entre les deux jeunes gens. Bientôt ils se faisaient face, si proches qu'elle voyait son propre reflet dans le masque. Il passa sa main sur le côté gauche de Lyra, l’obligeant à reculer d’un pas. Mais son dos rencontra vite une des poutres qui solidifiaient l’écurie. Elle était acculée, et lui ne cessait de se rapprocher dangereusement.

Clic.

Le Renard doré ouvrit la porte du boxe et s’y engouffra avec tout son attirail.

  • Vous étiez devant le verrou.

Lyra, toujours adossée, respira un grand coup, essayant de retrouver son calme et la couleur initiale de ses joues.

  • Je crois que l’on n’est pas parti du bon pied tous les deux. Vous m’avez dit des choses horribles mais, de mon côté, je n’ai pas été un ange non plus. Et vu que je reste encore quelques jours au château, on risque de se revoir souvent.

Le Renard doré brossait pensivement le cou de la jument.

  • Je ne veux pas être ce genre de personne. J’aimerais que l’on fasse la paix et que l’on recommence du début.

Il arrêta son mouvement répétitif.

  • Je suis d’accord. Je n’ai pas été élégant ce soir-là. Je vous prie de bien vouloir m’excuser. Recommençons depuis le début alors.
  • Très bien ! Je m’appelle Lyra Merryweather, fille du seigneur de l’est de Rivermoore, ravie de faire votre connaissance. Et vous pouvez simplement m’appelez Lyra, déclara la jeune femme en tendant vers l’homme masqué une main acceuillante.
  • Je suis le chef de la garde du palais de Silverthrown. Vous pouvez m’appelez Renard si vous le souhaitez, dit-il en empoignant la main en face de lui.
  • Vous savez que c’est tout aussi particulier de vous nommer ainsi, plaisanta Lyra.
  • Je sais, mais c’est toujours plus court que “Monsieur le Renard doré”. Et puis vous l’avez dit vous même. On risque de se revoir souvent.

Après ces présentations courtes mais pour le moins nécessaires, Lyra aida le Renard doré pour le pansage de Stardust. Elle s’était souvent occupée des chevaux chez elle, Enora lui ayant tout appris, et le chef de la garde sembla le percevoir dans la manière d’agir de la conteuse. Il ne s’embêta pas à lui expliquer quelle brosse passer sur quelle partie du corps. À deux, le travail se termina rapidement et, alors que Lyra récompensait le cheval avec une pomme juteuse coupée en quartier, le Renard doré nattait minutieusement la crinière et la queue de la jument.

  • Vous m’avez déjà beaucoup aidé, Lyra, et je vous en remercie. Mais si cela vous dit, je m’apprête à promener Stardust au licol, voulez-vous vous joindre à nous ? Promis, il n'est pas question de monter en selle.

Mais c’est que le rigide chef de la garde faisait de l’humour ! Lyra était contente de s’être réconciliée avec lui. Finalement, il n’avait pas l’air d’être un mauvais bougre. Seulement un grand timide. L’homme semblait se détendre petit à petit et le ton de sa voix, qui habituellement restait le même, se parait maintenant d’une multitude de vibrations.

La balade débuta derrière l’écurie. Un fin ruisseau entouré d’orties, festin de roi pour un cheval, slalomait le long de la colline sur laquelle trônait le château. Les deux jeunes gens, suivis de prêt par la jument, sortirent donc des abords du palais pour s’engouffrer dans la forêt voisine. Le parcours formait une large boucle passant à travers la forêt, les champs, puis il ramenait la petite troupe au château par une porte dérobée.

Contre toute attente, Lyra apprécia grandement la promenade. Et revoir la verdure de la forêt et les champs lui avait rappelé sa maison. Ce n'était pas qu’elle commençait à avoir le mal du pays, mais sa famille lui manquait.

Le Renard doré et elle ramenèrent Stardust dans son box et, alors que Lyra repartait vers ses appartements, l’homme masqué s’éclaircit la gorge. La jeune femme se retourna, étonnée, pensant que leur interaction était terminée.

  • Je suis… Enfin je crois que Stardust est heureuse d’avoir fait cette balade avec vous. Et elle ne vous en veut plus pour le trajet pour le moins périlleux de la dernière fois.

Lyra, un sourire au lèvre, caressa une dernière fois la tête de la jument puis reporta son attention sur le masque d’or.

  • Vous pourrez lui dire que moi aussi j’ai été ravie de me promener avec elle et je suis soulagée que nous soyons réconciliées, lança-t-elle, le regard espiègle.

Elle se tenait face au Renard doré et remarqua qu’il n’était presque pas plus grand qu’elle. Pour une raison inconnue, cela lui procura un sentiment de puissance. Prendre conscience que cet homme, qui lui faisait froid dans le dos il y a peu, n'était pas si imposant, lui donna envie de jouer.

Lyra s'approcha à pas lent. Elle planta son regard dans les deux fentes sombres du masque où se trouvaient, vraisemblablement, les yeux du Renard. La jeune femme se tenait à présent si proche du chef de la garde qu’elle sentait sa poitrine frôler le torse de l’homme à chaque respiration. Ce dernier bien que complètement décontenancé par la soudaine proximité de la conteuse ne bougea pas, si ce n’est qu’il courba légèrement le dos pour essayer de rétablir une distance convenable entre leur deux corps.

Toujours dans son jeu, Lyra tendit la main puis vint la déposer délicatement sur le masque doré au niveau de la joue gauche. Du pouce elle essuya tendrement une tâche qui était là depuis son arrivée au écuries. Elle le fixa une dernière fois puis, la voix enjôleuse, elle lança avant de partir en direction du château:

  • Vous aviez une tâche ! Bonne journée.

Une fois seul, ce fut au tour du Renard doré de souffler un grand coup. Que venait-il de se passer ?

Il se toucha les oreilles. Elles lui brûlaient affreusement. Son visage aussi, semblait être en proie aux flammes de l’enfer. N’y tenant plus et vérifiant aux alentours que personne n’entrait dans l’écurie, il retira son masque, dévoilant son visage aux chevaux et aux oiseaux de passage. L’air frais emplit ses poumons en même temps que l’odeur de la paille fraîche.

Le soir encore il pensait à ce moment dans l’écurie, les yeux ambrés perçant de Lyra hantant ses cauchemars. Sa poitrine tout contre son torse. Sa peau caramel tout contre ses lèvres.

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