Chapitre 17

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Il ne s’était jamais réveillé aussi reposé depuis… depuis toujours, en réalité. Il faisait tellement chaud sous ses couvertures. Il n’avait aucune détermination pour s'échapper du doux câlin de son édredon, et encore moins l’envie.

Landry, le seul domestique et ami qui connaissait le vrai visage du Renard, entra dans la chambre, un chariot en argent devant lui. Une délicieuse odeur de croissant chaud et d'infusion pomme-cannelle embauma la pièce. Le bel au bois dormant sortit tout juste le bout de son nez afin d’imprégner toute son âme de ce succulent arôme.

  • Ça y est tu es réveillé ? demanda Landry, étonné et surtout rassuré.
  • Et je n’ai jamais aussi bien dormi. Mais c’est drôle, je ne me souviens pas de la fin du bal, j’ai certainement abusé du champagne. Pourtant ça ne me ressemble pas. Il faut croire que je me suis bien amusé pour une fois. Ouch !

En s’asseyant pour prendre la tasse de thé que lui tendait Landry, le Renard fut pris d’une fulgurante douleur à la tête. C’est alors qu’il remarqua la présence d’un bandage enroulé tout autour de son crâne.

  • Justement à propos du bal…, commença Landry en se frottant le cou, signe évident de son embarras.

Le Renard doré n’en croyait pas ses oreilles. On lui avait tiré dessus, au sein même du palais. Il avait mis la vie de Lyra en danger ainsi que la sécurité des reines. Mais qu’est-ce qui lui arrivait ? Ces derniers temps, le chef de la garde enchaînait les bourdes. Même ses soldats parvenaient à le mettre en difficulté lors des entraînements. Il était primordial pour le bien du royaume qu’il se ressaisisse, et vite.

  • C’est la demoiselle Merryweather qui t'a porté jusqu’au château. Une vraie chevaleresse servante. Elle a d’ailleurs été remerciée comme il se doit par leurs Majestées. Elle est devenue une vraie héroïne à la Cour. Après ça, elle t’a plusieurs fois rendu visite.
  • Attends, plusieurs fois ? Mais j’ai dormi combien de temps ?
  • Oh tu sais, le temps c’est abstrait ce truc là…
  • Landry !
  • Ouais, bah cinq jours à peu près, et crois moi c’était coton de te laver tous les jours, tu faisais aucun effort.

On toqua trois fois à la porte. Trois coups secs et bien distincts qui mirent fin à la discussion des deux amis.

  • Landry, c’est Lyra est-ce que je peux rentrer ?

Landry s’approchait de la poignée mais le Renard doré le stoppa net et plaqua sa main contre sa bouche.

  • Pas un mot, je suis pas… convenable, chuchota le Renard. Ne lui dit rien sur mon réveil.
  • Je peux simplement lui dire de partir, tu sais ?
  • Non ce serait trop étrange. Fais comme d’habitude puis va prévenir Thelma et Ellyana.

Le Renard doré se recoucha prestement. De son jeu d’acteur le plus convaincant, il se remit dans son rôle de grand blessé inconscient.

Landry, agacé par son idiot d’ami, ouvrit la porte à Lyra tout en la saluant.

  • Bonjour Landry, comment allez-vous ?
  • Je vais aussi bien que possible Mademoiselle Merryweather, je vous remercie de me le demander! Et vous, comment vous portez-vous ?
  • Par pitié Landry, je viens ici depuis presque une semaine et vous êtes toujours aussi protocolaire. Appelez moi simplement Lyra, je vous en prie.
  • Bien, Mademoiselle Lyra.

La jeune femme poussa un soupir.

  • Va pour Mademoiselle Lyra, c’est toujours ça de pris.

Finalement, elle porta son attention vers le grand lit à baldaquin où reposait le chef de la garde.

  • Toujours aucune avancée quant à son état ?

Landry hésita un instant avant de répondre par la négative. Il prétexta ensuite qu’il devait aller chercher de l’eau chaude pour le thé. Lyra allait lui faire remarquer que le thé était déjà servi avec son eau mais le domestique avait disparu. Avec une aisance déconcertante, elle s’assit au bord du lit, prenant soin de ne pas écraser les pieds du convalescent.

  • Bonjour, comment allez-vous aujourd'hui ?

La conteuse venait chaque matin depuis le bal. Et chaque matin, elle lui parlait, sans attendre de réponse.

  • Je sais que vous n’allez pas manger votre petit-déjeuner alors vous ne m’en voudrez pas de vous retirer le pain de la bouche. Landry fait un thé à se damner.

Elle se tut un instant. Il en conclut qu’elle devait boire une gorgée de la boisson chaude.

  • Vous ne le savez certainement pas, mais vous manquez à beaucoup de personnes. Lady Blonde est au bord de la crise de nerfs, tout comme vos nombreux admirateurs, ricana Lyra. Vos soldats aussi, ils sont perdus sans vous. D’ailleurs Alphonse et Damien m’ont donné cette lettre pour vous. Ce sont des mots d'encouragement de toute la garde. J’ai commencé à leur rendre visite pour les tenir au courant de votre état. Vous avez fait un sacré travail avec eux, leur entraînement est impressionnant.

La voix de la jeune femme s’étrangla.

  • Je suis désolée. Pour tout. Si je ne m’en étais pas pris à vous ce soir-là, si je n’avais pas détourné votre attention vous ne seriez pas…

Elle s’éclaircit la gorge.

  • Si je suis venue ce matin, outre pour votre discussion éloquente, plaisanta-t-elle comme pour détendre l'atmosphère, c’est pour vous rendre ceci. Leurs Majestées ont demandé à ce que l’on vous en forge un nouveau. Je le mets sur votre commode, comme ça quand vous vous réveillerez, il sera là.

Le Renard entendit Lyra se lever et poser un objet lourd.

  • Je ne sais pas pourquoi vous vous cachez derrière ce mur doré. Et je ne vous poserai pas la question. J'aimerais que cela viennent de vous. D’ailleurs, je rentre chez moi après-demain, mes parents ont fait une crise de nerfs quand ils ont appris ce qui est arrivé. Je dois les rassurer.

Le Renard sentit qu’elle se rapprochait de lui. Son parfum si caractéristique de lavande et de miel chatouillait ses narines. Elle passa une main sur son front.

  • Votre fièvre a du mal à tomber… Les médecins ont dit que c’était normal, mais quand même. Si seulement vous pouviez vous réveiller avant que je ne parte. Simplement pour me rassurer. Vous êtes bien cruel, Monsieur le Renard doré.

La jeune femme replaça une mèche rousse avant de se diriger vers la porte.

Le froissement des draps. Le bois du lit qui craque. Elle s’arrêta instantanément.

  • Humm, bonjour.
  • Alors vous, vous êtes bien payé ma tête ! s’exclama Lyra, folle de joie de reconnaître enfin la voix qu’elle désepérait tant de ne plus jamais entendre.

Elle se retourna vers le lit, prête à constater qu’elle ne rêvait pas, avant de pousser un cri de surprise et de cacher son visage derrière ses mains.

  • Vous êtes tout nu !

Le Renard, qui s’était relevé en position assise, n’avait pas remarqué que les draps avaient glissé de son torse. Il se recouvra précipitamment.

  • Je ne suis pas nu ! J’ai un pantalon, je vous assure !
  • Je n'irai pas vérifier, rit Lyra à s’en tenir le ventre, les larmes aux yeux.

La chambre était redevenue silencieuse. Les deux jeunes gens se regardaient sans dire un mot. Finalement Lyra tendit le masque doré au chef de la garde tout en se cachant de nouveaux les yeux.

  • Vous ne voulez sans doute pas que je vois votre visage.
  • Si vous voulez mon avis, vous en avez déjà assez vu, plaisanta le Renard.

Lyra rougit, plus pour le soudain trait d’humour du jeune homme, qui lui donnait un certain charme, que pour la vue de son corps dénudé. Néanmoins, les entraînements de soldats faisaient naître des muscles saillants. Et ceux-ci en particulier étaient aussi marqués que le visage de leur propriétaire.

  • Un jour, je vous en parlerai, affirma le Renard en prenant des mains de Lyra le masque.

Deux tornades entrèrent en trombe dans la chambre. Les reines Thelma et Ellyana encerclèrent le Renard doré de leurs bras protecteurs, chacune d’un côté du lit.

  • Mon chéri ! Tu es réveillé ! On s’est tellement inquiétées, pleura Ellyana avant de le couvrir de baisers sur le front.
  • Ne nous refais plus jamais une telle frayeur, s’emporta Thelma en lui donnant une petite tape sur l’arrière du crâne.

Les deux reines remarquèrent bien après la présence de Lyra, trop préoccupées par l’état de santé de leur protégé.

  • Je crois que je ferais mieux de vous laisser, s’enquit Lyra ne sachant pas comment réagir face à cet élan d’affection.

Du bout des lèvres, le Renard doré murmura:

  • Je vous expliquerai ça, aussi.

La nouvelle du rétablissement du chef de la garde fit rapidement le tour de la capitale. Le château vivait une renaissance. Les bruits de couloirs étaient de plus en plus nombreux, joyeux et de moins en moins discrets.

Le Renard doré ne manqua pas de faire une déclaration publique, rassurant la population sur sa situation. En interne, il réunit l’entièreté de la garde et leur donna ses ordres pour renforcer la sécurité de la famille royale. Un assassin était en liberté et il pouvait frapper à tout moment. Et tout cela, il le fit le jour même de son réveil.

Des mesures furent prises. On ne pouvait ni entrer dans l’enceinte du château ni en ressortir sans passer un examen complet. Des gardes étaient placés aux quatre coins des couloirs, jardins, cuisines et même douves. Une atmosphère pesante prit place et rendait tout le monde méfiant. Alphonse et Damien furent choisis pour devenir la garde rapprochée des deux souveraines. Fières comme des paons de cette soudaine promotion, ils ne manquaient pas de lancer des clins d'œil à Lyra. Ils savaient que la jeune femme avaient vanté leur mérite auprès de leur chef. Après tout, c'était eux qui avaient permis aux soldats de garder la tête froide et de rester sur le qui-vive en attendant le retour du Renard doré.

Deux jours passèrent, et il fut temps pour la conteuse de Rivermoore de rentrer chez elle.

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