Chapitre 31

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  • Je sais ce que vous faîtes là Lyra, déclara Lysandre.

-§-

Lyra n’avait pas bougé de sa chambre toute la journée. Trop honteuse pour se montrer face à Jude de Lior. Mais surtout elle avait besoin de l’atmosphère particulière de la nuit pour mener à bien son plan, alors tant que les étoiles n'apparaîtraient pas, elle ne sortirait pas. Elle avait besoin du voile de fragilité, vaporeux et brumeux qui s'abattait sur les sentiments humains dès que la lune était haute dans le ciel.

Contre toute attente elle n’eut même pas besoin de sortir, car celui qu’elle allait manipuler venait de lui-même à elle. Le duc de Lomond frappa trois coups distincts, il s’annonça et attendit poliment qu’on lui donne la permission d’entrée. Ça changeait d’un certain Renard.

Il demanda d’abord comment elle se portait et si elle se sentait mieux. Lyra, pour échapper à cette journée, avait simulé un mal de ventre et une soudaine fièvre. On l’avait donc laissé se reposer, seule une domestique était passée pour déposer au pas de la porte un plateau cuisiné par Antonio, le chef cuisinier. Un pur régal. Bientôt ses plats lui manqueraient énormément. Rien qu’à cette pensée, Lyra se dit que voler quelques choux à la crème ne serait pas une si mauvaise idée.

  • Je suis toujours un peu nauséeuse mais je me sens mieux, menti-t-elle. Je vous remercie pour votre sollicitude Lysandre, elle me fait chaud au cœur.
  • Écoutez, si je suis là c’est avant tout pour comprendre et pour cela j’aimerai que vous soyez honnête avec moi. La plus honnête possible, même si ce que vous me dîtes viendrait à me blesser.

Lyra pencha la tête et fronça les sourcils, perplexe.

  • Je sais ce que vous faîtes là Lyra, déclara Lysandre. À Polaris je veux dire.

Plusieurs fois la jeune femme avait soupçonné le duc d’avoir compris son double jeu. Pourtant à l’instant présent elle n’en était plus si sûre. Quelque chose dans l’attitude de Lysandre lui indiquait qu’il se méprenait.

D’où lui venait cette soudaine assurance ?

Elle ne l’empêcha pas de poursuivre, au contraire, elle voulait connaître son hypothèse.

  • J’ai bien compris pendant le repas, hier, les sentiments qui vous attachent au Renard Doré. J’ai vu que vous tentiez d'attirer son attention et la façon dont vous le regardiez. C’est pourquoi vous êtes venue en avance à Polaris sous couvert de votre titre d’Ambassadrice des arts pour être seule avec lui, loin de votre royaume.

Lyra avait envie de rire. Jamais il n’avait été aussi loin de la réalité. Bien au contraire, le repas de la veille avait été un enfer, elle avait fait tout son possible pour ne pas regarder le Renard.

  • Je ne dirais pas que je suis jaloux mais je pensais qu’il y avait une certaine alchimie entre nous. Et bien que je comprenne que des individus puissent aimer plusieurs personnes en même temps, ce n’est pas mon cas. Après la nuit dernière, où non étions très proches j’ai cru que … mais j’ai dû me tromper.
  • Effectivement Lysandre vous vous trompez mais pas sur ce que vous imaginez. Je ressens aussi cette attirance entre nous. Et j’aimerai que nous devenions plus que des amis. Vraiment. Depuis le bal, je ne pense qu’à vous. Vous êtes même le héros d’une de mes histoires. Il n’y a rien entre le Renard doré et moi. Et il n’y aura jamais rien, croyez-moi s’il vous plaît, souffla-t-elle tout en passant la main sur sa joue. J’ai été aussi surprise que vous quand j’ai découvert que c’était lui l’invité de son Altesse.

La joue de Lysandre était froide et dure comme de la pierre. Bien loin de l’étreinte chaleureuse de Kayden. Lyra chassa vite cette pensée intrusive de son esprit.

  • Mais vous avez raison, pour vous prouver mes sentiments je dois être honnête avec vous.

Elle respira profondément, ce qu’elle allait lui révéler semblait lui coûter. Lysandre remarqua qu’elle se frottait les doigts d’inconfort, les yeux perdus dans le vide. Alors il posa une main amicale sur les siennes pour obtenir son attention.

  • Je peux tout entendre.
  • Très bien.

Elle se redressa, le port de tête digne. Et alors elle lui expliqua son histoire. Toute son histoire à elle. Les liens qu'entretenaient sa famille avec l’ancien roi Childéric III, leur déchéance depuis le coup d’état de Thelma, leur problème d’argent, son entrée en tant que conteuse à la cour royale, puis la trahison de son père envers la couronne et enfin son emprisonnement et sa peine de mort. Toute cette partie était la pure vérité. Le mensonge venait après.

Elle lui raconta avoir été obligée de devenir espionne à la solde des reines pour sauver son père de la potence. Qu’elle en voulait à Thelma et Ellyana pour leur cruauté après lui avoir fait miroiter un nouveau rang et une nouvelle richesse à sa famille. Et surtout qu’elle voulait les faire souffrir comme elles avaient fait souffrir les Merryweather. Elle serait une espionne, mais pour le camp adverse.

Mais plus Lyra mentait et plus elle était en colère, plus ses mots devenaient durs et tranchants. Ni avait-il pas un peu de vérité, enfouie au fond de son cœur. N’en voulait-elle pas réellement à ses reines après tout ce qu’elle avait fait pour elles ?

  • Et donc comme mon père, j'aimerai que Childéric reprenne le trône d’Ambrume. Je me dis qu’ainsi ma famille serait sauvée de la ruine, du déshonneur, … et de la mort. Dans ses lettres, mon père a communiqué avec des personnes haut placées à la cour d’Aldonya. Mais je ne sais pas vers qui me tourner. Le palais est bien trop grand et les nobles bien trop inaccessibles. Oh Lysandre je suis perdue et épuisée, se lamenta-t-elle en se prenant la tête dans les mains.

Elle était plus douée pour incarner une héroïne dramatique qu’elle ne le pensait. Lyra s’attendait à ce qu’il la prennent dans ses bras, qu’il la réconforte, comme l’aurait fait un amant en voyant la femme qu’il aime en plein désespoir.

Il n’en fit rien.

Au contraire, il posa son pouce sur le menton de la jeune femme, de sorte qu’elle ne puisse échapper à son regard glacial. Il approcha ses lèvres à quelques centimètres du visage de Lyra. Un rictus barra son visage pâle.

  • Je sais comment vous venir en aide ma chère car c’est la première ministre qui est à la tête de cette rébellion contre la reine Thelma.
  • Votre mère ? Pourquoi ? Et son Altesse Jude est-iel au courant ?
  • Tout simplement parce que ma mère est la sœur aînée de Childéric, ne vois-tu pas l’air de famille, dit-il en exposant son profil tel une statue. Quant à son Altesse, iel n’est bien évidemment pas au courant. Trop jeune, trop lâche et surtout trop égoïste pour penser à quelqu’un d’autre que sa propre personne.

Pour avoir vu certains portraits de l’ancien roi dans des livres d’histoires ou même sur des objets témoignant de son règne passé, non Childéric et son neveu le duc de Lomont n’avait aucune ressemblance physique. L’un était imposant, fort, le visage patibulaire, tandis que l’autre était fin, pas bien grand, un visage mystérieux mais doux à la fois. Et si Childéric avait les yeux noirs et les cheveux roux tirant sur le gris dû à son âge, Lysandre avait des yeux de cristal bleu et des cheveux noirs corbeaux. Tous les opposants. Enfin presque tout.

  • Si je te fais rencontrer ma mère, me promets-tu de rester à mes côtés pour toujours ? Me promets-tu de ne plus jamais me mentir ? Mais surtout me promets-tu que tout ce que tu viens de me révéler est la seule vérité ?
  • Je te le promets.

Et ils scellèrent cette promesse par un baiser.

Lyra n’a jamais croisé si fort les doigts dans son dos de toute sa vie.

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