Chronique d'un soir lunaire
Hier soir, le ciel était d’un noir profond, un de ces noirs qui ne pardonnent pas aux lampadaires. Alors, j’ai éteint les miens : le téléphone, la radio, jusqu’à l’ampoule du couloir. J’ai ouvert la fenêtre, et je l’ai vue, la lune.
Elle n’avait rien d’exceptionnel, un simple croissant suspendu dans l’air, mais elle me regardait droit dans les yeux, comme si elle s’était donné rendez-vous avec moi.
- Tu sembles fatigué , m’a-t-elle dit sans ouvrir la bouche. Sa voix ressemblait à une brise.
Je n’ai pas su quoi répondre. Alors, comme un enfant pris en faute, j’ai demandé :
- Et toi ? Tu n’es jamais fatiguée d’éclairer nos nuits ?
Elle a ri doucement. « Je ne fais que refléter la lumière des autres. Et toi ? Combien de temps passes-tu à refléter les attentes des tiens ? »
Un silence. Elle m’avait percé à jour.
Je lui ai parlé alors de mes doutes, de mes projets laissés en plan, de ces journées qui se ressemblent trop. La Lune m’écoutait. On aurait dit une vieille amie qui connaît déjà mes secrets.
« Tu n’as pas à tout réussir », m’a-t-elle soufflé. « Tu n’as qu’à essayer. Je me lève chaque soir, même quand les nuages m’effacent. Je sais que je reviendrai. Toi aussi, reviens, même si on t’oublie un moment. »
Et puis, aussi vite qu’elle était venue, elle s’est mise à glisser derrière les branches d’un manguier. Je l’ai perdue de vue.
Il ne restait qu’une nuit ordinaire. Mais j’avais le sentiment d’avoir reçu une confidence, un secret partagé à voix basse.
Alors ce matin, j’ai écrit ces lignes. Pour ne pas oublier que la Lune m’a parlé. Et qu’elle m’a dit : « Reviens toujours. »
Elchal

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