Jeudi 23 Août 2012

6 minutes de lecture

Nous retrouvons un François tout sourire devant la salle des fêtes et il n'est pas seul. Une superbe femme se tient à ses côtés, ils forment un couple assez atypique, lui de taille moyenne, un peu trapu, blond comme les blés aux yeux marrons, un vrai rugbyman et elle, très grande, presque un mètre quatre vingt dix je dirais, très élancée, les cheveux noirs, des yeux bleux foncés, très typée slave, et je me dis sur le moment qu’elle devait toucher sa bille au basket ou au volley.

- Clémence, Justin, vous avez passé une bonne nuit?

- C’était parfait, François, et je dois dire qu’on en aurait bien profité plus longtemps… Merci pour les bières, le vin et le cassoulet, tu avais raison, le meilleur du monde.

- Ah, je suis flatté… Je vous présente ma compagne, Marinka. Ça ne vous dérange pas qu’elle nous accompagne?

- Pas du tout, au contraire. Mais vous avez l’air vraiment chargés tous les deux pour une simple journée. Juss, t’en dis quoi?

- Hein? De?

- Laisse tomber. Marinka, je crois que Justin est ravi que tu nous accompagnes…

- Ouais, enchanté également…

- Merci Justin…

- On a pris quelques provisions pour la journée, enfin pour le repas de ce midi. Et quelques cadeaux aussi…

- Vous avez pas l'impression d’en avoir assez fait pour nous?

- C’est rien, je vous l’ai dit… Je vous offre ce que j’aimerais recevoir si j’étais à votre place.

- Allez en route sinon on va attrapper un coup de chaud…

- Un de plus pour Justin!!!

- Bon on va immédiatement mettre fin aux moqueries… François, ne te vexe pas surtout… Marinka, je te trouve magnifique, tes yeux, ton regard, et tout le reste aussi, voilà, c’est dit…

- Ben t’es pas en reste non plus avec Clémence…

- Ah!!! Non!!! Y’a erreur là… On est pas du tout ensemble… Non, non, non!!!! Il est pas… On est pas ensemble en fait… Enfin… On l’a été mais il y a très longtemps…

- Désolé… Je pensais que… On aurait dit…

- Y’a pas de mal… Je sais qu’elle est folle de moi, mais, j’ai d’autres prétentions…

- Connard!

- Bon … Heu… En route, allez…

Dans la joie et la bonne humeur de ce début de journée, nous enfourchons nos vélos et nous mettons en route pour l’étape du jour en direction de Bugarach, même si le dénivelé ne sera pas aussi important que la veille, le profil reste vallonné et quelques longues côtes nous attendent, d’autant que nous avons choisi d’éviter au maximum les portions goudronnées pour cette journée pour privilégier les chemins de terre.

Nous contournons le Roc Rouge et la crête depuis laquelle le château veille encore sur nous pendant plusieurs kilomètres, puis nous prenons la direction de Soulatgé, que nous éviterons pour rejoindre Cubières-sur-Cinoble, puis Camps-sur-l’Agly et le sentier Cathare Nord qui nous emmènera au pied du Pech de Bugarach que nous contournerons par le nord, pour rejoindre le village et son maire qui nous attends pour nous accompagner sur les lieux de notre bivouac.

Rouler à quatre sur les portions bitumées, même si la circulation est plutôt parsemée, représente un exercice périlleux et nous devons rester extrêmement vigilants pour éviter un accident. La compagnie de François et Marinka est agréable, nous prenons ainsi le temps de discuter, d’échanger avec eux lorsque l’effort nous le permet. Nous apprenons ainsi que Marinka est Franco-Russo-Finlandaise, elle est née à Oslo, d’un père Russo-Finlandais, et d’une mère Franco-Russe, origines qui expliquent son physique atypique, son accent inhabituel et son charmant sourire. Ils se sont rencontrés à Paris, alors que François passionné d’histoire était guide au musée Zadkine et Marinka encore étudiante. Nous leur racontons également notre courte histoire, notre première rencontre et notre profonde amitié l’un pour l’autre depuis, origine de l’erreur d’interprétation de ce matin, au sujet de laquelle nous rions encore un bon moment tandis que la route tend à s'élever petit à petit, au gré des quelques côtes auxquelles succèdent de légères descentes.

La première véritable difficulté, avant d’entrer dans Cubières, est franchie sans problèmes et une fois passé Camps, nous trouvons un petit coin fort sympathique, à l'ombre, au bord de l’Agly, pour déguster le picnic préparé par Marinka et François. Heureusement que nous avons déjà avalé pas mal de kilomètres, parce qu’après ce repas, la reprise risque d’être un peu compliquée. Nous terminons la bouteille de vin entamée la veille et que nous avions emportée avec nous. François nous gâte avec du pâté de sanglier maison et du fromage de chèvre d’un de leurs voisins, que nous étalons sur d’immenses tranches de pain de campagne cuit au four à bois. Marinka nous a préparé des pâtisseries scandinaves, idéales pour reprendre des forces, et du poids accessoirement, en dessert: des Pullats, sortes de petites brioches au sucre, des Sockermunkars, des petits beignets au sucre qui ressemblent à des donuts et des parts de Kryddkaka, un gâteau aux épices qui rappelle étrangement ceux qu’on peut acheter à la période de Noël.

Une bonne sieste digestive plus tard, nous reprenons la route pour entamer immédiatement la grosse difficulté du jour, une côte de quatre kilomètres sur un chemin en terre avec un joli passage de cinq cent mètres à treize pourcents de pente que nous mettons plus d’une demi-heure à gravir, nous encourageant réciproquement. François handicapé par son poids galère un peu plus que Clémence, clairement en manque de condition aujourd’hui, qui paye sûrement les efforts de la veille, tandis qu’avec Marinka, nous cheminons côte à côte, un peu en avant, à un rythme plutôt correct, sans pour autant être capable d’aligner plus de trois mots.

Nous faisons une bonne pause une fois la côte franchie, puis filons dans la descente, jusqu’à Bugarach, où nous retrouvons Mr Testa, maire du village et, à ce qu’on a pu comprendre, encyclopédie vivante sur l’histoire de la région, qui aura à gérer le débarquement d’illuminés du mois de décembre suivant. Il est loin d’afficher ses soixante douze ans, l'œil vif, le pas alerte, il nous avoue que notre aventure l'intéresse et qu’il aimerait prendre le temps de tenter le coup un de ces jours, de parcourir le sentier Cathare, à pied, dans son intégralité.

Une fois les présentations faites, nous nous donnons rendez-vous au pied de la cascade des Mathieux pour qu’il nous montre le lieu où nous installer et nous donne ses dernières recommandations pour la nuit, nous laissant un courrier nous autorisant à bivouaquer sur le site.

La dernière ascension du jour terminée, nous installons notre camp, aidés de François et Marinka et découvrons tous ensemble la fameuse cascade, une première chute d’eau d’une dizaine de mètres, puis une seconde où l'eau ruisselle plus qu’elle ne se jette dans le vide.

La première vasque n’est pas bien profonde mais doit nous permettre quelques brasses et une bonne douche pour ce soir.

- On serait bien resté encore un peu avec vous, pour profiter de la baignade, mais on a de la route pour rentrer.

- Dommage… Encore merci pour tout, je crois que c’est ma plus belle rencontre de ces dernières années, ça fait du bien au moral…

- Moi aussi, je te confirme, on a pas l’habitude de rencontrer des jeunes avec votre état d’esprit, ouverts, sympathiques, simples… C’est ce qui m’a plu quand j’ai rencontré François, à Paris, cette simplicité…

- En tout cas on reste en contact, on vous suivra jusqu’à la fin de votre voyage et si vous repassez dans le coin n’hésitez pas à nous faire signe. Et tenez, gardez les provisions en trop et cette bouteille de vin en cadeau.

- Merci beaucoup, ça a été un plaisir de passer cette journée avec vous, on reviendra peut-être l’été prochain pour compléter nos visites. Je vous renvoie l’invitation, si vous montez du côté des Cévennes, faites le savoir, on vous fera visiter…

- Clémence, Justin, bonne route pour la suite, essayez de terminer sur vos deux roues.

- A bientôt…

Après une dernière embrassade, c’est avec le cœur lourd que nous voyons nos deux compagnons nous quitter, cette journée en leur compagnie restera marquée par leur gentillesse, leur simplicité et je pense sincèrement revenir dans le coin leur rendre visite à l'occasion. Immédiatement après leur départ, un immense vide se fait ressentir, nous nous regardons avec Clémence et nous enlaçons pour essayer de combler ce manque soudain.

Nous n’avons passé qu’une seule journée avec eux, mais ce qu’ils nous ont offert, ce que nous avons partagé tout au long de la route, m’a semblé immense après nos trois premiers jours de voyage. Cette aventure qui ne devait être qu’un simple road trip entre amis s’est transformée en une belle aventure humaine et nous n’étions pas encore rendus à notre point d’arrivée.

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