- Je résume, promit Usil, pendant que l'apprentie sorcière avouait son état à ses amis gigolos, moi, j'étais en train de préparer le cours de rattrapage, sauf qu'au bout d'un moment, le petit objet que les deux monstres ont oublié s'est mis à briller. Du coup, je me suis précipité dans la cafétéria, mais tout le monde était déjà évanoui.

L'ex-divinité de la lumière avait installé Yassine dans sa chambre. Il proposa:

- Bon, comme Yassine va me reconnaître, il vaut mieux que tu t'occupes de Manuela et du rouquin...

- Tu t'fous d'ma gu*ule, tonton? grogna Ania.

- De quoi tu parles? demanda Usil.

- Et puis m*rde, abandonna la sorcière réincarnée, je fais ce que tu me dis.

- Bon, là, je vais essayer de le réveiller.

Un bruit rappelant un aboiement attira l'attention du chanteur blond.

Ce n'était pas vraiment un aboiement, c'était plus une sorte de jappement ou de cri de loup.

Ce bruit fit émerger le gigolo aux cheveux noirs de son sommeil.

Il se dirigea vers la porte-fenêtre. Le garçon admirait la vue. Il regardait les animaux. Il avait demandé cette chambre opposée au parking pour une bonne raison.

Une meute de créatures sortant de la forêt était occupée par toutes sortes de jeux impliquant leurs dents et leurs pattes.

La chaleur du bâtiment les attirait. Usil sourit:

- Il n'y a que toi pour choisir la chambre avec la meilleure vue sur des loups ailés.

Ne voulant pas que le danseur Hawaïen découvre ce petit moment de faiblesse appelé "sourire", Usil fronça les sourcils. Yassine ignora un moment les louveteaux se battant dans la neige:

- PAULIE! fit-il, un sourire s'étendant jusqu'à ses oreilles.

- Déjà, grogna un "Paulie" amer, j'attends un «merci!». Sans Ania et moi, tes potes et toi seriez encore dans une hallucination de la mairie de l'Ailé. Et au passage, tu étais collé au plafond quand je t'ai trouvé.

- Lélé? C'est où ça? réagit le mortel.

- Ah, comprit Usil, tu ne connais donc pas la légende urbaine. En même temps, t'es un mortel.

- Et... Du coup, merci, Paulie! Il s'est passé quoi?

- Alors en fait, l'amnésique, le rouquin et toi, vous vous êtes fait enlever par une bestiole mystérieuse et elle vous a téléportés au pire endroit possible ! Enfin... C'était plus de la projection astrale...

Usil produisit de la lumière avec son doigt, il observait les yeux de son patient.

- Tu es devenu médecin ? demanda le danseur.

- Non, je n'ai aucun diplôme, mais j'ai eu le temps d'étudier ça. Tu te souviens de cette créature ?

- En même temps, on parle de Paulie! pensa Yassine, en souriant.

Le garçon aux cheveux bruns laissait le jeune homme aux sourcils froncés.

- Ça... Ça ne te dérange pas, tous ces posters?

Bam!

Yassine se donna une gifle à lui-même.

Après trois ans, c'était tout ce qu'il osait dire? Le fait de voir son visage décorer la plupart des murs était plus qu'une habitude !

- Tu sais, Paulie, je t'en veux pas, de m'avoir caché que tu étais un buveur de sang... Maintenant je sais que la loi t'en empêchait.

Encore une fois, Yassine savait désormais que le garçon qui avait joué à la console avec lui ne pouvait consommer que du sang humain et incanter des formules magiques.

Ni Yassine, ni Usil n'osait ouvrir la bouche...

Pendant que le sorcier aux cheveux dorés vérifiait l'état du mortel, il pouvait en profiter pour vérifier l'inutilité de la télépathie dans cette situation.

Il savait exactement ce à quoi Yassine pensait.

À Manuela.

La sorcière avait besoin de lui... Usil n'avait cependant pas envie de perdre son temps avec un patient incapable de prendre sa santé. Il fit appel à Google, ou plutôt à sa partie secrète.

Chercher un sortilège d'anesthésie aurait été trop rustre, le chanteur se servit donc de sa boule de cristal pour chercher la faculté que le Malleus Maleficarum et les vidéastes mystiques prêtaient à la magie : la création d'illusions et d'hallucinations !

Les tours de passe-passe et les charmes manipulateurs ne représentaient pas vraiment d'intérêt pour l'artiste. Après tout, ses pouvoirs personnels et la science de ses ingénieurs suffisait à les reproduire.

Usil visualisa donc les océans et rivières d'énergie qui parcouraient un espace infini:

- Yaya, exigea calmement le sorcier blond, tu vas me dire ce dont tu te souviens.

Un pot de vin n'ayant pas suffi, l'inspecteur qu'Usil avait eu au téléphone avait imposé une condition pour que les trois victimes restent chez elles malgré l'incident, il fallait que le maître de la lumière et sa nièce rapportent les témoignages ou dépositions, contrairement à son père et à sa sœur si populaire à Athènes, le chanteur ne s'y connaissait pas assez en jurisprudence.

Pour Ania, Usil se moquait bien de dépenser quelques billets. De toute façon, sa maison de disques était connue pour ses requins des droits d'auteur, il ne risquait pas de le regretter !

L'incantateur blond laissa Yassine se blottir contre les canidés ailés qui étaient apparus, les louveteaux virtuels déchaînaient leurs langues sur son visage.

Le garçon brun commençait à essayer de se remémorer de toute la scène.

- Nous étions dans l'espace, dans une sorte de bulle de lumière... Non pas dans l'espace... C'était comme un voile, à travers le décor "cosmique", je pouvais voir un autre endroit.

Les mots ne parvenant pas aux lèvres du brun, le blond lut ses pensées.

Il apprit en premier lieu que son pelucheux stratagème fonctionnait, mais surtout que le danseur avait bel et bien été envoyé au pire endroit possible.

Yassine avait bel et bien vu deux monstres et un centre commercial abandonné.

Maintenant que l'ex-divinité Grecque avait la confirmation de l'endroit où avait été projeté le trio, il pouvait laisser son sort s'estomper.

Les loups ailés ondulèrent avant de s'évaporer en tant que nuages de brume.

Yassine sombra dans les bras de Morphée.

Tout en s'endormant, le danseur avait eu le temps de réfléchir une nouvelle fois.

Même sans lire les bonus, Yassine savait ce qu'étaient une Banshee et un Wendigo. Il fallait dire que pléthore de jeux vidéo, de séries et de livres avaient adapté ces légendes et contribué à leur renommée !

La première était l'esprit issu d'une jeune femme remettant à leur place les alchimistes qui se seraient inspirés de Nicolas Flamel. Non seulement, la Banshee était capable de se changer en animal, mais elle pouvait en plus ensorceler les animaux et les matières pour les transmuter.

Bon, ce n'était pas ça qui avait rendu cette fée célèbre, mais ses prévisions. On racontait que les Banshees hurlaient pour prévenir les vivants qu'ils risquaient de la rejoindre dans l'au-delà.

Vous l'aurez compris: la banshee fut autrefois une humaine!

Ce n'était pas le seul monstre dans ce cas, les vampires, les zombies, les fantômes et les croque-mitaines étaient eux aussi d'origine humaine.

Un humain pouvait devenir monstre, c'était un fait! Yassine le savait.

Il se souvenait encore du jour où il avait vu la première chanson d'Usil sur un écran. Il avait appris que ce garçon qui avait toujours été dans les mêmes écoles que lui n'était pas un simple mortel...

Lui-même n'était qu'un simple homme travaillant au milieu de loups-garous, de djinns, de gorgones, de nymphes, de sirènes, d'anges et de lutins.

En trois ans, le danseur avait vu une marraine-fée discuter avec ses chats, un incube soulever une voiture mal garée, il avait même vu un loup-garou parer une lame avec son avant-bras.

Lui-même , Yassine ne pouvait même pas se déplacer d'un monde à l'autre sans acheter une pierre enchantée en magasin.

Il s'était de nombreuses fois demandé en quelle créature paranormale il aimerait être transformé.

Oui, Yassine avait oublié un détail dont il se souvint:

- J'ai réussi à lancer un sort!

******

Maintenant que les trois patients dormaient, sous la surveillance de caméras, Ania et Usil réfléchissaient.

Jake n'allait probablement pas leur en vouloir d'occuper son bureau.

La jeune femme essayait de se demander que tirer du tas de poussière qu'était devenu le pendentif... À part une revente! La police n'allait pas aimer.

- Malheureusement, vérifia le buveur de sang blond, comme tu le sais, ce n'est pas la police qui va nous aider...

- C'est quoi, exactement le centre commercial que les autres ont vu? demanda la sorcière à la mèche.

- Une légende urbaine... Sous une mairie, un sorcier avait installé un grand centre commercial secret où monstres et humains pouvaient se rendre. Ah, oui, j'oubliais, tu connais pas la Terre Vanaheimienne!

- Absolument pas! avoua la jeune femme blasée.

- C'est basiquement le pire trou du c*l paumé du multivers... Et ça fait du bien de parler de ça avec quelqu'un qui connaît la véritable définition de ce terme. soupira l'oncle magique.

- Tu avais déjà évoqué ça... Qu'est-ce que les mortels ont fait avec ce terme? fit Ania.

La jeune femme ne laissait pas son visage trahir sa peur, mais les spasmes qui la traversaient montraient qu'elle se préparait au pire.

Définition du terme "multivers": Ensemble des différents univers et dimensions pouvant exister

Le jeune homme aux sourcils froncés chercha un moyen de faire simple :

- Pour résumer, ce terme n'était autrefois utilisé que par les scientifiques ou les amateurs de fiction. Avec l'avènement des films adaptés de super-héros, ce terme désigne désormais le concept de réalités et de lignes temporelles à travers lesquelles on peut voyager.

- C'est exactement ce que ça veut dire! nota une Ania inquiète.

- Pas vraiment, dans les films et séries les plus populaires, ça désigne principalement le fait de voyager entre plusieurs copies de la même réalité, par exemple grâce au voyage temporel... Attends, je vais te montrer.

Les moteurs de recherches et le sort d'illusion permirent à l'antique divinité de la lumière d'exposer l'ironie de la situation. Il ne comptait pas apprendre ce sort par cœur. Son premier hologramme représentait les différents univers connus, notamment le Monde Féerique, celui de la Terre, où se trouvait la ville de Mockingcrow, et le Monde des Ténèbres, où se trouvait Zorya. Il utilisait par exemple l'œuvre d'art que Manu avait vu dans la médiathèque de la forêt enchantée.

- Ça, commença le professeur Usil, c'est ce que, nous, les gens de bon goût, appelons le "Multivers". Ça désigne...?

- Et bien, fit Ania, amère, plusieurs univers et dimensions parallèles, à travers lesquelles on voyage. On aime radoter à ce que je vois.

Un nouvel hologramme se présenta, ce mirage montrait plusieurs copies de ce modèle, son incantateur dut faire appel aux réseaux sociaux pour illustrer, en montrant à son élève quelques exemples d'œuvres de fiction qui avaient joué leur rôle dans ce crime à l'encontre du langage.

- Pour les personnes ayant découvert ce terme lors de l'explosion du concept de versions alternatives de la même réalité, ce terme ne désigne que ça: des copies d'une réalité avec une légère différence. Par exemple, et si j'avais été méchant...? Et si la dernière guerre avait été remporté par un autre camp? Ou juste: tu remontes le temps et ça donne ça !

- Mais c'est pas, ça, le multivers... Alors peut-être que ça existe, mais le simple fait qu'il existe des dimensions et univers parallèles est en soi un multivers! réagit la sorcière.

- Que veux-tu ? Les mortels sont des animaux très visuels, la popularité est pour eux un pouvoir divin. Ce n'est pas la définition du terme qui compte, mais le contexte dans lequel tu le découvres ! Attends que je te parle d'anarchie et de communisme. soupira Usil.

- Sinon, concéda la jeune femme, merci pour ce cours, mais nous avons des priorités.

- Oui, notre famille est réputée pour toujours viser les choses importantes de manière mature! ironisa l'oncle.

Usil et Ania se turent, leurs regards se croisèrent, ils purent donc éclater de rire. C'était drôle, mais ça restait un drame aussi réel que cette affaire.

La sorcière se toucha le menton.

- Les choses changent, au début ce n'était qu'une agression, mais là, ça commence à m'inquiéter...

- Tu parles de ce que la police a dit au téléphone ou juste de cet enlèvement mystique ? chercha l'oncle.

- Tonton... Le simple fait qu'ils acceptent ton pot de vin me fait dire que cette affaire n'est pas de leur ressort...

- Du coup, on se lance dans la chasse au trésor et dans l'enquête ? proposa le blond.

Ania tendit sa main, dressant l'index pour signaler son besoin de réfléchir :

- Le problème, ce sont les civils... Quand un monstre fait une promesse, il la tient. Je n'en suis plus une depuis longtemps, mais je me sens responsable de Mannie...

- Ah! réagit l'oncle, en pleine épiphanie.

- Qu'y a-t-il ? demanda la nièce.

- J'ai une hypothèse.

Le musicien blond exposa, récapitula ce qu'on savait du "Résurrecteur". Il s'agissait d'une entité potentiellement pernicieuse se servant de ses pouvoirs pour éliminer les personnes qu'elle n'aimait pas.

Les deux monstres qui avaient attaqué l'université faisaient partie de ses pions.

- Ania... Récemment, il a été révélé que des sorcières allaient se charger de ces marionnettes... Mais... Je pense à quelque-chose... C'est typique d'un jeu vidéo. Peut-être ai-je une trop basse opinion de cette f*utue couleuvre, mais je me demande si tout ça ne serait pas une sorte de jeu...

Une jeune femme se faisant agresser par deux monstres inconnus dans un monde inconnu... Un pacte avec une entité spectrale... La mission de voyager à travers les univers pour trouver un artefact.

- Je suppose que tu n'as pas eu le temps de les essayer, avoua Usil, mais tous ces éléments peuvent être trouvés dans les scenarii de jeux vidéo.

- Je ne peux donc que me fier à ton hypothèse... Si ce sal*pard insaisissable se prend pour un maître du jeu, comment fait-on pour le faire tomber? grogna Ania.

- Je penche pour le terminer ou pour en profiter pour mener l'enquête au cours...

Le chanteur magique serra le poing.

D'abord Ania et maintenant Yaya?

Il maudissait ce diable ophidien qu'il voyait en moi.

La sorcière pouvait rester impassible quand un colosse lui fonçait dessus, mais son cerveau bouillonnait. Ça devait être une conséquence de l'accalmie.

Elle espérait que son oncle se trompe et que je ne fasse pas sombrer leurs fréquentations dans un jeu.

La réponse était : Évidemment que c'était ce que j'étais être en train de faire!

Quelqu'un frappa. Usil ouvrit la porte et laissa Bella entrer.

Une fois les explosions de logorrhées et de moments énervants durant lesquels chacun coupe la parole de l'autre, les trois adultes purent s'asseoir et discuter.

- Je pense à quelque chose, s'il existe des "superméchants", comme ceux que le "Résurrecteur" a ramenés, il doit bien y avoir des "super-héros"... En tout cas, c'est comme ça que ça fonctionnait à notre époque... avança la sorcière à la mèche.

- Oui, confirma Usil, mais si des êtres tels que qu'un Wendigo ou la Tarasque existent, tu te doutes qu'ils sont occupés... Et puis, c'est assez rare que les étrangers s'intéressent à Zorya.

- Au passage, tenta Ania, si ça vous rassure, "Paolo" est plus puissant qu'il en a l'air. No... Nos familles respectives aussi!

- Et tu penses que ça va me convaincre de partir en quête d'une épée légendaire ? râla Bella.

La mère de Manuela ne ferma pas la bouche, sa réponse ne provoqua aucune réaction de surprise chez ses interlocuteurs :

- Au fond... Peut-être qu'une voyage à travers le multivers est ce qui pouvait arriver de mieux à ma fille...

Manuela ne se souvenait pas de la raison qui convainquait Bella, mais ne tarderait pas à la redécouvrir.

- Je suppose que vous voulez lui en parler avant que nous partions pour Jotunheim... proposa Usil.

- Jotunheim? Mais... Je croyais que c'était à Vanaheim que se trouvait la maison hantée ! remarqua Bella.

- Certes... Mais qui parmi nous sait comment s'y téléporter ? Ou juste s'y rendre? rappela le sorcier blond.

- D'après l'un des... "Clients de Jacob", nous y trouverons quelqu'un qui connaît cet endroit.

- Au passage, les deux premiers endroits que tu découvres en te réincarnant sont donc Zorya et Vanaheim... Merci, le "Résurrecteur"!