JAVOTTE SE REBELLE, une édifiante révélation en ligne.

Est- ce que vous avez la moindre idée de ce que cela signifie ? On se moque de nous, on nous traite de garces, ma soeur Anastasie et moi. Sur les réseaux sociaux, on nous déclare la guerre. On a même déguisé les cousines les plus ridicules de la reine d’Angleterre pour qu’elles nous ressemblent lors du mariage de Kate et William ; allez voir et vous verrez à qui on nous a comparées. Et encore cela ce n’est que ce qui se passe de vos jours .

Car dans le passé, on nous a coupé les pieds, on nous a rendues aveugles, on nous a torturées. Je remercie M. Perrault d’avoir, somme toute, été convenable quand il nous a décrites mais ces Messieurs Grimm, quelle paire de sadiques… Allez relire leurs contes et vous le constaterez!

C’est vrai : nous n’avons pas toujours été sympa avec Cendrillon. C’est vrai : nous vivions dans les pièces « parquetées » et elle pas. C’est vrai : elle nous servait de chambrière et en compensation; nous nous moquions d’elle. C’est vrai, nous sommes allées au bal du roi et j’ai refusé ( ce n’était pas Anastasie, elle, son truc c’était de supprimer ce qui ne lui plaisait pas avec des ciseaux ou de gros feutres noirs…. Alors Cendrillon, elle la gommait de sa vie en général !). Je disais donc, c’est moi, Javotte qui ai refusé de prêter à Cendrillon ma vieille robe jaune de tous les jours pour qu’elle puisse aller au bal.

Mais si vous essayiez un peu de me comprendre ? Cendrillon, elle avait tout pour elle : elle était belle ; même sous sa cendre on pouvait le voir, elle chantait à merveille ( ceux qui ont vu le Disney peuvent facilement faire le comparatif avec ma voix…) , elle se faisait des amis de tout le monde même des animaux ( quand je pense que c’est avec les restes de mon déjeuner que Gus est devenu si gros et qu’il ne m’en a pas gardé une miette de reconnaissance); enfin, elle avait sa marraine , une FEE, la veinarde !

Alors bien sûr que j’étais jalouse. Vous avez déjà vécu dans une famille où vous êtes la sœur laide, la sœur insipide, la sœur que personne ne remarque sauf pour la ridiculiser ?

On dit partout que je la surnommais Culcendron, c’est vrai mais ce que vous ignorez, c’est que Javotte, c’est un surnom ! Celui qu’elle m’a donné, elle, votre " gentille " Cendrillon, et vous savez ce qu’il signifie ? L’ Enclume …

Elle n’était pas tendre non plus ma petite sœur. Vous commencez à relativiser ?

Oui, j’étais jalouse. Malgré ses corvées, elle était toujours entourée. Malgré ses conditions de vie , elle semblait toujours heureuse. Malgré la cendre sur son visage, elle respirait la beauté et le charme.

Et moi, j’étais le vilain petit canard sans aucun espoir de devenir un beau cygne(non, Monsieur Andersen) car dans la vraie vie, les laides restent laides et tout le monde les regarde comme laides. Vous en doutez ? Allez, souvenez-vous : quelle tête est- ce que j’ai dans le dessin animé de Disney ?

Je suis même un symbole de la laideur … Et vous croyez que c’est facile à vivre ? Pourquoi croyez-vous que j’étais tant attachée à ma coiffure, à ma toilette ?

Pour compenser, pour camoufler, pour dissimuler !!! Cela ne vous arrive jamais à vous d’essayer de cacher vos défauts sous un maquillage ou un costume ? Mais toutes les garnitures d’ Angleterre et toutes les robes de velours rouge ne réussissaient qu’à me transformer en une grosse mère Noël empotée ; je le savais et j’en souffrais. Relisez bien le conte et vous verrez qu’il y avait de quoi être triste .

C'était normal que la beauté de ma demi-sœur me rende encore plus haïssable.

J’ai détesté quand elle est venue nous coiffer le soir du fameux bal : elle était là avec sa gentillesse et sa bonté à nous coiffer, à godronner nos manchettes et surtout à nous regarder souffrir quand on nous serra la taille …sans résultat d’ailleurs. Je l’ai détestée car elle marchait dans la pièce, fine et menue, sans aucun corset pour affiner sa taille, sans fer à friser pour améliorer sa chevelure, sans beaux habits pour la rendre plus jolie. Non, elle n’avait pas besoin de ça. Même en servante, elle était naturellement belle. Et ça, ça fait souffrir n’importe quelle jeune fille ( j’en étais une à l’époque ! ). Avouez, même vous, vous avez déjà dû avoir cette pointe de jalousie envers plus belle que vous ! Vous continuez à relativiser ?

Le soir du bal, quand elle est venue vers nous ( et qu’entre parenthèses nous ne l’avons pas reconnue tant elle s’était attifée….), elle nous a fait soi-disant mille gentillesses et nous a offert une collation . Oui, oui , il y avait des oranges ( ce qui était rare à l’époque convenons-en) mais il y avait aussi des citrons. Ma sœur et moi, on ne connaissait pas ces fruits, on a mordu dedans en toute bonne foi ; c’est alors que j’ai surpris le regard ironique et moqueur de Cendrillon .

Elle l’avait fait exprès, la peste, pour nous voir tousser et grimacer ; maintenant, je reconstitue bien la scène et je suis sûre qu’elle l’a fait exprès … Pas si bonne que ça, notre petite sœur, non ?

Et l’épisode de la chaussure … Vous imaginez ce que cela pouvait représenter de devenir la femme du prince pour n’importe quelle jeune fille. C’est comme si aujourd’hui il y avait un grand concours pour épouser un petit fils de B.Macron ou Justin Bieber. Allez, soyez honnête, ça ne vous ferait pas rêver ? Vous n’iriez pas vous inscrire? Vous n’auriez pas ce rêve fou d’être celle qui serait repérée et gagnerait ? Vous ne feriez pas tout ce qu’il faut pour gagner ? Vous qui passez votre temps à regarder des trucs genre « L'amour est dans le pré » ou « Top chef » ou « le Bachelor » ? Vous êtes sûre que vos rêves sont si différents des miens ? Oui, j’ y ai cru , j’ai cru que j’aurais ma chance et je peux vous dire qu’autour de moi, toutes les filles à marier croyaient la même chose. Oui, j’étais prête à tout pour l’enfiler cette fameuse pantoufle … Et elle était bien en verre pas en vair ( ça aurait été trop facile dans ce cas d’y entrer son pied…). Non ,je n’ai pas eu le choix, quand mon tour est venu d’essayer la chaussure, devant tout le monde, j’ai eu l’humiliation de ma vie : mon pied dépassait, trop grand, trop long, trop gros … un pied laid comme le reste de ma personne.

Personne ne m’a vue quitter la pièce en essuyant mes larmes, non, tout le monde regardait Cendrilllon qui triomphait de l’épreuve avec aisance. Moi aussi, à ce moment-là, j’aurais bien voulu avoir une marraine, une fée qui aurait un peu modifié mon physique ou qui m’aurait donné le don d’être aimée, le don de bien chanter, le don de guérir mes défauts. Mais moi, je n’avais pas de marraine. Pour moi, les citrouilles restent des citrouilles . Les rats et les lézards ? Des sales bêtes qui me font fuir en courant. Et vous trouvez ça juste ?

C’est vrai que quand on a su qu’elle allait devenir la reine, on a essayé de rattraper le coup et on lui a demandé pardon ( là encore devant tout le monde , bonjour la honte !!!) C’est vrai qu’elle nous a pardonné et qu’elle nous a mariées à deux seigneurs de la cour…. bC’est vrai aussi que c’étaient deux vieux seigneurs tout aussi laids que nous, que la richesse ne compense pas tout et que, jour après jour, nous assistons au triomphe, au bonheur, à la joie de notre sœur Cendrillon. Anastasie ,comme d’habitude, occulte … mais moi, je m’en prends plein la tronche de la voir belle, gentille, douce, parée de toutes les qualités tandis que moi, je suis maintenant laide, vieillie et toujours aussi inexistante.

Alors, ce que je ne supporte plus, ce sont vos vacheries à vous les auteurs et les lecteurs. Un peu d’empathie que diable … Je ne suis pas sûre d’être si différente de vous ! Et il y a plein de sœurs de gens célèbres qui me comprennent mieux que quiconque, non ?