Chapitre 22

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Janvier 1988.

*

La pluie fouettait les vitres et redoublait d’intensité. Le crépitement sonore, monotone et régulier, contrastait avec l’intérieur chaleureux du Petit Marcel.

— Que me vaut cette surprenante invitation mon cher Tom ?

On y est, ce n’est plus le moment de reculer.

— Je m’en voulais de t’avoir éconduit comme je l’ai fait l’autre soir. Tous ces mois sans se voir m’avait manqué.

— À moi aussi, tu sais, répondit Marc.

— Je ne sais pas si tu as eu vent de mes problèmes familiaux, mais je refais enfin surface. Et je me disais que rien ne valait une nouvelle année pour revoir ses amis.

— J'ignorais que t’avais eu des problèmes dans ta famille, tu m’en vois désolé.

Tom perçut l’étonnement dans ses paroles.

— C’est pour cette raison que durant ces derniers mois, je n’ai pas été aussi souvent présent pour mes amis.

— Moi qui pensait que tu t’étais lassé de moi.

— Comme tu y vas, Marc ! Disons simplement que je n’avais pas le cœur à m’amuser. Alors dis-moi, sur quoi tu travailles en ce moment, je t’écoute.

— Aaaaah, je reconnais bien ici ta curiosité. Elle m’avait manquée elle aussi. Je suis sur un nouveau projet. Je suis assez fier de mes premières photos. Que dirais-tu d’aller les voir chez moi ?

Tom accepta aussitôt. Le plan se déroulait comme prévu. Ils finirent chacun leur verre. Peut-être un peu trop vite, réalisa Tom lorsqu’il se releva en renversant maladroitement sa chaise. Marc la ramassa pour lui et ensemble ils revinrent au bar. Marc sortit son portefeuille pour payer tandis que Tom s’alarma du regard mouillé de Paul et des yeux inquiets de Lucas.

— Je ramène le prince dans mon château au bois dormant ! Ne te dérange pas Lucas, je m’occupe de lui, plaisanta Marc, qui le voyait contourner le bar, prêt à venir soutenir Tom dont le visage était blanc tout à coup.

— Tout va bien, Lucas, je t’assure, j’ai juste besoin de prendre l’air, c’est tout ! s’efforça d'articuler Tom avec un sourire contraint.

*

La pluie venait battre contre le pare-brise de la voiture de Marc. Les essuie-glaces ne parvenaient pas à rendre la route visible. Cela n’empêcha pas son conducteur de rouler à vive allure. Assis sur le siège du passager avant, Tom le regardait, satisfait de sa conduite sportive. Il ouvrit un instant la vitre et sentit l’air frais mêlé d’une pluie glaciale qui lui fouetta le visage. Il en avait besoin. Décidément, ce champagne ne lui réussissait pas.

Marc stationna le long du trottoir de sa maison. Ils étaient déjà arrivés à bon port. Tom affronta la pluie battante avant d’entrer dans la maison. Le vent glacé, venu des rues sombres du quartier, s'engouffra à l'intérieur, ce qui referma brutalement la porte sur eux. Il quitta son manteau et demanda à Marc s’il pouvait utiliser la salle de bain pour se sécher les cheveux. Marc lui indiqua la pièce, avant d’aller dans la cuisine. Il pouvait faire comme chez lui.

Tom se frotta les cheveux avec une serviette de bain, la première qui lui tomba sous la main. Il resta quelques minutes comme ça, sans bouger, pour reprendre ses esprits.Il regarda ses mains trembler. Il fallait absolument qu’il se ressaisisse. Il sortit de la salle de bain et attendit dans le salon que Marc revienne.

Il en profita pour parcourir les nombreux livres de photographies de la grande bibliothèque et en sortit un qu’il affectionnait tout particulièrement. Un livre de Julius Shulman, célèbre photographe de maisons modernistes américaines des années 1950. Tom avait aimé venir ici, s’installer sur le canapé, pour regarder ces villas spacieuses et lumineuses, en s’imaginant les habiter. Il commença à feuilleter l’épais volume. Marc revint et s’assit à ses côtés. Il lui caressa la jambe d’un geste anodin et lui demanda s’il voulait boire quelque chose. Tom ne savait pas quoi répondre tellement il était tendu.

— Tu as l’air ailleurs, mon cher Tom ? Quelque chose ne va pas ? Je te sers un verre de vin ?

— Heu, non merci, Marc. J’ai encore quelques bulles de champagne coincées dans ma tête, dit-il en riant.

— Mes photos, où ai-je mis mes photos ? Les voilà ! sourit-il en attrapant un épais classeur posé en bas de sa bibliothèque.

Tom se crispa. Une boule de stress monta dans sa gorge. Il n’aurait jamais dû venir ici. Qu’attendait Rickie pour venir ? Avait-il eu un problème avec la clé de la porte du sous-sol ? Comment allait-il pour continuer à faire diversion ? Il ouvrit le classeur en contrôlant ses tremblements. De magnifiques paysages en noir et blanc défilaient devant ses yeux. Le travail de Marc le touchait toujours autant et il ne put s’empêcher de reconnaître la qualité indéniable du résultat. Il le félicita chaleureusement.

Il sentit la main puissante de Marc, posée sur son épaule. Son hôte continua imperturbablement à commenter ses photos préférées. Puis, il referma d’une seule main son album photos brutalement. Il en avait terminé avec les préliminaires. Il lui proposa de lui masser les épaules. Il le trouvait si tendu ce soir. Tom se laissa faire et posa ses mains, devenues moites, sur son pantalon. Marc, devenu plus confiant, lui demanda de retirer sa chemise pour que le massage soit plus efficace. Tom dut prendre plusieurs respirations avant de formuler un refus poli. Marc lui offrit un sourire carnassier. Il lui retira brutalement les photos des mains et les jeta par terre.

— Finie de jouer la comédie Tom, lui assena-t-il d’une voix rauque.

Tom déglutit avant de lui répondre.

— Marc, j’ai à te parler sérieusement. Je tenais à ce que nous soyons tranquillement tous les deux chez toi.

— Et bien, t’y voilà, chez moi. Vas-tu enfin me dire la vérité ?

— Elle est bien bonne celle-là ! Marc qui parle de vérité, on croit rêver ! s’exclama Rickie qui apparût de la porte du sous-sol.

Les épaules de Tom se relâchèrent de soulagement.

— Qu’est-ce que tu fous là toi ? s’écria Marc qui se leva d’un bond.

— Rassure-toi, je passais par hasard chez toi pour te rendre ton trousseau de clefs. Tiens les voilà, dit-il avec assurance, en les posant sur la table. Je n’en aurait définitivement plus besoin.

Un coup de tonnerre retentit soudain, dont les déflagrations semblaient s’éterniser. L’orage s'intensifiait de plus belle.

— Le hasard fait sacrément bien les choses, dis-moi ! Alors vas-y, Rickie, assieds-toi à côté de ton ami, comme au bon vieux temps.

— Marc, pas de ce jeu avec nous, s’il te plaît. Tu sais très bien pourquoi nous sommes ici, dit-il, en s’asseyant.

— Ah oui ? Mais qu’est-ce qui te prend Rickie ? On prend enfin du poil de la bête ? On veut ressembler à papa ? Je pense que vous avez surtout besoin d’une petite leçon de savoir-vivre, annonça-t-il, sur un ton glaçant.

— S’il te plaît Marc, ne rend les choses pas plus compliquées qu’elles ne le sont, essaya Tom sincère pour le calmer.

— Oh, toi, ferme ta gueule ! répondit-il cette fois-ci d’un ton menaçant.

Tom obtempéra.

— Tu m’a vraiment pris pour un demeuré. Tu crois que je t’ai pas venu venir avec tes compliments de faux-culs ? Moi qui voulait te pardonner. J’étais prêt à faire comme me l’a gentiment suggéré Rickie, passer à autre chose. Comment j’ai pu être aussi con.

Tom sentit des gouttes de sueur perler sur ses tempes.

— Vous faites une sacrée paire sans déconner. Vous devriez me remercier au contraire. Mais vous en êtes incapable ! C’est ça qui vous manque, la politesse, bande d’ingrats ! Moi qui vous ai accueilli chez moi, les bras ouverts, moi qui vous ai donné toute ma confiance ! En retour, qu’est-ce qui me reste ?

Les deux garçons se regardèrent impuissants.

— Marc, tu racontes n’importe quoi. Tu sais pertinemment que ce que tu dis est entièrement faux, osa Rickie qui réalisa soudain que Marc ne les écoutait plus vraiment.

— Comment as-tu pu venir chez moi, il y a quelques jours, pour oser m’accuser d’avoir agressé un autre petit minable de votre espèce ! dit-il furieux.

Rickie baissa la tête, refoula ses larmes et lui répondit à voix basse.

— Arrête de mentir, s’il te plaît, Marc. Le problème avec toi, c’est que tu en veux toujours plus. Moi, Tom et les autres. Une petite cour autour de toi. Alors quand certains de tes amis en ont eu assez, tes soirées sont devenues ennuyeuses, rasoirs. Tu avais beau chercher de nouvelles proies, en réalité, c’est toi qui te lassais rapidement. Sauf que moi, comme un idiot, je suis tombé amoureux. Et je persiste à croire que toi aussi, n’est-ce pas ? Ne gâche pas ce qui s’est passé entre nous ! Je réalise bien trop tard que tu aurais préféré Tom.

Tom regarda Rickie avec une gêne mêlée d’incompréhension.

— Mon petit Tom, fais pas cette tête-là. Qu’est-ce qui m’a pris de croire en toi ? Tu es venu te prélasser avec mes amis. Rappelle-toi comment tu étais heureux parmi eux. Et puis six mois plus tard, hop, plus personne. Silence radio.

Tom soutenait son regard à présent.

— Je viens de t’en expliquer la raison tout à l’heure. Je suis conscient que tu puisses m’en vouloir, mais de là à t’en prendre à un innocent. Paul ne t’a rien fait ! Tu devrais avoir honte. Si tu avoues que c’est toi qui l’a agressé et que tu lui présentes tes excuses, cela t’évitera peut-être qu’il aille te dénoncer à la police.

— Oh, merci Tom, bonne idée, comme c’est mignon ! Et puis merde, j’en ai marre de vous, de tout ça, dit-il avec rage. Allez, hop, dehors vous deux. Je ne veux plus vous voir.

Soudain, la sonnette de la maison retentit. Tous les trois regardèrent en direction de la porte d’entrée.

— Attendez-moi sagement ici, dit Marc, furieux de se voir interrompre.

A peine Marc eut-il ouvert la porte, qu’il empoigna le bras de celui qui venait de se présenter à lui. Paul, le visage trempé par la pluie apparût.

— Regardez qui vient nous rendre visite ? Décidément, je suis chanceux, vous ne trouvez pas ? On parlait de toi justement. Vas donc t'asseoir avec eux.

Marc poussa sans ménagement Paul vers le canapé sur lequel il vint s’asseoir. Tom l'accueillit à ses côtés.

— Ça va beaucoup mieux ton nez, dis-moi, Paul. C’est fou, on ne voit plus rien.

Paul le toisa froidement, mais fut incapable d’ouvrir la bouche, épouvanté.

— Je disais à tes amis que je commençais sérieusement à en avoir marre d’eux.

— Moi aussi, je commence sérieusement à en avoir marre de ton cinéma, cria Lucas qui apparut dans l’encadrement de la porte du sous-sol.

Marc eut à peine le temps de se retourner qu’il se vit braqué par un fusil que le serveur tenait fermement dans ses mains.

— Mais c'est quoi ce bordel ? dit Marc, soudain pas très rassuré.

— Je me suis permis de me joindre à vous, tu m'en voudras pas. J’aurais préféré éviter ça, mais je me doutais que tu allais nous donner du fil à retordre. Quand on est venu me voir pour me dire qu’on t’avait vu agresser Paul, je ne voulais pas le croire. Comment as-tu pu faire ça, t’as perdu la tête, ou quoi ? dit-il, en le gardant en joue.

Marc resta bouche bée. Dehors, la tempête faisait rage.

— Parce que tu crois que tu me fais peur mon pauvre Lucas ? Toujours à vouloir sauver le monde ! Repose donc ce jouet, tu risquerais de te faire mal, répondit-il, en bombant son torse, malgré ses yeux paniqués.

Lucas lui sourit.

— Alors, écoute moi bien, Marc. J’ai autre chose à faire dans la vie que de venir sauver le monde et encore plus de venir jusqu’ici en pointant mon fusil sur ta carcasse. Les nuits de tempêtes comme ce soir, j'ai toujours détesté ça. Ça me rend toujours nerveux. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me rappelle de mauvais souvenirs, assena-t-il d’une voix autoritaire.

Marc, comme les trois garçons, perçut dans le regard du serveur que celui-ci ne plaisantait pas.

— Écoute Lucas, si tu voulais bien m'expliquer ce qui se passe, tu es chez moi je te le rapelle…

— Non, écoute-moi, espèce de con, dit-il en réajustant son fusil bien en face de lui.

— Ok, ok, comme tu voudras. Mais vous allez me le payer cher, tous autant que vous êtes…

— Arrête ton cirque, Marc et écoute plutôt ma petite histoire. Elle pourra alimenter les rumeurs du Petit Marcel qui circulent sur mon compte. Et tu pourras rayer de la liste le surnom qu’on m’avait donné il y a quelques années : Monsieur Parfait. Car pour une fois, je n’ai vraiment pas envie de l’être.

Tom et Rickie se regardèrent surpris, partagés entre l’envie de sourire et l’appréhension qui montait chez eux. Cette fois-ci, Marc n’osa plus dire quoi que ce soit. Seul Paul se rapprocha de Lucas, comme pour le soutenir.

— Tu vois ce fusil ? Regarde-le bien. Il appartenait à mon père. La dernière fois que je l’ai eu entre les mains, tu ne veux même pas savoir ce qui s’est passé. Sache seulement qu’il n’est plus là aujourd'hui pour en témoigner.

— Ne me dis pas que… osa Marc, dont le visage commença à devenir blanc.

— Tu ferais mieux de nous dire à présent la vérité. Regarde Paul dans les yeux et ose lui dire que tu n’as rien à voir avec ce qui s’est passé dans la cabine téléphonique.

Marc les regarda tous, serra les poings, luttant avec lui-même. Soudain, ses jambes se mirent à trembler et il dût poser sa main contre le mur pour rester stable. Il avait du mal à respirer.

— Laissez-moi deux secondes que je reprenne mon souffle... Je… Je suis dé-désolé, je suis vraiment désolé. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je te demande pardon mon garçon.

Paul vit dans ses yeux une sincérité évidente. Un court silence se fit dans la pièce.

— Je ne vous connais pas monsieur. À ma demande, Lucas m’a raconté, en venant ici, certaines choses sur vous, dit Paul posément. Vous avez le droit d’être heureux, vous savez. Un gamin de 18 ans qui vous dit ça, ça doit bien vous faire rire… En tout cas, c’est le programme de mes prochaines années. Il me faudra un peu de temps pour vous pardonner, mais j’y arriverai, ne vous inquiétez pas, répondit-il, sincère à son tour.

Une première larme coula le long de la joue de Marc. Il se lassa glisser le long du mur pour s'asseoir.

— Rickie, excuse-moi. Je... J’ai manqué de courage. C’est juste que depuis que nous ne sommes plus ensemble, je me sens perdu. Je ne me reconnais plus. Je ne suis plus sûr de servir à quoi que ce soit.

Rickie ne put s’empêcher de venir s’agenouiller à ses côtés, les mains sur ses épaules, pour le réconforter.

— Dis-pas ça, Marc…

— Laisse-moi, va-t-en.

Rickie se releva, impuissant.

— Et toi Tom, je ne pensais pas ce que je disais tout à l’heure. Je ne suis qu’un sale con qui a perdu son sang froid…, se confessa Marc d’une voix à peine audible.

Tous restèrent muets un instant. Les yeux humides, Paul regarda Tom droit dans les yeux, avec un sourire timide, avant de quitter la pièce. Tom voulut le rattraper, mais Lucas l’en empêcha. Son ami avait sûrement besoin d’être seul. Tom se résigna et aida Rickie à soulever Marc qui finit par aller sur le canapé pour s'allonger.

*

Le froid humide s’était infiltré dans le salon par la porte d’entrée restée ouverte. La tempête avait brusquement cessé, remplacée par une pluie qui tombait en continu. Ils sortirent tous les trois dans la cour. Tom chercha Paul dans les rues désertes et silencieuses. Il le trouva dans l’ombre de l’une d’entre elles.

— Ça va, Paul ?

— Je sais pas, je crois que oui, dit-il, souriant à moitié.

— J’hallucine totalement pour la soirée, crois-moi ! répondit Tom qui réussit, lui aussi, à esquisser un sourire, malgré la détresse qu’il lisait dans les yeux de son ami.

Paul ouvrait à présent la bouche, comme si l’air avait du mal à sortir. Il appuya ses mains sur ses genoux et respira profondément pour se calmer. La main de Tom sur son épaule, des gouttes d’eau ruisselaient le long de son cou.

— Ça va aller, t’es sûr ?

Paul hocha la tête.

— J’aime bien le programme de tes prochaines années, tu me montres à quoi il ressemble ? osa Tom en le prenant dans ses bras.

— Il faut appuyer ici et mon programme se lance, répondit Paul qui finit par poser ses lèvres sur les siennes.

Dans la rue endormie, froide et humide, la voiture de Lucas arriva à leur hauteur.

— Vous allez rester collés comme ça longtemps ? dit Rickie, qui avait baissé la vitre du passager avant.

— Allez, dépêchez-vous de monter à l’arrière, vous allez attraper froid à rester ici. Ne traînons pas dans ce quartier plus longtemps.

Dans la 4L, Rickie ne put s’empêcher de remercier Lucas.

— Putain Lucas, t’as juste été grandiose. Comment te remercier ?

— Laisse tomber, c’est rien.

— Tu déconnes, j’espère, enchaîna Tom. Tu nous avais pas dit que tu viendrais avec un fusil ! T’es fou ?

— Si je vous l’avait dit, vous n’auriez jamais accepté mon plan, j’me trompe ?

Rickie se retourna vers Lucas.

— Oui, c’est vrai, dirent-ils en cœur.

— On ne savait pas pour ton père, on est désolé, osa Tom.

Lucas ne put réprimer un fou rire plus longtemps.

— J’aurais dû devenir acteur ! Vous m’avez cru alors ?

— Tu nous as raconté des cracs alors ??? T’abuses ! En tous les cas, ça a marché. Marc a fini par avouer, s’exclama Rickie.

— Et pas sous la menace du fusil, continua Lucas. Je l’ai vu dans ses yeux, il était vraiment sincère.

— Oui, je le crois aussi, avoua Paul, qui jusqu’à présent était resté silencieux.

Tom le regarda fièrement.

— Mais pourquoi tu es venu ? lui demanda-t-il.

— C’est lui qui a insisté, répondit Lucas. Il voulait entendre lui-même la vérité sortir de la bouche de Marc. Quand il a vu que j’emmenais le fusil avec moi, il m’a juste demandé s’il y avait des balles de l'intérieur du barillet.

— Parce que tu sais t’en servir ? Il était chargé ??? s’exclama de nouveau Rickie.

— Mais non, il blague. Le fusil n’est même pas à lui. Il est au boucher d’en face. C’est une relique, Il ne fonctionne même pas !

Tom et Rickie se mirent à rire, sans véritablement savoir si le duo Lucas-Paul était sérieux.

— Je préfère vous voir sourire comme ça ! dit Lucas d’une voix fatiguée.

Malgré l’atmosphère qui s’était réchauffée, le trajet fut silencieux.

Tom prit la main fébrile de Paul dans la sienne. Lucas déposa Rickie chez lui en premier.

— Merci encore pour tout Lucas.

Il essuya une larme sur sa joue et regarda les deux garçons à l’arrière. Il leur fit un clin d'œil, avant de descendre de la voiture. Quelques minutes plus tard, elle les déposa à leur tour devant l’appartement de Tom.

— Je te revaudrai ça, Lucas. On se voit très vite au Petit Marcel, promis, dit Tom.

La main droite de Lucas vint lui ébouriffer les cheveux.

— Rentrez au chaud tous les deux. Moi, je retourne bosser. Je ne vais quand même pas laisser Marie fermer toute seule le café !

Paul et Tom regardèrent la voiture tourner au premier feu, avant de disparaître, à l’angle de la rue. Il était tout juste minuit quand il tourna la clef de son appartement.

*

À peine eut-il fermé la porte qu’une irrépressible envie poussa Paul à le plaquer contre le mur de la cuisine et à l’embrasser fougueusement dans le cou. D’un geste maladroit, il lui enleva son manteau, son écharpe et fit glisser la fermeture éclair de son pantalon de velours humide. Surpris, Tom le laissa faire, les mains posées sur ses épaules.

— Mais enfin, qu’est-ce qui vous prend mon ami, auriez-vous une idée derrière la tête ? annonça-t-il, excité.

Paul suspendit son geste, alors qu’il commençait à le caresser, à travers son caleçon dont la forme ne laissait aucun doute quant à son degré d’excitation.

— Continue, vas-y.

Ils finirent par se déshabiller complètement, sans retirer leurs caleçons. Tom éteignit la lumière de la cuisine et l’emmena dans la chambre, plongée dans l’obscurité. Ils se jetèrent sur le lit et s’embrassèrent. Leurs mains furent maladroites puis plus confiantes, à la découverte du corps de l’autre. Tom laissa Paul lui enleva son caleçon et frémit d’excitation quand il sentit la chaleur de la sa bouche sur son sexe. Il ferma les yeux et s’abandonna au plaisir. À plusieurs reprises, des flashes de la soirée chez Marc traversèrent ses pensées, mais finirent par disparaître. Il rouvrit les yeux et devina l’ombre du visage de son amant. Il le renversa délicatement sur le dos puis le prit en bouche à son tour. Paul trembla à plusieurs reprises. Il n’allait pas tarder à venir. Encore quelques minutes avant qu’il ne jouisse sur son ventre. Puis ce fut au tour de Tom. Ils s’allongèrent face à face, en devinant les yeux de chacun dans la pénombre.

Ils n’eurent pas besoin du moindre mot pour comprendre ce qui venait de se jouer ce soir entre eux. Tom mesurait le courage qu’avait eu Paul à venir chez Marc et à assister à ce qui l’aurait surtout voulu lui éviter. Il n’en revenait pas d’avoir près de lui ce jeune homme qu’il avait tant attendu et qu’il désirait encore plus à présent.

Paul ressentait la chaleur de ce garçon en qui il avait décidé de lui accorder sa confiance, malgré tout ce qui venait de se passer. Les mots de son père lui revinrent en mémoire. Il réalisa qu’il avait eu raison de s’ouvrir à lui, de dépasser ses peurs et d’avoir osé affronter ses doutes. Peut-être pour la première fois de sa vie, il se trouva courageux. Il se choisissait, enfin.

Dehors, la pluie continuait d’arroser faiblement les toits des immeubles et les voitures stationnées dans les rues de la ville, dans un silence hivernal des plus calmes.

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