Chapitre 24

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Une heure du matin. Dans l’entrée de l’appartement de Mathieu, Rickie rattacha les lacets de ses chaussures et attrapa sa veste en cuir, accrochée au porte-manteaux. Il le remercia pour le moment partagé. Matthieu avait passé une excellente soirée lui aussi. Il était à présent trop tard pour prendre un bus, ce qui obligeait Rickie à marcher pour revenir chez lui. Cela représentait un sacré parcours, mais cette perspective ne lui déplaisait pas, car il avait besoin de réfléchir. Dès le premier soir où ils s’étaient rencontrés, il avait aimé ce jeune homme timide, aux yeux sombres, qui l’avaient tout de suite charmé. C’était dans un parc, réputé pour être un endroit de drague entre hommes. À la faveur de la nuit, Mathieu l’avait abordé au détour d’un chemin. Une cigarette ? Rickie en avait sorti une, allumé son briquet qui avait éclairé son visage. La suite ? Mathieu avait été entreprenant et lui avait demandé s’ils pouvaient aller chez lui. Rickie, qui venait draguer certains soirs, repartait en général seul et déprimé. Alors oui, avec plaisir. Les préliminaires oubliés, ils s’étaient sautés dessus, maladroitement, pour assouvir leur besoin de sexe immédiat.

Ce deuxième rendez-vous avait comblé son désir, mais le peu qu’ils avaient échangé lui laissait comme un goût amer. Lui qui pensait passer la nuit entière chez lui... Encore un plan cul, j’aurais dû m’y attendre. Je me suis bien planté une fois de plus. Matthieu avait prétexté devoir se lever tôt, le lendemain matin, pour aller voir ses parents qui habitaient loin. Une façon polie de le mettre à la porte. Ok, j’ai compris, je m’en vais.

Avant de le quitter, Mathieu lui dessina rapidement un plan pour revenir chez lui, car il ne connaissait pas bien le quartier. En chemin, Rickie se demanda si Mathieu avait été sincère avec lui. Il faut vraiment que t’arrêtes de tout interpréter. Laisse faire les choses, au lieu de toujours tout compliquer !

Au bout de vingt minutes de marche, Rickie se repéra plus facilement. En y réfléchissant bien, il s'aperçut qu'il était seulement à deux rues de chez Marc. Hésitations. Ce fut plus fort que lui. Il y arriva cinq minutes après. Au loin, les gyrophares d’un véhicule de pompier.

*

Rickie se rapprocha, inquiet. Une dizaine de personnes devant chez Marc. Les roues d’un véhicule de gendarmerie crissèrent en arrivant. Rickie frémit, affolé de voir autant de monde attroupé. Une vieille dame, enroulée dans son châle, lui adressa la parole, les larmes plein les yeux.

— C’est si triste... J’espère qu’il va s’en sortir, c’est un si gentil voisin.

— Mais de qui parlez-vous madame ?

— De monsieur Ducan. Je suis sa voisine.

— Qu’est-ce qui lui est arrivé ? s’empressa-t-il de demander.

— C’est affreux, jeune homme, pauvre Monsieur Ducan... Vous le connaissez ?... Oh, mais oui, je vous reconnais, vous !

— Comment ça ?

— Ne le prenez pas mal, vous allez me prendre pour une de ces vilaines curieuses qui passe ses journées derrière la fenêtre à épier, mais je vous ai souvent vu venir ici. Il m’arrive parfois de bavarder avec monsieur Ducan à la clôture de nos jardins. Non pas que nous nous fréquentons réellement… Mais là, je commençais à m’inquiéter pour lui, vous savez. Cela faisait trois jours que les volets étaient fermés. Pourtant, je me doutais bien qu’il était chez lui. Alors vous imaginez, quand j’ai frappé à la porte et que… Oh non, c’est vraiment trop affreux…

Rickie sentit soudain les battements de son coeur s'accélérer.

— Quoi ??? Mais dites moi ! Qu'est ce qui lui est arrivé ?

La vieille dame n’eut pas le temps de répondre, car devant eux, une petite blonde boulotte se retourna.

— Il s’est pendu, le pédophile, c’est bien fait pour lui, il a dû avoir honte de ce qu’il faisait.

Rickie serra les poings très fort. Il était à deux doigts d’exploser.

— Mais qu’est-ce que vous racontez ? C’est n’importe quoi, il ne s’est pas du tout pendu ! s’exclama avec force la vieille dame indignée.

Rickie ne put s’empêcher de craquer et de commencer à pleurer.

— Mais ce n’est pas possible… Tout est entièrement ma de faute.

— Enfin, jeune homme, qu’est ce que vous racontez ? dit la vieille dame.

— Monsieur l’agent, s’empressa de dire la petite blonde, venez, cet homme sait des choses !

Un grand gendarme moustachu se faufila et pria Rickie de le suivre immédiatement. Impressionné, Rickie obtempéra sans discuter et monta à l’arrière du fourgon, expliquant qu’il y avait eu méprise. Mais le gendarme ne sembla pas en tenir compte. Il avait beaucoup de questions à lui poser.

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