Captain ATOMIK et Emerald Knight (Tous les chapitres)

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So you’re leaving in the morning…

L’alarme de son téléphone réveille Laëtitia, encore léthargique de sa nuit. « Merde déjà le matin ». Elle pivote la tête sur son polochon et constate la présence d’un beau brun endormi. Les souvenirs de la veille lui reviennent. Plusieurs verres entre copines dans différents bars, une sortie en discothèque, une danse sensuelle avec cet inconnu, un terminus dans son appartement du 18e étage. Elle ne se rappelle plus de son prénom « Denis, Sébastien, Amaury… ». Aucun souvenir… Mais tant pis, ça n’a pas d’importance. Et ce n’est pas vraiment la première fois. Un de plus pour passer son ennui.

Elle ouvre son téléphone, posé sur sa table de nuit. Elle constate immédiatement que sa réanimation n’était pas due à son réveil. Un appel de son cameraman. Évacuant son lit en urgence, elle fonce vers sa cuisine. Elle empoigne son peignoir accroché à la porte de sa salle de bain. Allume sa cafetière, laissant couler un bon expresso. Et aussitôt, rappelle son partenaire de travail.

— George, je suis en repos ce matin, pourquoi tu m’appelles d’aussi bonne heure ?

— Laëtitia, ramène-toi tout de suite à la frontière Sud de New State Dorning, Porte Aristate Blet ! Un groupe de Nidders fonce sur la ville. Ils sont en marche ! D’après les experts, ils seront à portée de vue d’ici environ deux heures. L’armée commence ses préparations. La plupart des journaux et chaînes de télé ne devraient pas tarder à débarquer. En cyber-scooter, tu devrais pouvoir être là en une heure et demie.

« Une heure et demie ? Tu me sous-estimes toujours George, une heure suffira ! » se dit Laëtitia. Sans perdre une seconde, elle se rince sous la douche, fonce vers son dressing et enfile une tenue qui conviendrait à l’écran. Journaliste indépendante, elle se doit d’être impeccable pour ses internautes. Elle boit d’un trait son café, attrape une viennoiserie séchée et se dirige vers la porte. Avant d’introduire sa clef, elle entend le beau mâle sans nom sortir de sa chambre.

— Tu t’en vas déjà ?

— Désolée, j’ai une urgence. Sers-toi un café, prends ton temps et claque la porte derrière toi. Y’a un verrou automatique, pas de souci. Merci pour cette nuit Victor, c’était super !

— Alban, répond le brun ténébreux.

— Oui, Alain, c’est pareil ! corrige-t-elle en fermant la porte instantanément.

En selle sur son cyber-scooter, Laëtitia traverse à toute vitesse les avenues de Cafit Empire Town en direction de New State Dorning. Elle manie son engin depuis des années et connait tous les raccourcis et routes que son pays peut lui offrir. Elle est devenue journaliste pour pouvoir explorer les richesses de ce monde. Voyager, découvrir de nouvelles cultures, aller à la rencontre des populations autochtones. Tout ce qu’elle apprenait, elle souhaitait le partager avec ses fidèles. Sous le pseudonyme de Blue Bird, elle accumulait les vues sur ses articles. Mais ça, c’était avant le fameux incident…

« Encore une invasion de Nidders, c’est la septième en deux semaines… ». En tant que professionnelle, elle se veut être aux premières loges de cet évènement catastrophique. La population mondiale vit dans la peur et se doit d’être informée de ces attaques. Même si elle le cache auprès de ses collègues, Laëtitia possède aussi un intérêt personnel pour ces affaires.

Les Nidders… Personne ne sait d’où ils viennent. Cela a commencé il y a sept ans, dans la forêt de Jazmiel, près du pays Carsotep, connue de tout le continent Ouest. Deux de ces créatures ont été découvertes dans ce qui était anciennement appelé « le bois brillant ». Pourquoi utiliser le passé pour parler de cet endroit ? Car ces deux monstres avaient à eux seuls tout exterminé : animaux, végétaux, minéraux… Tout avait été déchiqueté, dévoré, et détruit jusqu’à la dernière miette. Suite à ce massacre, les deux Nidders avaient été capturés et étudiés par le gouvernement. Les scientifiques n’en tirèrent pas grand-chose mis à part les caractéristiques suivantes : animal entre le reptile et l’insecte, six pattes le long de son corps, 40 cm de haut, environ 1,5 m de long, armé de deux pinces imposantes, suivis d’un trou rempli de dents acérées, une carapace robuste pourpre, une petite queue épaisse… Ces deux spécimens furent analysés sous toutes leurs coutures. Les tests démontrèrent une surprenante résistance. Rien ne transperçait leurs ossatures : coupe, écrasement, arme à feu, laser… Aucune température extrême ne les affectait : froid, gèle, feu, lave… Cette invulnérabilité était plus qu’inquiétante. Même le poison, l’électricité ou le gaz ne les blessaient. Mais le plus effrayant était leur appétit infini à tel point qu’ils commencèrent à dévorer leur prison de métal. Tout le laboratoire de West Winktor, aidé par l’armée du pays de Carsotep, était sur le front afin de confiner au mieux ces deux créatures. Ils n’eurent pas de problème à les maitriser pendant quelques mois. Mais cela ne dura pas… Les Nidders débutèrent leurs pontes et donnèrent naissance à une progéniture tout aussi invincible. Le laboratoire de West Winktor tomba ainsi, dévoré par ce groupe d’insectoïdes. L’armée ne put riposter et la plupart des villes aux alentours furent englouties. Ce premier génocide fut connu sous le nom du « massacre de Carsotep ». Aujourd’hui, ils apparaissent par surprise de sous terre et consomment tout ce qu’ils croisent. Chaque cité du monde respire la terreur et craint une agression de ces voraces.

Laëtitia arrive au point de rendez-vous donné par George, grâce à la trace GPS communiquée. Un bon spot en hauteur afin d’assister à la scène qui va se dérouler. Il est accompagné de deux assistants photographes dont les prénoms lui échappent encore.

— Rifi et Fifi vous restez ici, s’écrie la journaliste, vous me mitraillez le combat, je veux tous les détails en visuel. Un avec l’appareil photo à vue télescopique, l’autre avec le drone camouflage. George, tu viens avec moi, on se dirige au plus près de l’infanterie.

— Ils ont mis une zone de sécurité. On va se faire dégager si on s’approche trop.

— Euh enchanté, Laëtitia Tirandier, lui répond-elle d’un ton sarcastique, il faut croire que malgré plusieurs années à travailler ensemble, tu ne me connais toujours pas. Ne t’inquiète pas, avec moi on va être au-devant de l’action.

En effet, Laëtitia est une experte dans la persuasion. Quand elle veut quelque chose, elle l’obtient à coup sûr. Et c’est ainsi qu’elle et George se retrouvent au plus près de ce chaos. Les militaires affolés suivent les consignes de leur commandant, ordonnant de tirer sans répit. Balles de fusils d’assaut, lance-roquette, missiles télécommandés, obus de char… L’offensive de la race humaine ne flanche pas une seconde. Et en face d’eux, un groupe de Nidders chemine sans s’arrêter vers la ville de New State Dorning. Aucun d’eux ne tombe sous la pluie de projectiles, seulement ralentis. C’était l’objectif de l’armée. Former un bouclier militaire et freiner la propagation. Le temps que leur sauveur arrive…

— Pourquoi n’est-il pas encore là ? crie l’un des soldats

— Gardez vos positions, lui rétorque le commandant, maintenez la cadence !

— Ils sont trop nombreux ! Je n’en ai jamais vu autant !

Un grondement retentit. Un éclat verdoyant jaillit du ciel. En un éclair, il atterrit face aux militaires. C’est un homme, enfin un surhomme. Une montagne de muscles exposée sous une combinaison bleue et verte. Une cape couleur écarlate lévitant au vent. Un grand sourire confiant se dresse sur son visage masqué. « Le voici votre sauveur », pense Laëtitia.

— C’est Captain Atomik ! Le héros de la nation ! Le destructeur de Nidders !

— Désolé pour le retard, je m’occupais déjà d’un groupe de voraces sur le continent Nord à Koalu Riots. Mais ne vous inquiétez pas ! Je suis là désormais. Bon travail messieurs dames !

En un instant, il s’envole à toute vitesse vers la vague de prédateurs. Les insectes reptiliens claquent leurs pinces, prêts à déchiqueter de la chair. Captain Atomik s’élance vers l’ennemi et prépare son attaque. Un rayon vert jaillit de sa main massive. « Atomic ray ! ». Le faisceau lumineux transperce une ligne de monstres, les exterminant. Le reste des Nidders continue leur avancée. « Fission Punch ! ». Le coup de poing dévastateur du héros détruit sur le coup une partie des créatures.

Sous le regard des militaires et du public, Captain Atomik continue sa purge face à l’assaut des voraces. Il est en effet la seule solution trouvée à ce jour face à cette menace. Aucune arme humaine ne fonctionnant sur ces créatures… Personne ne sait d’où lui viennent ses superpouvoirs. Mais un mois après la première attaque, Captain Atomik est apparu en sauveur avec la capacité de détruire ces vermines. Depuis plusieurs années, il est le protecteur des hommes à travers les quatre grands continents, volant à la rescousse dès l’arrivée surprise de Nidders. Un véritable héros mondial.

Sur le champ de bataille, les voraces entourent Captain Atomik et tentent de le dévorer. Il ne faiblit pas et continue ses attaques puissantes. « Putain, elles sont nombreuses aujourd’hui ces saloperies ! ». Il lui fallut un moment d’inattention pour se faire attraper le bras par un Nidder. Un homme ordinaire aurait péri sur le coup. Mais la force surhumaine du héros lui permet de résister à la pression des pinces. D’autres en profitent pour happer sa cape, la déchiquetant en un instant. « Proton beam ! » Un rayon vert sortant de son doigt éjecte les parasites. Ils sont trop nombreux. Ils ne lui laissent aucune seconde de répit. « Merde, je suis bientôt à court de jus ». Plus qu’une solution, se replier. Captain Atomik lance une dernière technique « Neutronal smash ! » et profite de la déflagration pour s’extirper de la fosse. Il s’envole et atterrit face aux militaires.

— Je suis désolé, il y en a trop, je n’ai déjà plus d’énergie… avoue le héros.

— Captain Atomik n’a plus de batterie, crie le commandant, amenez-lui une recharge immédiatement ! Dépêchez-vous, les Nidders n’attendront pas !

Les militaires se précipitent suite à l’ordre donné. Laëtitia, aux premières loges, sait très bien ce qu’il va se passer « Pauvres fous, il va le faire encore une fois ». Parmi la foule, un petit garçon blond est délogé par deux soldats. Il est amené face au sauveur. Avec un grand sourire, l’enfant est émerveillé par la prestance de son héros. Captain Atomik le regarde dans les yeux et lui met sa grande main sur son crâne.

— Tu t’appelles comment petit ?

— Co… Corentin ! répond-il en bégayant.

— Très bien Corentin, connais-tu ma phrase motto ?

— Oui Monsieur, dit-il en faisant un salut de sa main droite,

— Nous sommes Nation, nous ne sommes qu’un ! récitent-ils tous les deux en chœur.

Et en un instant, un éclat vert jaillit du corps du petit garçon, aspiré par le héros. Corentin continue de sourire. Le sauveur le regarde se décomposer. La lumière s’intensifie jusqu’à imploser. Il ne reste plus rien de l’enfant, même pas des cendres ou de la poussière. Un grand silence retentit dans le public. Un relent de dégoût monte dans la gorge de Laëtitia. « Encore un ». Une aura verdâtre entoure désormais Captain Atomik. Il a fait le plein d’énergie.

— Merci petit homme, ton sacrifice ne sera pas vain, susurre le super-héros, devant le vide qu’il vient de créer.

Il décolle en une seconde et fonce sur la horde sous les ovations du peuple. « Ionic Flash ! ». À l’aide de son rayon d’énergie, le héros vient de créer une brèche dans l’essaim de Nidders. Il se retrouve à nouveau au milieu du groupe, telle une provocation à leur égard. « Je vais vous détruire en un seul coup, saletés.» Son aura verte se concentre en un point. Les voraces se dirigent vers le surhomme. L’énergie accumulée entre ses mains est prête à être expulsée. « Explosive Fusion !» Une gigantesque explosion verte se répand autour du héros, annihilant la totalité des Nidders. Il n’en reste plus rien. Plus de créatures vivantes. Disparues en un instant. Aujourd’hui, le sauveur vient encore d'éliminer la menace.

Suite à sa victoire, Captain Atomik regagne la foule, qui l’acclame. La presse et les habitants de New State Dorning ont passé la zone de sécurité afin de s’approcher de lui, espérant une photo ou un mot de sa part. Laëtitia, bousculant ses concurrents, approche son micro près de lui et le sollicite avec rage.

— Monsieur Atomik, est-ce que tuer de jeunes enfants fait de vous un héros ? N’avez-vous vraiment pas d’autres moyens pour recharger vos pouvoirs ? Avez-vous des remords vis-à-vis des parents privés de leurs fils et filles ?

— Veuillez m’excuser, je dois déjà partir, esquive le Captain. Mais n’oubliez pas, tant que je serai là, les Nidders ne passeront pas. Nous sommes Nation !

— Nous sommes qu’un ! rétorquent les spectateurs avec ardeur.

Il s’échappe vers le ciel, laissant les questions des journalistes sur la touche. « Je suis sûre qu’il m’a reconnu, salopard ». Laëtitia éprouve en effet une profonde haine pour ce personnage. Son objectif est de l’éliminer moralement voire physiquement si un jour elle en a la possibilité. Sa vie a basculé il y a cinq ans. À cette époque, elle était encore journaliste culturelle. Ses articles avaient pour but de présenter les plus beaux aspects et secrets de ce monde. Elle voyageait puis rentrait chez elle à Cafit Empire Town écrire son papier. Son métier était son deuxième bonheur. Car le premier était de s’occuper de son petit frère, Jorgie. Ils étaient orphelins et elle ne cessa jamais de se battre pour subvenir à ses besoins. Grâce à sa notoriété journalistique, elle accomplit son objectif. Vivre de sa passion, avoir un toit dans la grande ville de Cafit Empire Town, payer une gouvernante lors de ses absences, avoir du temps avec son petit frère. Mais cette joie fut éphémère lors de l’arrivée de Nidders. C’était la première fois qu’une attaque avait lieu ici. L’armée et Captain Atomik ripostèrent face à cet assaut. Jorgie supplia sa sœur d’aller voir son héros en action. Ne pouvant rien lui refuser, elle accepta et ce fut sa plus grande erreur. Tout comme le petit Corentin, un enfant fut choisi pour servir de pile au sauveur. Malgré les cris et pleurs de Laëtitia, Jorgie fut amené face au Captain. Le petit garçon ne remarqua même pas que sa sœur était en train de se débattre contre plusieurs soldats. Son admiration pour le héros était trop grande. Alors que Laëtitia fut plaquée au sol, elle n’eut même pas le temps de le voir disparaitre. L’éclat vert avait eu raison de lui.

Depuis cet évènement, la journaliste concentre ses efforts dans l’édition d’articles anti-Captain Atomik. Elle veut réveiller les consciences sur ce fléau. Ce soi-disant héros. Du fait de ses positions radicales, elle fut rapidement éjectée de son job et du milieu journalistique. Elle décida de travailler à son compte dans la presse à scandale, monta sa propre équipe et rassembla des fidèles. Essentiellement des anticonformistes et personnes ayant perdu aussi quelqu’un lors de ces sacrifices. Elle s’est reconvertie sous le pseudonyme de Grey Bird. Son but : faire disparaitre Captain Atomik. Mais elle n’est pas stupide. Elle sait que sans lui, les Nidders consumeront le monde. Cependant, elle ne supporte plus l’hypocrisie de la population et la banalité que sont devenus ces meurtres d’enfants.

Une fois rentrée chez elle, Laëtitia décide de se défouler dans la salle de sport de son immeuble. Un stand de tir à l’arc y a été installé. C’est devenu son nouvel hobby. Ses anciennes passions, la photo et la lecture l’ennuient profondément. Depuis plus un an, son livre de chevet « les trois frères épéistes » n’a pas avancé. La seule activité qui la détend désormais est le maniement de la flèche. Préparer son arme, bander l’arc, viser et tirer en plein dans le mille. Évidemment, c’est le visage du Captain qu’elle voit au centre de la cible. « Ne t’en fait pas Jorgie, un jour je trouverai un moyen de te venger ».

Quelques jours plus tard, Laëtitia sort de son sommeil au côté d’un autre inconnu. La sonnerie de son téléphone retentit. C’est George qui l’appelle à nouveau. Encore une future attaque de Nidders à deux-trois heures de chez elle, vers Darouty City. Une journée devenue anormalement ordinaire. Elle débarque sur la zone de conflit comme son partenaire lui a indiqué. Des flashs verdoyants retentissent dans tout le paysage. Captain Atomik est déjà sur place, combattant les affamés.

— Madame, regardez ! s’exclame l’un des assistants, lui tendant son appareil. Il y a quelqu’un d’autre sur le champ de bataille.

La journaliste regarde dans l’objectif et voit en direct la scène. Le super-héros n’est pas le seul à détruire les créatures insectoïdes. Un homme au capuchon et à la tenue kaki combat lui aussi. Armé d’une épée à la lame verte, il tranche les bêtes avec une grande facilité et rapidité. « Comment cet épéiste arrive-t-il à découper ces créatures, là où même les armes à feu sont inefficaces ? ». Alors qu’il continue de tailler en morceaux ses ennemis, l’homme au capuchon ne remarque pas derrière lui un Nidder. Le monstre lui saute instinctivement à la gorge. Il n’a pas le temps de dégainer sa dague de sa ceinture pour se défendre. Mais par chance, la créature est stoppée à temps par le poing surpuissant du Captain Atomik, l’écrabouillant au sol.

— Encore là ? Tu es vraiment têtu ma parole.

— Même le lion a besoin parfois de l’aide d’une petite souris, lui répond le héros encapuchonné.

— Soit, mais ne traîne pas dans mes pattes. Et ne te plains pas si jamais tu es pris dans mes déflagrations, tu as été prévenu !

— Ne vous inquiétez pas Captain, je reste sur le flan Est, rétorque-t-il avec un sourire.

Les deux hommes se séparent et foncent chacun de leur côté au travers de l’invasion de Nidders. La victoire est totale. Darouty City est saine et sauve. Comme à son habitude, le super-héros aux muscles saillants profite d’un bain de foule. Mais pas l’épéiste. Il a tout simplement déguerpi de la scène. Il a intrigué Laëtitia à tel point qu’elle en a oublié d’aller au conflit avec son ennemi, son tueur d’enfants. « Qui es-tu, héros à la lame verte ? »

Décochant ses flèches sur son stand, la journaliste est toujours en train de penser à ce qu’elle a observé il y a quelques jours. Elle a missionné son coéquipier pour trouver des informations sur ce nouveau héros dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence. Un plan commence à mijoter au sein de sa tête. Une solution pour combler la haine qu’elle a accumulée depuis toutes ces années. Sa flèche manque sa cible suite au retentissement de son téléphone. C’est George !

— Alors qu’as-tu trouvé sur lui ?

— Et bien ce n’est pas la première fois qu’il intervient sur le terrain. Plutôt sur le continent Sud. Il est apparu il y a quelques semaines sur le champ de bataille de Finlaj Dope. Tout comme pour Darouty City, il est venu en aide au Captain Atomik pour contrer l’envahissement de Nidders. Il est seulement armé d’une épée et d’une dague. Toujours le même accoutrement. Il a été surnommé Emerald Knight.

— D’autres choses ?

— Et bien en triangulant ses premières apparitions et avec l’aide de mes contacts, j’ai réussi à trouver son identité et son logement. Il n’a pas l’air d’avoir voulu le cacher.

— Très bien, envoie-moi tout ça, je prends le premier avion pour aller à sa rencontre.

— Tu y vas seule ? Tu n’as pas besoin de moi pour l’interview ?

Laëtitia n’y va pas pour écrire un papier sur l’Emerald Knight. Elle possède une stratégie bien huilée qu’elle doit lui présenter. Sa force de persuasion va le transformer en un pion qu’elle maniera avec dextérité. Un atout pour se débarrasser des deux menaces de ce monde.

Le voyage sur le continent Sud ne l’a pas fatiguée. Elle est d’aplomb comme elle ne l’a pas été depuis longtemps. Louant une voiture automatique, elle tape l’adresse que lui a transmise George. Un coin paumé dans les plaines de Jufors. Le véhicule démarre et emporte la journaliste vers sa destination. Pas un seul regard sur le paysage, uniquement à se répéter les étapes de son plan. Une fois sur place, elle découvre un magnifique dojo, une habitation paisible au milieu de la nature. Des arbres et des points d’eau entourent ce lieu. « Belle maison que tu as là, Emerald Knight ». Elle s’approche du portail. Celui-ci s’ouvre avant même qu’elle puisse dénicher la sonnette. Elle monte les escaliers en bois et se retrouve face au domicile du héros. Un homme en chemise l’attend à la porte. Laëtitia est frappée par son charme : cheveux foncés mi-long, une courte barbe, des yeux bleus étincelants, un sourire charmeur… Mais elle le reconnait. Il s’agit bien du guerrier à l’épée. George lui a envoyé des photos avant son départ. Même sans costume, elle sait qui il est vraiment. Charles Clarens.

— Enchanté Mademoiselle Tirandier, je vous attendais, lui dit l’hôte.

— Vous connaissez mon nom ? Ainsi que ma venue ? répond la journaliste surprise.

— Bien sûr, vous croyez que je laisse n’importe qui venir à ma rencontre ? Dès que j’ai appris que vous étiez à ma recherche, j’ai volontairement laissé mes informations personnelles fuiter vers votre collègue. De plus, je regarde aussi votre blog chère Grey Bird. Un point de vue intéressant. Mais, j’oublie mes manières, entrez donc !

Laëtitia, encore sous le choc de ce retournement de situation, pénètre dans la demeure du héros. Un bel intérieur, sublimé par une décoration atypique. Un subtil mélange entre l’ancien et le moderne. Son costume est exposé dans une vitrine pas loin de l’entrée. Son épée placée sur un support en bois, prête à être dégainée. Reprenant ses esprits, Laëtitia commence à présenter son projet.

— Je ne vais donc pas y aller par quatre chemins. Vous connaissez mon opinion sur le Captain Atomik. Il est dangereux pour notre population. Il tue des enfants innocents à chacune de ses interventions. Le nombre d’attaques de Nidders augmente exponentiellement. À ce rythme, il n’y aura plus de nouvelles générations. De plus, rien ne nous assure qu’il contrôle à 100 % ses pouvoirs. Imaginons qu’il provoque une explosion rasant une ville entière. J’ai les preuves et arguments prouvant le côté maléfique de ce soi-disant héros. Il me manquait seulement une chose. Un moyen alternatif de détruire les Nidders. Et je l’ai trouvé avec vous. Vous pouvez devenir le nouveau héros mondial à la place du Captain Atomik.

Emerald Knight la regarde avec attention. Un petit sourire en coin s’affiche sur son visage.

— Je suppose que vous souhaiteriez que je l’élimine aussi ?

— C’est en effet une réflexion à avoir, répond Laëtitia. Il ne laissera sûrement pas échapper sa gloire comme ça. Mon plan est que vous profitiez d’un de ses moments de faiblesse face aux Nidders pour l’éliminer et faire passer ça pour un coup fatal d’un vorace. Vous sauverez derrière la population et deviendrez le nouvel espoir de l’humanité. Et aucun meurtre d’enfants pour y arriver. J’ai étudié le Captain depuis des années, je connais tous ses points faibles pour arriver à nos fins. Et s’il faut vous payer pour ça, j’ai de l’argent. Donnez-moi votre RIB, et votre prix sera le mien.

Charles Clarens ne réplique pas tout de suite. Il avance tranquillement et prend place dans un fauteuil. Ses yeux bleus transpercent ceux de Laëtitia, attendant le moindre acquiescement de sa part.

— Je vous savais déterminée. Mais à ce point, cela en devient terrifiant. C’est même une démence à mon goût.

Elle ne s’attendait pas à avoir ce retour de sa part.

— Dites-moi, pour une journaliste vous avez oublié une question essentielle. Comment suis-je capable d’éliminer des Nidders ? Exploit que seul Captain Atomik réussit avec ses rayons d’énergie.

— Je suppose avec cette arme, répond Laëtitia en pointant du doigt l’épée cachée dans son fourreau.

— En effet, je la surnomme Cinetik. Ainsi qu’avec ma dague Ventis. Leurs lames sont composées d’un matériau rare couleur émeraude. J’ai fait de nombreuses recherches sur ces voraces. J’ai pu constater dans les mines, désaffectées par ses créatures, qu’il ne restait uniquement de la terre et des fragments de ce métal. Jamais entamé, jamais abimé. Après plusieurs expéditions, j’ai fait le constat que les Nidders ne le consomment pas, y étant vulnérables. Une sorte d’allergie ou de kryptonite. J’en ai fait moi-même des armes et j’ai pu remarquer leur efficacité. Le seul métal à pouvoir anéantir ces monstres.

— Où voulez-vous en venir ?

— Je ne suis qu’un homme avec de l’entraînement. Je manie en effet mon arme à la perfection. Mais je reste loin d’être un surhomme comme le Captain. Combien de Nidders pensez-vous que je sois capable de tuer ? La vérité, c’est que même en pleine forme, je ne pourrais pas en abattre plus de cinquante. Captain Atomik peut en détruire des milliers en un instant.

— Vous pouvez le remplacer, j’en suis sûr !

— Vous me surestimez trop, alors que vous ne m’avez vu à l’œuvre qu’une seule fois. Ou bien souhaitez-vous aussi m’envoyer à la mort ? La vérité est que je suis incapable seul de contenir un assaut de Nidders. Votre plan est donc voué à l’échec depuis le départ. Le Captain est aujourd’hui notre seul salut.

— Mais c’est un assassin, s’énerve Laëtitia. Avez-vous conscience du nombre de vies qu’il a ôté pour réaliser ses exploits ?

— Et vous, vous n’êtes aveuglée que par votre colère depuis qu’il a tué votre frère ! rétorque sur le coup Charles.

Laëtitia s’arrête nette, choquée par ce qu’elle vient d’entendre de la bouche de cet inconnu.

— Comment savez-vous pour mon petit frère ?

— Vous n’êtes pas la seule à savoir faire des recherches. Et vous n’êtes pas la seule à avoir perdu quelqu’un. Il y a quatre ans, ma nièce a été choisie comme sacrifice. Moi aussi, j’ai été en colère. Mais si je suis devenu ce que je suis, ce n’est pas pour me venger du Captain Atomik. À votre avis, pensez-vous vraiment qu’il prend plaisir à tuer ces enfants ? Pensez-vous vraiment qu’un héros apprécie sa mission tout en sachant qu’il enlève la vie de ses admirateurs ? Mais a-t-il le choix ? Au tout départ, quand les invasions étaient rares, il n’avait pas besoin de cette ressource. C’est depuis ce surmenage qu’il est obligé de consommer la vie d’enfants. Continuerait-il s’il y avait une autre solution ? Ses pouvoirs ne sont pas une bénédiction des dieux, mais un fardeau que lui seul est en train de porter sur ses épaules. Avant de le blâmer, réfléchissez un peu à sa condition !

— Mais on ne peut pas continuer comme ça !

— Je suis entièrement d’accord avec vous. Nous ne pouvons pas être passifs. Et j’ai une solution à vous proposer si vous souhaitez l’écouter.

Laëtitia se tait, attendant la suite. Une sensation étrange parcourt son corps. Sans s’en rendre compte, elle est en train d’être persuadée par quelqu’un d’autre qu’elle-même.

— Je vous ai expliqué les attributs de ce métal vert. Mais les gouvernements refusent de m’écouter et d’investir dans des recherches sur le sujet. Trop paresseux ? Trop risqué ? Peur du changement ? Ou trop inquiet de se séparer du Captain Atomik. Imaginez perdre son symbole mondial. Dans tous les cas, comme vous l’avez bien remarqué, les politiques sont aveugles face aux décès des enfants.

La journaliste l’écoute avec attention. C’est comme si sa vision du monde est en train de changer sous ses yeux. Emerald Knight continue ses explications.

— Le nombre de Nidders ne cesse d’augmenter sans aucune explication. Même si j’ai personnellement une théorie qui lierait la peur des hommes à la reproduction de ces monstres. En tout cas, le Captain est de plus en plus sollicité. J’ai donc décidé moi-même de faire avancer les choses à ma manière. Je m’entraîne tous les jours au maniement de l’épée. Je combats des Nidders. Même si j’en élimine très peu comparé à lui, c’est toujours quelques voraces en moins. Je souhaite qu’à terme, il y en ait de moins en moins à anéantir. Et donc, moins d’énergie à utiliser. Ce qui signifie moins d’enfants sacrifiés. C’est pour ça que j’ai commencé à enseigner cet art du combat à des élèves. Nous fabriquons des armes à base de métal verdoyant. Et un jour, mon dojo grandira. Nous serons de plus en plus face aux Nidders. Une armée si grande pour moins dépendre du Captain. Le rêve serait qu’il puisse prendre un jour sa retraite, mais j’en doute fortement… Nous devrons donc toujours combattre à ses côtés. Mais, espérons-le un jour, sans enfant tué. En plus, si ma théorie est avérée sur l’origine de ces créatures, une armée ne craignant pas cette menace ne peut être que bénéfique pour nous. Voilà mon objectif Laëtitia. Ma façon de me débarrasser de votre ennemi.

Laëtitia est est perturbée par ce discours. Elle comprend le point de vue de ce nouveau héros mais ne peut s'empêcher de haïr le Captain. Pourtant, elle décide de revenir voir Charles plusieurs fois par semaine afin de discuter avec lui de sa vision du monde et de la menace des Nidders. Au fur et à mesure, elle décide de commencer à l'aider en utilisant ses talents de journaliste. Un nouveau site est alors créé mettant en lumière dans différents articles la cause de Emerald Knight afin de sensibiliser le monde. Il faut que le peuple réagisse pour faire bouger ces politiques. Un nouveau pseudonyme en signature : Green Bird.

Deux mois après la rencontre avec Charles, celui-ci lui fait une autre proposition.

— Votre aide nous est précieuse. Mais vous pouvez en faire bien plus… Venez avec moi.

Laëtitia, étonnée, suit le héros à travers sa demeure. Il ouvre la porte battante menant sur un grand jardin. Sur le terrain vague, un jeune homme et une adolescente sont en train de s’affronter.

— Je vous présente mes deux seuls disciples. Nous sommes encore loin d’être une armée, s’éclaffe Charles. La jeune femme aux deux katanas se surnomme Solurai. Et le garçon à l’épée lui s’est choisi le nom de Hydrarrior. Tous les deux veulent contrer la menace des Nidders. Nous avons donc forgé ensemble leurs armes avec du métal vert. Et depuis plusieurs semaines, ils s’entraînent jusqu’à être prêts pour faire face réellement aux affamés.

— Et qu’attendez-vous de moi ?

— Je souhaite que vous soyez ma troisième disciple. Rejoingnez nos rangs ! Et translatez votre colère vers le véritable ennemi. Nous avons besoin de gens comme vous. Seuls, nous ne nous pourrons rien. Mais comme le raconte ce fameux roman des trois frères épéistes, l’union fait la véritable force. Ce n’est qu’une fois cette fratrie, anciennement fâchée, réunie qu’elle réussira à se débarrasser du monstre ténébreux.

À son regard, Charles comprend instantanément qu’elle est convaincue et déterminée. Elle a pris sa décision. Il s’approche d’une porte et en dévoile son contenu. Une salle entière dans laquelle y sont entreposées des armes en tout genre : épée, sabre, masse, hache… Les parties pointues brillant telles des émeraudes.

— Il te faut en choisir une. Elle sera ta partenaire durant tes futurs combats, déclare le héros.

Laëtitia n’hésite pas très longtemps et se dirige vers un arc et son cargo de flèches à l’embout verdâtre. Elle prépare son équipement et commence à viser vers l’extérieur. Son objectif : la cible du terrain d’entraînement. Au centre, le visage du Captain Atomik commence à se dissiper et laisse place à celui d’une saleté de Nidder.

— D’ailleurs mon surnom à moi est Héloïde et non pas Emerald Knight. La presse n’a pas vraiment de goût, précise le guerrier. Il te faudra aussi un nouveau nom.

  • Mmmmhça sera Green Bird, répond-elle en décochant sa flèche.

La pointe verdâtre atteint en plein centre la cible. Finallement, le visage du Captain est à nouveau apparu.

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