Avortement

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Trois années ont passé quand elle rencontra un petit copain, plus jeune qu'elle. Il venait voir ses frères et elle. Il était gentil. Avec sa façon de la regarder, de lui sourire, elle avait l'impression d'être unique.

Puis un matin, rebelote, nausées. Son amie pensait à une gastro, mais elle non. Elle le savait au fond d'elle. Elle était plus âgée, certes, mais pas plus libre que trois ans plus tôt. Elle prit rendez-vous chez son médecin qui confirma la grossesse. Ce fut la descente aux enfers. Son jeune ami l'a rejetée, lui faisant comprendre que c'était sa faute, sa soi-disant meilleure amie lui rappela qu'elle n’avait qu'à faire gaffe. Après l'abandon de tout ce petit monde, ce fut le regard de ce père. Un regard qui exprimait tout le dégoût pour ce deuxième dérapage. A-t-il pris conscience, à ce moment-là, qu'il aurait pu être le père de cet enfant, car son viol, n’avait eu lieu que quelque mois plus tôt !

Pourtant, cette fois-ci, c'était différent. Elle était plus âgée, avec le désir d'être mère ancrée en elle. Aurait-elle pu élever un enfant, en étant encore au lycée, avec un copain qui ne voulait plus d'elle et des amies tout aussi absentes que les autres ? Autant de questions sans réponses.

Le rendez-vous à l’hôpital, où cette fois, elle se sentait coupable. Le regard du médecin, la psychothérapeute qui essayait de vous faire changer d'avis. Avec, toujours là, présent comme un roc, le père qui ne changea pas d'avis.

La date de l'opération fut notée pour la semaine suivante. Ce fut la pire des semaines. Vacances de Pâques. Personne ne lui parlait. Elle était la coupable ! C'était elle la fautive.

Son seul soutien fut sa cousine Véronique, la nièce de sa mère, qui habitait Paris. Un jour, elle s'est cachée dans le placard du bureau, avec le téléphone. Elle l'a appelée, et elle lui a tout raconté. Quand sa cousine lui a demandé où elle se trouvait, elle lui répondit que c’était le seul endroit où personne ne pouvait la juger du regard.

Sa cousine lui proposa de venir la chercher à sa sortie de l’hôpital et d'aller passer quelques jours de vacances chez elle.

La nuit fut dure, car une fois seule, le cerveau travailla. Comme le corps. Ils se souvenaient tous les deux d'être déjà venus là. Ils savaient ce qu'il allait se passer. La peur, la honte, les regrets. Cet enfant, qui grandissait dans son ventre, cette fois-ci, elle savait qu'il était là, ce n'était pas un film. Les vomissements dans la nuit, les larmes firent d'elle une jeune femme fatiguée au matin.

Cette fois-ci, ce ne fut pas son père qui la conduisit à l’hôpital, mais le père de son enfant, accompagné de leur meilleure amie qui, à cette occasion devinrent très complice. Elle était pressée que tout cela soit fini, et que sa cousine Véro vienne la chercher à sa sortie de l'hôpital. On n'imagine pas, la boucherie, toutes ses femmes qui étaient là, dans le couloir attendant leur tour, pour faire retirer un enfant pour certaines, simplement quelque chose d'encombrant pour d'autres.

Elle se souvient de ce moment, allongée sur cette table froide. Le regard des anesthésistes était déroutant. Elle était là, effrayée, fatiguée, usée par la vie, même si elle était jeune. Peut-être qu'inconsciemment, elle a eu ce désir de partir avec lui…

Le lendemain, à son réveil, la femme qui partageait sa chambre lui a annoncé qu'elle avait fait peur aux chirurgiens, car son cœur avait lâché, et ils avaient eu du mal à la réanimer.

Sa cousine est venue la chercher et, après quelques jours de vacances, la vie a repris son cours, le lycée, la préparation du bac.

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