Chapitre 2

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A l'annonce du verdict, les deux retraités poussèrent à l'unisson un petit couinement qui vint mourir sur leurs lèvres tremblantes. Yvan laissa retomber ses bras et se tourna vers eux, d'un seul bloc.

  • Heureusement, je suis là pour cela.

Il enleva sa veste et la posa dans un coin de la pièce, nue de meubles. Il y fouilla un instant et en retira un piment rouge vif, un sucre brun, une minuscule fiole contenant un liquide à l'origine indéterminé et un briquet.

  • N'ayez crainte. Nous n'avons pas affaire à des âmes. C'est une vieille maison, très ancienne...

Yvan décapsula la fiole et en coinça le petit goulot avec son pouce. Tout en parlant il en jeta quelques gouttes aux quatre coins de la salle.

  • Une maison, cela emmagasine des souvenirs, des émotions. Dans celle-ci, elles furent heureuses. Un bonheur familial que la demeure a gardé en mémoire. Une charge émotionnelle trop intense. C'est cela que vous ressentez, monsieur.

L'homme les laissa seuls quelques instants, finissant son tour de la villa. Il revint pour s'agenouiller au milieu du salon.

  • Je vais maintenant éloigner ce trop-plein et permettre à la bâtisse de vous accepter...

Yvan frotta le piment rouge contre le carrelage en murmurant des litanies qu'ils n'arrivèrent pas à saisir. Il se releva, comme terrassé par une grande fatigue, le visage grimaçant de douleur. Yvan tendit le piment devant lui et d'un geste vif ouvrit le zippo gravé de l'Archange Saint-Michel tenant une épée des deux mains, lame vers le bas. On pouvait y lire la devise : « Veritas Animus ». La flamme jaune ondula autour du piment, le léchant avidement. Un étrange parfum à la fois doux et piquant envahit la pièce. Ils regardèrent le légume se consumer jusqu'à la fin.

Yvan mit les restes dans un mouchoir et l'enfouit au fond de sa poche.

  • Voilà, vous n'avez plus rien à craindre... Promenez-vous dans la résidence, dites-moi ce que vous ressentez.

Les parisiens firent le tour et revinrent vers Yvan avec un soulagement évident.

  • C'est parfait ! Merci ! Merci beaucoup monsieur !

Ils voulurent lui serrer la main mais il avait encore le sucre roux dans la paume.

  • C'est une de... de vos armes contre les forces du mal ?
  • De quoi ? Ce sucre ? Non, c'est pour moi !

Yvan croqua le sucre avec un sourire.

Les retraités riaient encore en montant dans la voiture de l'agent immobilier. Yvan resta seul sur le seuil pour faire un dernier tour et fermer la maison. Quand la voiture tourna dans la rue principale, son sourire s'effaça pour laisser place à un visage déformé par la haine.

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