Chapitre 5

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Il avait dormi plus que de raison. Le milieu de l'après-midi était déjà bien entamé. Yvan resta assis sur le bord de son lit pendant plusieurs minutes, le front soucieux. Le changement dans le souvenir le laissa perplexe. Il ne fallait pas être un grand spécialiste pour comprendre que son don voulait le prévenir. D'un danger ? Ou tout simplement qu'il ne devait pas compter sur la disparition de cette maudite faculté ? Il se dirigea vers le salon. Ses parents lui avaient laissé cette belle petite villa accrochée aux pentes de Sète, au-dessus de la Corniche, avec vue sur la Méditerranée. Il contempla la mer aussi plate que son humeur. Le soleil lui apportait un réconfort bienvenu. Il avait enlevé la presque totalité des meubles, ne laissant que le strict nécessaire. Il aimait les espaces vides, fonctionnels, sans surcharges inutiles. Au mur il ne restait qu'une seule décoration : une grande photographie d'un navire à voiles, cadeau d'un certain Jean-Paul M. ami de son père. Yvan était sensible à ce que montrait l'oeil de l'artiste, sa douceur, sa légèreté, et son optimisme. Il aspirait aux trois mais n'en possédait aucun. Il n'y avait pas objets modernes non plus : pas d'ordinateur, pas de smartphone ni de télévision. Son « talent » maudit perturbait ces technologies quand il restait trop longtemps à proximité. Sa mère lui avait donné pour ses dix-huit ans une montre familiale, une sorte de trésor bien gardé, une rare Fifty Fathoms 1953 de chez Blancplain. Elle possédait une cage intérieure qui la protégeait des champs magnétiques. Il ne la déréglait pas, contrairement aux montres actuelles. Il se fit un thé russe et sortit sur la terrasse pour le déguster. Le bruit de la circulation à cette heure de pointe ne le dérangea pas trop. Des touristes commençaient à envahir la ville à l'approche de l'été et déambulaient sur la promenade de la Corniche. Il n'avait pas de travail prévu pendant au moins une semaine. Il resterait sobre pendant ce temps-là. Yvan se mettait souvent à l'épreuve afin de se rassurer sur son rapport à l'alcool. Il pouvait ne pas boire pendant des mois, sans en ressentir le besoin mais il devait alors observer des habitudes strictes. Il ne visitait pas de nouveaux lieux, ne fréquentait pas de nouvelles personnes et n'empruntait pas des rues inconnues. Lorsqu'il était dans ces périodes-là, sa franchise pouvait lui jouer de très mauvais tours. Mentir lui était impossible sans l'aide de la boisson. Le téléphone sonna, le tirant de ses pensées. Il se dirigea vers l'antique poste, un modèle crapaud des années 1960, gris et austère.

  • J'écoute ?
  • Salut Yvan ! Fit la voix de tête d'Elodie, la seule amie qu'il avait réussi à conserver.
  • Bonjour Elodie, un plaisir de te parler.
  • Tu es dans une période sobre ou pas ?
  • Je la débute. Pourquoi ?
  • Que dirais-tu d'un bon vieux film et de pizzas ? J'ai pu me procurer de nouvelles bobines.
  • Allez ! Je commande les pizzas, rendez-vous à dix-neuf heures ?
  • Allez !

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