Chapitre 21

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Yvan Urusawa se dégagea des décombres, évitant de toucher Jean-Paul. Il tituba, pris de nausée et luttant pour ne pas perdre l’équilibre. Le mal qu’il venait d’ingurgiter voulait sortir à tout prix. Il pouvait toujours essayer. Le médium ne le laisserait pas faire. Il fouilla dans son sac et en sortit une paire de gants qu’il enfila et une cagoule qui ne laissait apparaître que ses yeux. La moindre parcelle de sa peau nue devait à présent rester à l’abri de tout contact avec un être vivant. D’une main fébrile il ausculta rapidement Jean-Paul. A part une vilaine coupure au front, il allait bien.

  • Hey ! Là-haut, ça va ? fit la voix d’Anne.
  • Oui… J’ai réussi. Nous avons encore une étape à franchir. Je descends avec Jean-Paul. Je vous lance les sacs.

Jean-Paul se releva à son tour, une main poisseuse de sang sur son front. Arcade ouverte. Rien de grave même si c’était toujours impressionnant.

  • Vous pouvez continuer ? demanda Yvan en lançant le dernier sac dans le trou.
  • Oui, ça va aller. Je vais me bander la tête une fois en bas. Tiens, vous jouez au GIGN ou quoi ?
  • Je vous explique une fois tous ensemble. Allez, venez, je vous aide…

Tower était assis contre un mur, une attelle tenant sa cheville droite. Cassée en tombant. Yvan inspecta les lieux. La trappe devait, autrefois, posséder un escalier escamotable, mais le temps avait fait son œuvre et l’ensemble avait cédé sous le poids du légionnaire. Ils étaient dans une pièce assez grande, toute en béton. Ici les bureaux étaient en meilleur état car en métal. Il y avait des téléphones, des machines à écrire, des placards à dossiers des années trente-quarante. Une énorme porte métallique avec un hublot trônait du côté nord. Les lampes avaient été posées sur le bureau le plus proche. La lumière jaune plongeait le décor dans une ambiance sépia. Anne lisait les quelques feuilles ici et là, fouillait dans les casiers pendant qu’Yvan expliquait la suite des opérations.

  • J’ai libéré les âmes innocentes. Je pense qu’elles devaient être dans cet état après avoir subi des tortures ici, dans ces sous-sols. J’ai aussi pu aspirer le mal qui imprégnait la maison. Nous n’avons plus rien à craindre de lui. Par contre, il y a quelque chose au-delà de cette porte. C’est l’origine. Nous devons y mettre fin.

Yvan montra ses gants :

  • En aucun cas vous ne devez toucher ma peau. Si vous le faites, vous mourrez instantanément, dévoréspar le Mal. Vous le tueriez en retour mais c’est un sacrifice que je ne peux pas vous demander.
  • Alors comment fais-tu pour évacuer cette… ce… le Mal ?

Heureusement qu’Yvan portait une cagoule. Personne ne put donc voir son état de désarroi quand il entendit la question. Il pouvait tout simplement éviter de répondre. Il pouvait aussi mentir. Dire la vérité lui coûterait certainement la sympathie de ceux qui étaient devenus des amis. Le médium tritura ses mains prisonnières du cuir.

  • La vérité va vous éloigner de moi.

Les autres gardèrent le silence.

  • Il n’y a qu’un seul moyen de m’en débarrasser, c’est de faire un échange équivalent. Pour être clair, une vie pour une vie. Plus le Mal est puissant, plus j’ai besoin d’un être vivant important. Normalement je vais en forêt pour chercher des arbres en fin de vie et… Bref, je mets mes mains sur un arbre assez vieux et grand pour que le mal se consume en même temps que l’essence de vie du végétal. Je pourrais tout aussi bien le faire sur des animaux ou des humains, mais je m’y suis toujours refusé, depuis que j’ai accidentellement usé de ce pouvoir sur un être cher… Je suis un être abject…

Mémé Fujimi lui serra tendrement l’épaule et lui murmura avec un amour sincère :

  • Tu n’étais qu’un enfant et tu ne pouvais pas savoir. Je ne t’en ai jamais voulu. Mon heure était venue et comme tu peux le voir, j’avais moi aussi plus d’un tour dans mon sac.

Yvan se redressa, affrontant le regard de ses compagnons. Ils se tenaient agenouillés devant lui, les mains posées sur ses genoux, le visage bienveillant.

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