L'arme pour sauver le monde ? Une larme d'authenticité.
Il m’arrive d’être parfois dans un triste état, que je n’arrive pas à cerner l'ampleur de mon ressenti. Mes yeux se brouillent ; beaucoup en ce moment, j'y vois moins clair, je reste sur place. Adossée contre le mur de la cuisine, je fixe un point, au loin, sans savoir exactement ce que je regarde, qui je regarde et encore une fois les larmes s'écrasent sur mes joues. Je les avale, elles ont le goût d'un je ne sais quoi, un parfum salé qui n'assaisonne rien. Un mouchoir serré au creux de mes mains, j'essaie de mettre de l'ordre dans ma tête. Je ferme les yeux, je respire profondément, j'attends que le chemin devant moi redevienne visible. Je ne m'enfoncerai pas dans la brume, je veux y voir clair, je ne risquerai pas la sortie de route.
C’est quand j’accepte de réaliser que ce point douloureux dans la poitrine, c'est de la peine qui ne demande qu'à s'écouler. Un morceau de musique lent et calme, quelques photos et les larmes se mettent à couler et le poids sur le cœur semble disparaître.
Je sais le goût des larmes versées sur un oreiller, à côté d'un oreiller qui ne sera plus jamais froissé par l'autre.
Si des larmes pouvaient construire un escalier et si quelques souvenirs pouvaient construire un chemin, je monterai jusqu'au ciel et j'irai le chercher pour le ramener ici avec nous. Je lui ai dit qu’il pouvait y aller, si la douleur était trop intense, je lui ai donné l’autorisation de s’en aller et il a fermé les yeux. Depuis ce jour là, j’en ai versées des larmes.
Quelle puissante sensation quand on parvient à aller au-delà des mots qu’on essaie de mettre sur les maux, quand les paroles ne viennent pas, alors juste on ferme les yeux et on laisse les larmes s’écouler. Quand elles roulent sur mes joues, je me sens connectée à mon cœur, à ma peine, à mon ressenti, c’est dans ce fragile espace que je retrouve mon amour perdu et toutes les sensations que j’avais quand j’étais dans ses bras, qu’il me tenait et qu’il posait ses lèvres sur les miennes. Il m’emportait au doux clapotis d’une valse, sur une de nos pistes de danses, nous dansions au-dessus de la vie, au-dessus du monde et plus rien n’existait, à part le plaisir de danser.
Il me manque tant, et chaque larme versée est un « je t’aime » qui lui est encore adressé, au-delà de son absence.
Une mélodie jouée sur un violon ou sur un piano, c’est la clé pour faire sauter le verrou du « je retiens tout ». Les larmes s’échappent, s’ébattent dans le champs de la solitude.
Je repense à toutes ces larmes que j’ai versées, à celles que nos enfants ont eues dans leurs yeux. J’aurais voulu leur éviter toute cette tristesse, je sais que je n’en avais pas le pouvoir et que je ne l’aurais jamais. J’ai uni ma vie à un homme que j’aimais, il a fait de moi une femme, une maman. Il a aimé nos enfants à chaque instant de leur vie, il a rempli leur quotidien de sourires et de soutien, il a été là pour eux, il leur a offert ses sourires, sa joie, sa tendresse, sa guidance. Sa mort est tellement cruelle, tellement injuste, comme l’est toute mort quand elle vient fracasser l’harmonie d’un instant. Les larmes sont à la hauteur de l’amour que nous lui portions. Elles nous rappellent cet être extraordinaire qui était dans nos vies, et qui, d’une certaine manière, continue d’y être. Son amour solaire brille au-dessus de nous, je sens sa force en moi et je sais qu’il veille sur nous.
C'est quand on laisse couler les larmes qu'on est au plus près de qui nous sommes sincèrement : des êtres vivants. Je n'ai pas écrit "humains", car les larmes ne sont pas réservées aux humains. Les animaux pleurent aussi, et c'est sans doute une des réalités que l'Humain a oublié. Il est primordial de se reconnecter à ses émotions, et surtout à la tristesse, car c'est elle qui peut sauver l'humanité de tout le Mal qui a été fait.
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