A toi

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Je suis devant ce défi que j'ai décidé de réaliser, et je me demande comment te dire les choses. Cela fait trois jours que j'y pense, et aujourd'hui je me lance...

Je n'ai aucun souvenir de toi avant mes six ans. Très certainement que mon cerveau me protège encore. Aujourd'hui c'est toujours assez flou.

En février je fêterai mes 53 ans de vie, d'abord sans toi puis avec toi, mais cela n'a pas toujours été le cas.

Je t'ai reproché d'être là, sous ma tête, accroché à mon cou. Je t'ai détesté pendant tellement d'années. J'ai scarifié mon ventre, là ou aurait dû grandir deux enfants. Deux horribles opérations, qui aujourd'hui encore m'apportent larmes et regrets. Il a fallu trois thérapeutes et une femme formidable pour comprendre que ma haine, ma colère ne devaient pas être contre toi, mais contre les "autres", les monstres qui se cachaient sous mon lit...

Mais comment une petite fille née dans l'inceste pourrait haïr ses frères ? Son père ?

Je connaissais mon histoire, je pouvais en parler librement sans en souffrir comme si j'étais protégée de la douleur. C'était mon histoire et puis voilà. Je n'en souffrais pas plus.

Puis en 1999, la jolie vitre protectrice s'est brisée et tout est revenu, comme une explosion pulvérisant mon petit confort et mon sentiment de "tout va bien".

J'ai commencé à retrouver des peurs, des angoisses, des douleurs telles que le RER, tous les matins me semblaient une solution pour tout oublier... Heureusement, je n'ai jamais eu le courage de passer à l'acte.

Et c'est à partir de là, que j'ai décidé que t'oublier serait la solution. Je ne te regardais plus, ne pensais plus à toi. J'étais juste moi mais sans toi. Les souvenirs du plaisir que tu as pu ressentir me faisais te détester. Je savais que c'était mal, mais toi, tu ne le voyais pas comme ça. Il a fallu du temps pour comprendre que je n'avais pas le droit de t'en vouloir. C'était juste un ressenti de leurs mains sur moi, de leurs sexes en moi... Toi tu réagissais selon ce que tu pensais être bon.

Et donc je t'ai maltraité pendant des années par des régimes successifs. Me gaver pour combler un mal être, cette douleur dans le ventre, que je voulais combler. Ce manque d'affection, de reconnaissance. La malbouffe a eu raison de mon surpoids. Le regard des autres, me faisait te détester encore plus. Prendre une douche était un calvaire, parce que je devais te toucher. Poser mes mains sur ce corps détestable.

Et puis, un jour j'ai eu la chance de rencontrer un homme merveilleux, qui ne me voyait pas comme moi je me voyais. Son amour m'a poussé à me soigner. Il le fallait bien, parce que quand il me faisait l'amour, ce n'était pas lui en face de moi, mais les autres... Puis, cette magnifique nouvelle, après 7 ans de mariage, nous avons porté et mit au monde un magnifique garçon, qui a treize ans aujourd'hui. Malgré les inquiétudes des médecins par rapport à mon âge, et oui enceinte à quarante ans ! Eux qui voulaient un IVG, parce que mes reins faisaient des siennes, suite à un régime. Et leur étonnement, à chaque visite chez le Néphrologue, car jamais mon fils n'a été en danger à l'intérieur de toi. Tu l'as protégé, et j'en reste persuadée !

Les thérapies ont sauvé notre couple. Mais c'est une femme, qui m'a redonné mon corps. La médiation corporelle ! Un mot doux qui pour moi est signe de reconstruction.

En fait, on soigne souvent sa tête, mais on oublie que l'on a deux cerveaux. Un dans la tête et un dans le ventre, donc dans notre corps. Elle a su te parler, te libérer de tes propres souffrances, tes propres peurs, tes propres angoisses que je n'imaginais pas. Au fil des séances, toi mon corps, j'ai compris que tu avais souffert, et qu'il y avait encore des marques indélébiles de leurs mains sur toi. J'ai compris, que le seul responsable de mes deux IVG, était mon père, mais pas toi ! Ensemble, toi mon corps et moi, nous avons fait en sorte de nous battre pour nous en sortir. Tu m'as laissée te découvrir, apprendre à te connaître, comprendre tes souffrances et tes combats. J'ai appris, que mon surpoids était ta façon de me protéger contre les méchants.

Ce fut un lourd combat, mon ami. Tu as réussi à me raccrocher à toi. Cela ne fut pas sans douleur. Ni conséquences. Le psycholoque, a dit lui même, que toutes ces souffrances, ces douleurs, se sont amoncelées en un endroit, et qu'il fallait les extirper !! Quoi de mieux qu'un cancer du sein gauche (le côté masculin, évidemment), avec ablation pour nous libérer. Trois opérations avant l'ablation. Mais quel moment intense. Car, en sachant ce que cela signifiait, je me sentais revivre. Le passé n'est plus un problème. Pendant deux ans, cette blessure de guerre, me rappelait notre combat. Tous les matins, et tous les soirs, le passage de la crème sur toi, pour apaiser la douleur et assouplir ma peau. Que de moments intimes devant le miroir. J'ai appris à prendre soin de toi, à t'aimer avec douceur et tendresse. Tu t'es sacrifié pour nous. Jamais je ne l'oublierais.

En tout, il aura fallu sept opérations pour nous sauver, et aussi que nous nous sentions à nouveau Femme mais aussi mère et épouse.

Voilà, mon corps, mon ami, mon autre, Je t'Aime.

Merci d'être là, présent, vivant et Magnifique !!

Wouahou, je souris, et je crois que je viens de vivre un moment merveilleux avec toi !!

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