2 - Les tilleuls

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La pendule vieillie, décorée d’oiseaux m’indique huit heures, je vérifie sur mon téléphone quand le visage d’Alex m’apparait en fond d’écran. Mes doigts bloquent un instant et j’esquisse un sourire doux et quelque peu mélancolique à mesure de son souvenir qui m’envahit. Cela ne fait que deux jours que nous ne nous sommes pas vus, pourtant j’ai la sensation que le temps rallonge en son absence. Est-ce folie que de remettre toute son existence aux mains d’une seule personne qui peut vous détruire d’un seul geste ? Perdue dans ma noirceur passagère, je caresse malgré moi l’écran glacial et sans vie puis sursaute au coup de klaxon donné dans la rue passante juste devant l’immeuble.

Mon regard se perd un instant sur le miroir de l’entrée, juste de quoi resserrer la petite pince dorée qui retient les quelques mèches rebelles qui tombent sur mes yeux. Le visage dégagé, mes traits me semblent encore plus tirés qu’au lever. Pourtant, j’imite le sourire de circonstance que je vais servir toute la journée à toute une légion d’inconnus pour la nouvelle prise de poste d’aide-soignante au « Manoir Marguerite », l’EHPAD un peu particulier, tenue par une femme tout aussi singulière que je suis pressée de rencontrer.

Un deuxième coup retentit, je bondis à la fenêtre et cherche à travers les tilleuls plantés en ligne de chaque côté de la route, cette voiture impatiente, pour être certaine que ce soit ma future collègue Nathalie, cinquante-trois ans, mère de quatre enfants, blonde aux lunettes rondes rouge vif, comme l’indiquait son profil sur cette plateforme de covoiturage. Une femme descend d’une citadine bleue électrique visiblement agacée d’être en double fil et jette un oeil au bâti. C’est bien elle, le sourire en moins par rapport à la photo.

Je quitte l’appartement comme une furie, oubliant Alex et mes rêveries sur le paillasson puis, claque la porte au regret de garder la poignée dans la main en guise de châtiment. Pas ce matin. Une femme plutôt distinguée et lèvre pincée vêtue d’un tailleur beige quitte l’ascenseur et me laisse le champ libre, j’en profite et glisse mon corps et mon sac à dos in extremis avant la fermeture automatique. Je suis seule et mon coeur se met à battre plus fort qu’à son accoutumé, vers cette nouvelle vie qui se profile, dans cette jungle inconnue et cet océan d’incertitudes qui me submerge sous cette confiance affichée.

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