Repas du soir dans ma belle famille

2 minutes de lecture

Juillet 2019

Les bulles du Lambrusco explosent à la surface du liquide bordeaux qui remplit mon verre. Le crépitement qu’elles émettent, à peine audible, se confond avec celui des côtelettes qui grésillent sur la poêle. Un délicieux fumet s’échappe en d’invisibles volutes de la batterie de casseroles en action : là, une sauce au basilic ; ici, des bucatini all’Amatriciana. Des accents méditerranéens de thym, d’origan et de de romarin se bousculent dans l’air. Ils imprègnent la moindre de mes inspirations, ils titillent mes narines autant qu’ils excitent mon estomac impatient.

Dans la pénombre qui envahit peu à peu la cuisine, les derniers rayons de soleil s’accrochent aux persiennes avec ténacité. Ils assombrissent lentement le rouge vif du mobilier, offrant à la pièce une atmosphère plus sereine, prête à accueillir la manne que mama Rita prépare avec tout son savoir-faire. La soirée arrive sur la pointe des pieds, elle invite à son chevet une fraîcheur nocturne attendue par tous. Il ne fera pas froid, loin de là, mais après les vigoureuses heures de canicule estivale, la brise chasse doucement quelques degrés excédentaires pour notre plus grand soulagement.

La télé trône dans son coin, solitaire. Techetechetè retransmet un concert de Raffaella Carrà à l’apogée de sa gloire. Mais la voix de l'artiste est couverte par celle de Fabio. En bon père de famille, il préside la table et la distribution de parole. Il m’explique la différence entre la restauration italienne locale et celle expatriée. L’eau, bien entendu, mais aussi la farine, les œufs, la mozzarella, le jambon… À l’entendre, il est tout simplement impossible de manger ailleurs ce qui se fait ici. Ses commentaires sont soutenus de grands gestes convaincus qui balayent l’air sans aucune signification particulière, mais qui appuient chacune de ses syllabes. Installé en face de lui, je n’ai rien à dire, rien à faire d’autre qu’écouter.

À l’intersection de cet échange unilatéral, Laura et Rita partagent avec presque autant de passion les déboires du voisin qui aurait été trompé par sa femme le mois passé, et qui depuis lors vit reclus dans sa maison, évitant de croiser le regard interrogatif des habitants du village. Le ton de leurs voix est plus modeste, il ne peut en aucun cas surpasser celui du pater familias.

Depuis mon poste d’observation, j’analyse plus que je n’écoute tous ces échanges. Les gesticulations vont bon train, comme une partie d’échecs sur le damier rouge et blanc de la nappe. L’esprit bercé par cet univers adoptif, je me laisse emporter dans mes rêveries, appuyées par les fragrances que mon odorat dévore en attente du repas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Dim ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0