Prologue

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-Theos ! Theos ! Mais où est-il passé ?

La jeune prêtresse courait, les voiles de sa longue tunique de soie blanche voletant autour d’elle au rythme de ses pas pressés. Préoccupée par sa recherche du petit chenapan, elle faillit trébucher au détour du long couloir de colonnes de marbre, évitant de justesse le torse du Grand Maitre qui arrivait dans le sens opposé.

-Athalia, vous m’avez l’air bien pressée, que se passe-t-il ? S’enquit celui-ci.

La jeune femme rougit un peu face à cet homme au regard d’ambre dorée, plein de sollicitude. Il était vêtu de la même tenue qu’elle, souple et légère, faite de soie et de fils d’or. Un lourd collier d’opaline reposait sur son large torse, indiquant son statut, et ses cheveux noirs encadraient un visage masculin aux traits épais et bienveillants. Il avait une peau sombre, comme tous les Ygdriens, un peuple vivant dans les régions du sud, peuplées de grottes, de marais, et de hautes falaises qui bordaient la grande mer d’Ygdrae.

-C’est Theos, il s’est encore échappé en plein milieux de la leçon, et il n’a même pas diné… Expliqua-t-elle après avoir reprit ses esprits.

Le Grand Maître eut un sourire bienveillant.

-Ne soyez pas trop dure avec lui, vous savez combien il aime vagabonder…

-Mais, Maitre, le couvre feu arrive à grands pas et je n’ai aucune idée d’où il est allé cette fois… Imaginez s’il est sorti du temple, ou s’il se perd, ou pire encore, s’il tombe sur ces Wat’s qui rodent dans la région !

-Ne vous en faites pas, je vais vous aider à le chercher.

À quelques pas de là, caché dans les buissons fleuris de mille couleurs, un jeune garçon à la peau blanche épiait les deux personnages. Son regard vert d’eau pétilla quand il les vit s’éloigner et il bondit pour s’échapper dans un des nombreux couloirs du temple. Ce lieu était un véritable labyrinthe, et Theos ne trouvait rien de plus passionnant que de partir à la recherche de lieux secrets et cachés. Depuis sa naissance, il avait exploré nombres de pièces et de couloirs, et l’un d’eux l’avait toujours intrigué… D’abord effrayé par ce soudain attrait qu’il ressentait, il avait préféré l’éviter pendant plusieurs semaines et explorer le reste. Mais il avait l’impression que chaque chemin qu’il prenait le ramenait à celui là. Agacé, cela l’avait encore plus convaincu de ne pas le prendre, mais aujourd’hui, il avait appris quelque chose de très intéressant, qu’un petit garçon curieux de tout juste 10 ans ne pouvait pas ignorer.

Apparement, quelque part dans ce temple, se trouvait Nah'Skaar, le Dieu que les Ygdriens honoraient et remerciaient chaque jour de les laisser vivre près des flots déchainés d’Ygdrae…

Theos parcourut rapidement les couloirs et se retrouva face à l’entrée qui le tentait tellement. La porte était faite d’opaline, indiquant que seul le Grand Maitre pouvait y pénétrer. Allait-il avoir le courage d’entrer ? Il avança d’un pas et poussa la porte, qui s’ouvrit sans bruit, et avec facilité, malgré le poids qu’elle semblait peser.

Il entra et la laissa se refermer derrière lui. L’ambiance était totalement différente du temple, éclairé par le soleil, recouvert de marbre, d’or et de fleurs colorées… Ici, il faisait sombre, chaud et humide. Le sol, les murs et le plafond étaient fais d’une pièce, semblable à un tunnel, composés d’une roche noire légèrement bleutée par endroits, comme des petites lumières incrustées dans la chair de la pierre. Le couloir descendait lentement, et Theos avança prudemment, émerveillé par cet endroit dont il n’avait jamais eut connaissance. Comme il regrettait de ne pas avoir cédé à l’envie de l’explorer plus tôt…

La descente fut longue, mais après plusieurs minutes de marche dans le noir presque complet, Theos en vit enfin le bout. Il arriva dans une sorte de large grotte, creusée par un lac. L’eau bleue était parfois éclairée, lorsque le soleil avait réussi à percer la pierre pour atteindre ce lieu secret. Le bruit délicat de l’écoulement de l’eau indiquait la présence d’une chute, mais Theos n’arrivait pas à savoir où exactement.

Il s’approcha et délaissa ses petites sandales sur le bord, effleurant la surface de l’eau du pied. Elle était tiède, et le sol du lac semblait mousseux, agréablement doux. Heureux de sa découverte, Theos délaissa ses vêtements sur le rivage et entra dans l’eau, tout doucement. Le bruit délicat du lac qui s’ouvrait pour lui résonnait, comme une musique douce et claire.

Theos était émerveillé par la chaleur de l’eau, plus il avançait, plus la chaleur grandissait, le plongeant dans un cocon chaud et moelleux. Mais soudain, alors qu’il se plongeait avec plaisir dans un état de bien-être apaisant, quelque chose lui effleura la jambe.

Il se figea, le cœur battant. Qu’est-ce que c’était ?

Un mouvement au fond de la grotte, plongée dans la pénombre, le fit sursauter. L’eau trembla, et une voix profonde, sensuelle, résonna sans qu’il n’en connaisse l’origine.

-Qui es-tu ? Il n’est pourtant pas l’heure pour moi d’ensemencer mon Prétendant…

-Je… je… balbutia-t-il, à la fois effrayé et curieux.

Était-ce le dieu dont il avait entendu cent fois le nom, celui pour qui un volontaire était choisi tous les cents ans, après avoir triomphé face à maintes épreuves ?

-N’ai pas peur, approche…

La voix s’était faite plus douce, et Theos ne sursauta pas quand un large tentacule se souleva hors de l’eau près de lui, glissant sur son corps, presque avec tendresse. Un autre surgit pour s’enrouler autour de sa taille et le faire avancer, sans le forcer mais comme une aide, un guide, un encouragement. Les appendices étaient longs et épais. Ils devaient bien faire vingt centimètres de diamètre et plusieurs mètres de long. Pourtant, ils étaient délicats et chauds, prenant garde à ne pas le blesser, le pousser où le serrer trop fort.

-Tu as l’air étonnamment jeune, souffla l’inconnu au fond de la grotte. Es-tu vraiment mon Prétendant ?

-Je… Non…

Theos avançait, craignant le moment où il n’aurait plus pied, car personne ne lui avait encore appris à nager. Pourtant, lorsque ces pieds ne purent plus atteindre le sol mousseux sans que sa tête ne disparaisse sous l’eau, un troisième appendice se glissa sous lui, comme un siège, et il put continuer à avancer vers l’inconnu qui habitait cet endroit.

-Comment t’appelles tu ?

-Theos, souffla le jeune garçon, hypnotisé par les appendices qui devenaient de plus en plus nombreux au fur et à mesure qu’il se faisait emmener au fond de la grotte.

Il tendit la main pour les toucher, et ils se rapprochèrent encore, l’effleurant comme pour analyser son corps, par petites touches délicates.

-Et vous ? Osa-t-il demander.

-Je me nomme Nah'Skaar. Quel âge as-tu ?

Theos retint son souffle. Il était vraiment en présence de son Dieu. Il n’aurait jamais osé même simplement rêver de ça… Il ne pouvait d’ailleurs pas vraiment y croire…

-J’ai dix ans… Êtes-vous vraiment Nah'Skaar ?

-Bien sûr.

La voix semblait amusée qu’il doute de cette façon.

-Que vient faire une âme si jeune chez moi ?

-Je… j’explorais le temple…

-Tu es bien curieux.

Theos plissa les yeux, il commençait à distinguer une ombre mouvante, humanoïde, à moitié immergée dans les flots. Une sorte de brume chaude et épaisse l’empêchait de distinguer correctement le corps à quelques mètres du sien.

Un tentacule plus fin que les autres s’approcha de son visage et caressa tendrement sa joue.

-Mes professeurs disent que c’est une qualité, répondit fièrement Theos.

-Et ils ont raison. Ta curiosité est-elle assouvie, maintenant que tu m’as trouvé ?

Theos réfléchit un instant.

-Non, parce que je ne vous ai pas encore vu ! Et que je ne vous connais pas !

-Tu voudrais me voir ?

Le ton semblait une fois encore amusé, presque étonné.

-Oui, répondit Theos sans hésiter.

-Tu n’as pas peur ?

Theos réfléchit à nouveau.

-Non. Vous m’avez surpris, mais je n’ai pas peur.

C’était la vérité. Après tout, si le Dieu voulait lui faire du mal, il l’aurait déjà fait, non ?

À ces mots, la brume qui entourait la forme humanoïde se dissipa doucement, et malgré l’obscurité, Theos put distinguer un visage aux traits masculins, pourvu d’un menton pointu, de lèvres fines, d’un nez ciselé, et de deux grands yeux jaunes scintillants, étincelants dans la nuit. Le Dieu avait un corps puissant, faits de muscles noueux, d’épaules étoffées, et d’un torse large. Ses bras étaient terminés par des mains bien humaines, aux longs doigts fins et anguleux et le bas de son corps était terminé par de longs tentacules. Assis sur un siège de rochers à moitié immergé dans l’eau, il était beau, envoutant, comme tout dieu se devait de l’être pour Theos.

Les appendices le rapprochèrent encore, jusqu’à ce qu’il puisse poser la main sur son torse, effleurer sa peau, émerveillé par la chaleur qui s’en dégageait.

Le Dieu le laissa grimper sur ses genoux et le stabilisa gentiment, laissant Theos le regarder et l’analyser autant qu’il le souhaitait. Voilà bien longtemps qu’une personne ne s’était pas approchée de lui sans peur. Cela n’était même jamais arrivé… Les grands maitres avaient toujours peur la première fois, puis ils s’habituaient à sa présence. Mais ce tout jeune homme lui, avait simplement été surpris, avant de ne ressentir qu’une curiosité sincère envers lui. C’était rafraichissant, séduisant.

Theos glissa la main jusqu’à son cou où de longues fentes sciaient la peau du dieu et se soulevaient parfois.

-Qu’est-ce que c’est ?

-Mes branchies, elles me permettent de respirer sous l’eau.

Le jeune garçon fronça les sourcils.

-Pourquoi sont-elles sur votre cou ? Pourquoi êtes-vous si chaud ? Et pourquoi avez-vous des tentacules ?

Nah'Skaar éclata d’un rire bas, qui résonna dans la grotte.

-Tu apprendras plus tard, que certaines questions n’ont pas de réponses. C’est parfois mieux ainsi.

Theos eut une moue boudeuse et croisa les bras.

-Ah bon ? Pourquoi ?

Le Dieu caressa sa joue et sourit tendrement.

-Et pourquoi pas ?

Et vous voici à la fin de ce prologue, j'espère qu'il vous a plu, n'hésitez pas à commenter ce que vous avez aimé ou pas ! Je suis toujours avide de conseils que ce soit sur le fond ou la forme.

Avec plein d'amour et de tentacules,

Saneria.

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