Trouver son chemin [4/5]

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  Brusquement, la brume disparut en même temps que les hautes herbes. Une grande plaine d’herbe verte balayée par le vent créait de petits tourbillons éphémères. En les apercevant, Xaan eut un mauvais pressentiment et son impression se concrétisa lorsque tous les tourbillons commencèrent à converger vers eux. Ils grossirent et fusionnèrent pour gagner en puissance et en vitesse. Que faire ? Fuir ? Vers où ? D'un côté, il y avait la ligne de hautes herbes embrumées, le reste n'était qu'une grande plaine sans aucun point de repère. En attendant de trouver une solution, Talin les téléporta d’un endroit dégagé à un autre à chaque fois que les tourbillons étaient sur le point de les atteindre. Tant qu'ils ne trouveraient pas la statue, ils auraient beau choisir une direction, ils en reviendraient au même point. Cela aussi était une récurrence dans un univers maîtrisé, mais toujours aussi efficace.

  Distrait par ses recherches visuelles, l'assassin se fit surprendre par une tornade qui se forma au-dessus d’eux trop rapidement pour qu’il puisse les mettre en sécurité. Les vents violents les firent décoller. Mégane hurla. Le lien rompit au moment où Xaan mobilisa toute sa magie pour se protéger avec un bouclier intégral. Emporté par les courants ascendants, il eut beau essayer, il ne parvint pas à se téléporter. Cela lui faisait comme avec la vieille voyante : il pouvait se servir de sa magie mais était dans l'incapacité d'utiliser son don. C'était toujours aussi agaçant. S’il avait perdu en capacité à cause d’elle, Xaan lui ferait voir de quoi il était capable !

  S'il parvenait à s'en sortir vivant.

  La tornade se désagrégea aussi soudainement qu’elle était apparue. Le sol les attendait des centaines de mètres plus bas et ils étaient en chute libre. Libéré de l’emprise des courants, Talin se téléporta et retrouva la terre ferme en souplesse. Se remettant les idées en place, le jeune homme avait momentanément oublié sa partenaire. Sa présence lui fut rappelée lorsqu’il entendit un cri suivi d’une détonation. Il se tourna dans la direction du bruit et observa une grande gerbe de sable retombant sur le sol. Prudemment il s’approcha et découvrit Mégane recrachant les grains qui s’étaient malencontreusement retrouvés dans sa bouche quand elle avait plongé. Il l’aida à se relever avec un air étonné qui surprit la jeune femme.

 « Ne fais pas cette tête ! s’écria-t-elle crachant encore quelques grains de sable. J’ai amorti ma chute comme j’ai pu mais ce n’est pas très réussi. Je voulais un matelas de mousse et je me retrouve dans le sable ! J’ai vraiment besoin d’apprendre à maîtriser mon Élément ! Je…

 — Ça va, ça va ! la coupa-t-il vivement. Tant que je ne suis pas obligé de traîner ton cadavre, tout va bien. »

  Talin pivota pour reprendre la marche mais Mégane le retint fermement. Elle avait un regard de chien battu pitoyable qui exaspéra une nouvelle fois l'assassin. Il tira sur son bras pour le récupérer mais la jeune femme s’y accrocha encore plus. Il s’énerva :

 « Lâche-moi à la fin ! Qu'est-ce qui te prend ?

 — Le lien a été brisé à cause des vents, je ne veux pas que ça recommence, j’ai eu trop peur ! »

  Comédienne ! Elle faisait tout pour qu‘il la protège parce qu‘elle était incapable de le faire elle-même. Le jeune homme soupira, excédé de devoir jouer à la nourrice ; cependant, il ne pouvait pas se passer d’elle sous peine de disqualification. Talin prit donc sur lui et fit de son mieux pour la rassurer et leur permettre d’avancer.

  Ils n’avaient pas parcouru dix mètres qu’un immense tourbillon se forma à nouveau au-dessus d‘eux. Mégane se cramponna au bras de son partenaire comme un naufragé à son bout de bois flottant. Fin prêt, Talin n’attendit pas le dernier moment pour les téléporter le plus loin possible. Les deux jeunes gens atterrirent à deux cents mètres du tourbillon géant et se tournèrent pour l’avoir en face d’eux.

 « Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? pleurnicha la jeune femme.

 — Pour l’instant : rien. Mis à part rester en vie et chercher une solution ! »

#

  Plus chanceux que certains, Zoann Vulcain était tombé sur une coéquipière exemplaire. Mora Alayne était une jeune femme dynamique, brune aux yeux gris, originaire de Fluvie. Elle avait un caractère optimiste qui collait parfaitement avec le tempérament joyeux du bagrilien. Elle était un peu plus âgée que lui et c’était sans doute ce qui permettait une bonne entente : la jeune femme avait dépassé le stade des disputes immatures, ce qui leur avait permis d’avancer rapidement. Leur lien s'était brisé en chemin, après que le grand brun ait un peu trop usé de sa magie. Rien n'avait pu les arrêter après la séparation, ils avaient agi main dans la main sans contrainte. Toutefois, ils se trouvèrent ralentis dans la plaine aux tourbillons.

  Mora et Zoann s’étaient avancés à l’aveuglette après la traversée du lac et lorsque la brume disparut, ils furent agréablement surpris de découvrir un paysage dégagé qui leur permettrait une avancée plus rapide. Ni l'un ni l'autre n'était fait pour travailler à tâtons. Mora se mit à courir et son partenaire cala son pas sur le sien pour rester à sa hauteur. Les petits tourbillons les prirent pour cible et ils échangèrent un regard. Par sécurité, le jeune homme augmenta sa masse sans en avertir sa partenaire. Quand la tornade se forma au-dessus d’eux, le bagrilien prit Mora dans ses bras et se fit aussi lourd qu’une montagne. Mora ne resta pas inactive et créa un bouclier autour d’eux, par sécurité toujours. Les différentes étapes leur avaient appris à se montrer prudents.

  La tornade perdit en puissance et redevint simple brise. Zoann relâcha Mora et s'allégea un peu. Faire la liste des différentes hypothèses devenait urgent.

 « Tu as les sorts de Feu et moi d’Eau, commença la jeune femme. Je ne pense pas que dans cette étape cela nous soit très utile. Qu'est-ce que tu as d'autre à proposer ?

 — Je suis un Vulcain, le Feu ne va pas sans la Terre. Je les maîtrise autant l’un que l’autre.

 — Bon, alors je propose que…

 — Attention !

  Zoann se jeta sur elle, la couvrit de son corps et ne bougea plus. Une seconde tornade s’était formée et passait sur eux, ne les atteignant pas plus que la première. Quand ce fut terminé, il l'aida à se remettre sur ses pieds et s'écria :

 « Excuse-moi. Tu disais ? »

  Mora s’éclaircit les idées en secouant la tête. Elle remit ses cheveux en place dans son dos, avant de reprendre où elle en était.

 «Je propose que nous creusions un tunnel pour ne pas être constamment interrompus par ses gigantesques tourbillons.

 — Cela nous prendrait trop de temps. Le mieux serait d’avancer.

 — Eh ! Une seconde. Regarde là-haut, mon grand ! »

 Mora posa une main sur le poignet de son coéquipier pour attirer son attention afin de lui montrer une petite tache rouge dans le ciel derrière lui. Heureusement qu'elle était obligée de se tordre le cou pour lui adresser la parole sinon elle n'aurait jamais remarqué ce détail.

 « Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il en fixant le point coloré.

 — Je ne sais pas. Ça a l'air haut. Comment on fait pour s'en approcher ?

 — Je suppose que tu ne sais pas voler ? demanda-t-il avec un sourire s'élargissant au fur et à mesure que l'idée germait dans son esprit.

 — Non, mais je pourrais apprendre, répondit-elle en comprenant à quoi il pensait. Serais-tu prêt à faire un lancer comme tu n’en a jamais fait ? »

  Ils étaient sur la même longueur d'onde. C’était merveilleux de se comprendre par un simple regard. Zoann éclata de rire et se frotta les mains en répondant positivement. Mora lui sourit en retour mais redevint rapidement sérieuse. Elle voulait s'assurer qu'il ne faisait pas cela au hasard non plus. Elle voulait bien servir de projectile mais pas dans n'importe quelles conditions.

 « Je suis le champion de ma région ! Toutes catégories confondues.

 — Alors c’est parti ! »

  Sans tarder, Mora réalisa une fusion élémentaire. Son corps se liquéfia, puis se rassembla en une grosse boule d’eau compacte. Zoann n’avait plus qu’à la lancer. Passé la surprise de la texture à peine humide de la surface, il pesa l'objet avant de s’appliquer à mesurer sa force pour qu’elle passe au plus près de la tache rouge.

  Vise. Lance.

  La boule traversa le ciel comme un éclair. En passant au-dessus du point rouge qui était un petit drapeau, Mora explosa en une pluie fine qui retomba sur le sol. Zoann observa les paillettes tomber sans savoir ce qu'il allait se passer. Il releva une seconde les yeux vers le point rouge qui avait disparu puis il perdit les paillettes de vue. Il se tourna pour vérifier que les tourbillons ne le prendraient pas par surprise, mais il n'y avait plus un souffle de vent.

  Après quelques minutes, il ne se passait toujours rien et le silence l'inquiéta.

 « Mora ? Tout va bien ?»

  La réponse ne lui parvint pas tout de suite. Il fallut quelques minutes supplémentaires à Mora pour reprendre forme humaine. Ces centaines de secondes parurent très longues au bagrilien qui était toujours perdu dans la grande plaine herbeuse. Solitaire.

 « Mora ? Réponds-moi, s'il te plaît...

 — Zoann ! »

  Le soulagement. Il se tourna vers la voix et lui demanda comment elle allait avant de se rendre compte qu'il ne la voyait pas. Mora remarqua son expression inquiète, si loin de son visage constamment souriant et ne joua pas.

 « Zoann ! Ne fait pas l’idiot. Je suis là ! Juste devant toi !

 — Où ça devant moi ? Je ne te vois pas !»

  Sa coéquipière lui fit un grand signe des bras puis se rendit compte que son geste était ridicule après ce qu'il venait de dire. Elle s'avança jusqu'à rencontrer une barrière sous sa main et en informa Zoann. Mora lui décrivit également le lieu où elle se trouvait. L'air de ce côté était plus sec et le paysage n'était fait que de dunes. Des dalles marquaient la séparation entre la plaine et le désert. Il n'y avait pas un végétal en vue. Mora en avait déjà la bouche sèche. Elle leva la tête et s’écria :

 « Il doit y avoir une ouverture juste au-dessus de moi.

 — À quelle hauteur ?

  — Une dizaine de mètres, je dirais. Ça ira pour toi ?

 — Sans problème. »

  Le jeune homme retrouva son sourire contagieux et recula. Mora l'aida à s'aligner convenablement puis il prit son élan avant de s'alléger pour faire un bond surhumain. Il décolla tout simplement après avoir pris appui sur sa jambe. Sa coéquipière en resta bouche bée jusqu'à ce qu'il la rejoigne.

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