Une vague de questionnements s'éleva parmi les candidats qui obéirent rapidement. Quel type d’épreuves est-ce que ce serait ? Déjà, les équipes s’observaient, se mesuraient, s’évaluaient. Qu'allait-il leur arriver ?

  Arya, Ruy, Tobias, Mora et Zoann s'étaient installés dans la même bulle. Yugh ne les avait pas rejoints. L’arkien se demandait s'il était nécessaire qu'il soit avec Cheveux-Rouge. Pendant qu'il hésitait, la conversation s'engagea au sein du groupe :

 « Hé, Arya ! Tu as la tête ailleurs on dirait.

 — Je vais bien, ne t'en fais pas, Ruy.

 — Où est votre partenaire au comportement inexcusable ? S’enquit le Dauphin avec un certain mépris pour le jeune mâle en question.

 — J'ai beau être une femme, je suis parfaitement capable de défendre mes intérêts par moi-même. J’apprécie le geste que vous avez eu à mon égard mais je ne suis pas une demoiselle sans défense. Si je suis ici, ce n’est pas pour trouver une quelconque protection auprès de la gent masculine.

 — Bien dit ! approuva la fluvienne.

 — Je persiste à croire qu’une jeune femme de votre rang ne devrait pas … »

  Yugh surgit au beau milieu de la conversation, saisit le bras d’Arya et la traîna hors de la bulle en l'obligeant à marcher à reculons sur plusieurs mètres.

 « Hé ! Ça ne va pas ? Tu me fais mal ! s’écria-t-elle en tentant de se dégager.

 — Ça m’est égal. On doit parler. »

  La jeune fille se débattit violemment et Yugh finit par la lâcher. Elle fit rouler son épaule endolorie et dit d’un ton qui trahissait son énervement :

 « Tu aurais pu être plus délicat !

 — Oh ! Ma pauvre ! Je vais te plaindre, tiens !»

   Le claquement d’une gifle retentit. La colère d'Arya transparaissait tant dans son souffle que sur son visage. Ils étaient en train de se donner en spectacle devant les tribunes et cela ne lui plaisait guère. Yugh frotta doucement sa joue, choqué par le geste et son expression.

  « Tu me parles sur un autre ton et avec plus de respect. Si tu as quelque chose à demander, fais-le dans les règles et pas comme un ogre sorti de sa grotte !

 — Je n’ai pas de compte à te rendre ! Je ne suis ni ton domestique, ni ton esclave. Je n’ai pas demandé à me retrouver avec toi ! cria-t-il hors de lui après l’affront qu’elle venait de lui faire.

 — Moi non plus ! répliqua-t-elle sur le même ton. Qui voudrait d’un type aussi désagréable et égoïste que toi ? »

  Ils se défièrent sans oser se battre réellement. Des têtes de candidats dépassaient des bulles et les regardaient d’un air intéressé. S’ils se disputaient maintenant, c’était un avantage à pousser plus tard. Yugh s’en rendit compte, expira brutalement puis marmonna les dents serrées passant du cri au chuchotement :

 « J’ai besoin de savoir quels Éléments tu utilises. Alors, dis-moi juste ce que tu sais faire ! Je ne vais pas attendre trois lunes ! »

   Arya allait lui répondre avec peu de courtoisie lorsque Mora surgit joyeusement à côté d‘elle, sautillante et contente de rencontrer le partenaire de la jeune fille, malgré la situation tendue.

 « Pardon de vous déranger dans un tel élan d’affection, mais il semblerait qu'on n'attende plus que vous pour lancer la suite.

 — Merci, Mora.

 — Je t’en prie, c‘est gratuit, minauda-t-elle en repartant.

 — Nous finirons notre discussion plus tard, tu veux bien ? reprit plus calmement Arya à l‘intention de Yugh.

 — De toute façon tu ne me laisseras pas le choix, hein l’humaine ? Qu’est-ce qu’on peut attendre des humains de toute façon ? Nous ne sommes là que pour les amuser, leur faire plaisir, faire les beaux…»

   Arya se lassa de ses marmonnements et rejoignit Mora et des autres dans la bulle, abandonnant momentanément Yugh qui suivit en traînant les pieds. Enfin, les juges actionnèrent les barrières magiques destinées à protéger les candidats et les spectateurs dans les gradins. Puis ils s'immobilisèrent au sommet des colonnes qui bordaient l'arène.

   Quand tout fut en place, le Gardien se fit téléporter sur un large pilier qui sortit de terre au centre de l’arène.

 « Mais c’est le papy ! s’écria Ruy. Il est encore plus moche de près, tu as vu !

 — Arrête de t’agiter, soupira Tobias toujours aussi calme. Concentre-toi ! »

  Ruy lui tira la langue et reporta son attention sur le vieil homme. Le prince et les autres sourirent de son comportement frivole qui dédramatisait l’événement.

#

  Dans un autre salon, Mégane soupira et se tourna vers Xaan. Il ne lui accorda pas un regard et resta figé, observant Luménor, même s'il avait conscience de tout ce qu'il se passait autour de lui.

  Il y avait avec eux une jeune fille et un homme trapu à ses petits soins. Ils avaient tous deux les cheveux argentés propres à la race des nuwës. La demoiselle, assise sagement écoutait avec attention. Mégane soupira et tortilla une mèche de ses cheveux violets, tout en observant sa rivale qui repoussait les confiseries de son accompagnateur.

 « Cela suffit, laisse-moi écouter Margarof, ou je vais manquer quelque chose.

 — Qu'est-ce que vous pourriez manquer ? questionna l'arrogante Mégane sans lâcher ses cheveux. Le vieux fou parle dans le vide !

 — Le Gardien parle beaucoup c'est vrai, mais il est assez généreux pour nous donner des renseignements sur la marche à suivre.

 — Des renseignements ? C'est une blague ?

 — Je ne me permettrais pas de me moquer de vous, mademoiselle. Vous l'aviez remarqué, n'est-ce pas, monsieur ? demanda la jeune fille en s'adressant à Xaan, resté en retrait.

 — Oui.

 — Hein ? Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ? s’écria Mégane l‘air outrée.

 — Tu ne m’as rien demandé.

 — Mais…

 — Oh ! Ça va ! Arrête-toi ! Écoute au lieu de parler pour ne rien dire.

 — Tu es méchant !

 — Et toi stupide. »

   Mégane manqua une respiration. Il osait l'insulter alors qu'ils n'étaient pas seuls. Le serviteur de la jeune demoiselle paraissait indifférent à ce qu'il se passait, il se contentait de se tenir debout, derrière sa maîtresse, tandis que la jeune fille en robe rose portait la main à sa bouche, gênée d'avoir favorisé la dispute. Puis une trompe résonna. Après cela, le silence tomba soudainement, puis le Gardien continua sa présentation.

 « Merci à tous d'avoir coopéré jusqu'à présent. Comme vous le savez, aujourd’hui notre école aura le plaisir d’ouvrir ses portes à de nouveaux élèves, pleins de fougue et de jeunesse, ce qui commence à me manquer cruellement.»

   Rires forcés dans les gradins. Luménor fit une pause puis continua :

 « Nos courageux candidats ont bravé avec brio le feu et la glace, les bêtes féroces et les pièges, que j’ai moi-même pensés. Je suis sincèrement heureux que vous soyez arrivés jusqu’ici. Cela nous prouve combien vous avez su vous montrer forts, intelligents et enthousiastes. Enfin, je ne vais pas trop m’attarder dessus, nous avons plein de combats à voir, ou à disputer selon les points de vue. Oui, mes amis, aujourd’hui nous assisterons à un tournoi ! Un tournoi où tout est permis ! »

  Il frappa le sol de sa canne tordue et deux écrans de cristal apparurent au-dessus de l’arène.

 « Le déroulement de l’épreuve est très simple. Les noms des candidats appelés à combattre seront écrits à la vue de tous et traduits pour tous nos amis étrangers. Les équipes restent les mêmes qu’au cours des épreuves précédentes. Ne perdez pas de temps pour mettre vos adversaires au tapis ! Je ne vois rien de plus à ajouter, alors, commençons ! La première rencontre opposera… »

  Le Gardien frappa une nouvelle fois le pilier avec sa canne et les noms défilèrent sur les écrans avant de s’immobiliser. Luménor leva la tête et annonça d’une voix forte ce que tous pouvait lire :

 « …Mok et Gudh Quichekov à Arya Al’raï et Yugh Wolfgang. Allez, jeunes gens, ne soyez pas timides et prenez place. »

  Arya sourit à Ruy qui l'encouragea à grands cris et traversa la paroi de la bulle derrière Yugh. Une fois dans l’arène, la princesse croisa le regard de Luménor. Il était appuyé sur son bâton et la couvait d’un regard puissant. Comme s’il attendait quelque chose d’elle.

  Un puissant frisson la parcourut. Arya avait la forte impression qu’il la sondait au plus profond de son être. Puis comme si de rien n’était, Luménor s’écria en s’envolant vers les tribunes :

 « Que les meilleurs gagnent ! »

  Le pilier retourna dans le sable. Le silence s’alourdit. Les spectateurs retenaient leur souffle. Arya tourna la tête vers Yugh pour se concerter, mais il ne lâchait pas leurs adversaires des yeux. Il était difficile dans ses conditions d’élaborer quoi que ce soit.

  Au son de la cloche annonçant le début du combat, Yugh se changea en loup, révélant ainsi sa carte maîtresse, puis fonça sur les deux frères qui réagirent promptement à l‘attaque. Ils passèrent la main droite sur leur poitrine et disparurent. Les deux barbares étaient devenus invisibles.