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  La cloche sonna la fin du combat. Nago et Sand s’étaient qualifiés pour la suite du tournoi. Sinuas Morelo et Eru Takawa, leurs adversaires, demandèrent à rejoindre l’infirmerie pour quelques soins. Puis Maxwell de Solari et Alexandre de Galienta affrontèrent Calizote de Burgonde et Miranda Nevers.

  Perdu d’avance par ces dames, d’après Talin. Son impression fut concrétisée lorsque le combat s’engagea. Les jeunes filles furent trop lentes à la manœuvre malgré leurs talents certains. Les deux nobliaux ne laissèrent passer aucune attaque et arrêtèrent tous les coups de leurs adversaires. Finalement, les deux femmes se retrouvèrent assises et ligotées par un lien magique avant que la cloche ne sonne la fin du combat. La durée de ces derniers devenait vraiment aléatoire. Trop au goût de l'assassin qui commença à se questionner à propos du tournoi et de ses règles non exprimées. Qu’est-ce qui justifiait tant de variabilité ? Hevlaska s’insinua dans son esprit pour y semer une nouvelle graine.

 ’’Luménor veut le Phénix. Et il fera tout pour l’avoir.’’

 ’’En quoi ça me concerne ?’’

 ’’Tu comprendras quand tu le verras.’’

  La zone de combat fut évacuée. La prochaine rencontre fut annoncée : Tobias-Argan Shahama et Ruy Min contre Lily Leyhan et Margarof Spolidsky.

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  Les combattants venaient à peine d’être nommés que Ruy sautait de partout dans le salon, au grand dam du Dauphin qui prit sur lui pour ne pas l'assommer avant le début des jeux.

 « Ouais ! Ouais ! Ouais ! C’est enfin à nous ! Allez ! Viens ! chantait Ruy.

 — J’arrive. Ne te précipite pas comme ça, on dirait que tu es possédé. »

  Tobias plaisantait ; il n’en observait pas moins leurs adversaires. Deux nuwës. Le premier d’âge mûr et l'autre, une jeune fille à l’air timide. Spolidsky était du genre trapu et massif, la stature d'un guerrier. Leyhan contrastait par sa jeunesse et sa douceur apparente. L’homme fit un pas en avant, comme s’il voulait laisser la jeune fille derrière lui.

  La cloche sonna le début des hostilités.

 « Yaaaaouuuuh ! Attaque du dragon sanguinaire ! cria Ruy en se mettant à courir vers l’homme sans se donner la peine de manifester sa magie.

 — Idiot. Ce n’est pas comme ça que tu y arriveras ! »

  Tobias marmonna en préparant son sort. Il était fin prêt lorsque Ruy se mit à avoir un comportement étrange. Il sautait dans tous les sens, ses bras et ses jambes bougeant comme les membres d’une marionnette.

 « Ruy ! Par tous les dieux, que fais-tu ? questionna-t-il excédé.

 — Aaahh ! Je ne contrôle plus mon corps ! Hé ! »

  Ruy se retourna vivement vers son partenaire et tenta de le frapper. Le sort du Dauphin lui échappa et s’annula faute de lancement. Ruy s’excusa à chaque fois qu’il frôlait Tobias qui parvenait à esquiver tous les coups. Quand le Dauphin recula encore de deux pas en arrière, se rapprochant dangereusement du mur clôturant l’arène, Ruy s‘immobilisa. C’est alors que le prince remarqua que la jeune fille avait les deux bras tendus devant elle et que de ses doigts partaient d‘étranges fils qui la reliaient à Ruy. Il entendit Spolidsky demander :

 « Qu’est-ce qu’il se passe ? Pourquoi le gamin n’attaque plus ?

 — Il est trop loin, lui répondit-elle. Je ne peux pas pousser plus loin la manipulation sans me rapprocher. »

  Tobias en déduisit que Ruy serait libéré de l’emprise magique si la jeune fille était contrainte de se déplacer. Le Dauphin se mit à courir vers Leyhan, galopant vers elle comme un étalon fougueux. Il sauta par-dessus Ruy alors qu’il plongeait vers lui. Ce fut sans compter sur le serviteur dévoué qui lança un sort d’entrave. Le prince le retourna à l’envoyeur grâce à une pirouette sans regarder ce qu'il devenait par la suite. Tobias était focalisé sur Leyhan. Il s’apprêtait à immobiliser la jeune fille quand une image s’imposa violemment à son esprit, l’aveuglant momentanément.

  Perdue dans un champ de fleurs rouges où pleuvaient de longues plumes blanches, la jeune fille aux cheveux argentés se tenait là, devant lui, l'air tout aussi surprise que lui. Tobias fut confronté à une source d’amour inconditionnelle qui le perturba et lui retira toute envie de se battre.

  Emporté par son élan en revenant à la réalité, le Dauphin bouscula Lily et ils roulèrent sur le sol. Spolidsky déchira littéralement le sort d’entrave pour s’en libérer et accourut.

 « Mademoiselle ! cria-t-il alarmé en éloignant sans douceur le prince de sa maîtresse. Mademoiselle Leyhan ! »

  Toujours sous le coup de la vision qu’il avait eue, Tobias ne se formalisa pas du traitement qu’on lui fit subir. La cloche sonna la fin du combat, les ramenant tous à l'instant présent.

 « Vainqueur Lily Leyhan et Margarof Spolidsky. Veuillez libérer l’aire de combat rapidement. Combat suivant : Xaan Talin et Mégane Saltz versus Zlin de Coquelune et Comptis Manga. »

  Le juge les pressait de se séparer à présent. Tobias ignora le juge, s’approcha de la jeune fille et lui fit un baisemain après lui avoir présenté ses excuses les plus sincères. Spolidsky raccompagna ensuite sa maîtresse dans un salon tandis que le Dauphin soutenait Ruy. Le garçon était tout raide mais parvint à marcher seul vers leur salon.

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  Une fois confortablement installée, Lily fit le point sur la situation en se mordillant la lèvre. Est-ce qu'elle avait vraiment eu ce contact avec le Dauphin de Larfonie ? Si ce n'était pas un rêve, alors il lui faudrait s'entretenir avec lui. Elle ignorait encore à quelle lignée il appartenait, mais elle ne pouvait pas le laisser filer sans établir un lien durable avec lui. Il était le premier Descendant qu'elle croisait depuis son Éveil. C'était probablement un signe.

  L'air grave de la nuwë inquiéta son accompagnateur qui s'enquerra de sa santé.

 « Mademoiselle, vous allez bien ?

 — Je vais bien, Margarof, merci, répondit-elle distraitement en se tapotant la lèvre du doigt.

 — Ce jeune homme vous a-t-il blessé ?

 — Rien qui ne soit proscrit des règles d’un combat. Rassure-toi, il a été assez gentil pour me protéger dans la chute, ce qui leur a valu d’être éliminés. Oh ! J’espère qu’il n’a pas déchiré son beau costume. Dis, tu voudras bien aller vérifier ? »

  Se montrer frivole, ne pas attirer l’attention. Lily y parvenait aisément en usant de ses grands yeux gris et de quelques battements de cils. Le garde du corps employé par son père s’y laissa prendre facilement. Il ne se posait pas beaucoup de questions. Il avait des ordres et les suivait à la lettre. Heureusement qu’il ne s’attarderait pas après les sélections, cela lui laisserait les coudées franches.

 « J’irai dès la fin du tournoi, mademoiselle.

 —Dis-lui bien que je lui en payerai un nouveau si…

 — Votre générosité vous perdra.

 — Merci Margarof. »

  Un sourire de sa part et Spolidsky se détendait. Elle le rassura également : ils étaient tout de même qualifiés pour le prochain tour.

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  Les combattants suivants furent bientôt prêts. D’un côté, Xaan irradiait d’assurance et Mégane d’arrogance. De l’autre, il y avait Zlin de Coquelune, un slamèche hautain jusqu’au bout de ces griffes de lézard, et Comptis Manga, un arkien du clan des Méta, calme et serein.

  La cloche sonna. L’arkien s’élança sous la forme d‘un guépard. Mégane se créa un bouclier de roche qui s’effondra comme un château de sable au premier choc. Xaan se téléporta à son secours après avoir assommé de slamèche. Il fut plus difficile pour lui d’en faire autant avec l’arkien qui avait pris la forme d’une mouche. Il réussit tout de même à l’emprisonner dans une bulle élastique qui l’empêchait de se libérer quel que soit l’animal dont il prenait la forme. Leurs deux adversaires mis hors d’état de nuire, Xaan et Mégane gagnèrent leur combat en quelques secondes.

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  Dans les tribunes, au cours du combat opposant Talin et Manga, Luménor demanda des nouvelles de sa favorite. Santhià lui signala qu’elle était toujours en train de se régénérer et Luménor chercha une idée pour gagner un peu plus de temps.

  En entendant les nobles derrière lui se remplir la panse tout en pariant sur les vainqueurs, le Gardien eut l’idée d’un goûter. Santhià hocha la tête et fit le nécessaire pendant que l’arène était évacuée : l’infirmerie pour les blessés, le salon pour les gagnants jusqu'au tour suivant.

  Le temps que la petite collation soit prête, Luménor se leva et se fit à nouveau entendre. Il retourna sur le pilier au centre de l’arène et attira l’attention générale.

 « Mes chers petits, je vous propose de faire une petite pause bien méritée. Fruits, biscuits, boissons, qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? Je vous laisse un petit quart d’heure pour manger un morceau et vous reposer. »

  Là-dessus, une colonne de jeunes femmes pénétra dans l’arène à travers une ouverture temporaire. Elles se séparèrent au fur et à mesure en un étrange ballet pour que chacune intervienne dans un salon. Elles portaient toutes un plateau avec la nourriture correspondant aux besoins de l’équipe à laquelle elles rendaient visite.

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  Lorsque l’une de ces jeunes femmes entra dans leur bulle, Yugh se réveilla de sa sieste et jeta un œil méfiant sur la nouvelle arrivante. Un sourire rayonnant éclaira aussitôt son visage grognon. C’était une arkienne, du clan des Rongeurs certes, mais elle était de son espèce. Et rien n'aurait pu lui faire plus plaisir en cet instant. Il se leva et discuta aimablement avec elle tout en mangeant des fruits.

  Puis il se tourna vers Arya qui avait bien du mal à soigner son bras. Elle ne lui répondit pas quand il l'appela et le loup prit la concentration de sa partenaire pour du mépris, ce qui ne manqua pas de le remettre en colère.

 « Oh ! La tarée ! J’te cause ! »

  L’humaine ne lui répondant toujours pas, il s’approcha vivement d’elle et la tira par le bras qu’elle tentait de soigner. Arya poussa un hurlement et le repoussa violemment.

 « Imbécile ! lâcha-t-elle la mâchoire crispée par la douleur.

 — Wow ! Oh ! Tu te calmes, ouais !

 — Laisse-moi tranquille !

 — Vous ne voulez pas faire un tour à l’infirmerie avant le prochain combat ? intervint la lapine. Ils pourraient soigner votre bras rapidement.

 — Qu’est-ce qu’il a ton bras ? demanda Yugh avec un air idiot.

 — Il est cassé. Enfin, presque plus, il me reste juste deux morceaux à ressouder. Merci, mais au point où j’en suis, autant que je termine toute seule ce que j’ai commencé.

 — Vous voulez un peu de shuaïa ? C’est très bon pour les gens comme vous.

 — Qu’est-ce que c’est ?

 — Une boisson qui donne de l’énergie.

 — Oui, je veux bien. Oïl aldo nes, la remercia Arya en inclinant la tête après avoir reçu un verre du breuvage qu'elle sécha d'une traite. »

  La jeune arkienne s’inclina en retour puis quitta le salon. Arya et Yugh se retrouvèrent en tête à tête. Et quelle tête faisait le loup ! Il était surpris qu’elle connaisse les politesses de son pays, mais pas seulement. Son visage changea plusieurs fois d’expression, allant de la perplexité à la colère en passant par la surprise, puis revenant à la perplexité, avant qu’il ne demande simplement avec une petite dose d’empathie :

 « Quand est-ce que tu t’es fait mal au bras ? »

  Arya soupira et lui répondit calmement :

 « Si tu faisais attention à ce qu’il se passe autour de toi, tu le saurais. »

  Elle lui jeta un coup d’œil en biais puis lui expliqua toujours calmement, les soins lui demandaient trop d’énergie pour qu’elle se permette d’en gaspiller en s’énervant inutilement :

 « C’est arrivé pendant le combat contre Zoann et Mora. Le géant et la brune, précisa-t-elle en voyant qu’il n’avait pas compris.

 — Mais je ne t’ai pas entendu crier.

 — Je déteste me faire remarquer. »

  Il fallait bien trouver une excuse plausible à ses trous noirs. Wolfgang sembla s’en satisfaire.

  Saisi par la douceur avec laquelle Arya avait annoncé cela, Yugh se trouva stupide et démuni. Si encore elle avait parlé avec emportement, il aurait pu provoquer une dispute et l’insulter à souhait mais là, ce n'était pas possible sans passé pour un fou.

 « Je suis désolé pour tout à l’heure. Pour ton bras, je veux dire. »

  Arya fut assez intelligente pour ne pas relever le fait que c’était la première fois qu’il se montrait correct avec elle. Elle inclina la tête pour lui montrer qu’elle avait entendu, puis elle retourna à ses soins. La douleur battait ses tempes de plus en plus fort, c'est à peine si elle avait conscience de ce qu'elle faisait. Étrangement, sa magie réparait ce qui était cassé mais n’agissait pas contre la douleur même. Dommage.

  À la fin de la pause, ils furent appelés à combattre. Arya était complètement guérie, mais fatiguée et Yugh était de nouveau lui-même : exécrable. Pourtant elle s’en fichait, elle avait pu le voir sans son masque de méfiance et pour cela, elle lui accorda un peu de confiance.

  Dans l’arène, face à l’arguenne, Tantah Nago et au maître en arts martiaux, Bijou Sand, Arya sentit ses forces la quitter et elle ferma les yeux. Un nouveau vertige l'emporta, plus violent que les précédents.

  Quand la cloche sonna, Yugh attaqua Nago. Sand voulut s’interposer mais Cheveux-Rouges était là pour l’en empêcher. Sand tenta de nombreuses approches sans réussir à porter un seul coup sérieux à son adversaire qui restait étonnamment immobile, ne faisant qu’esquiver ses attaques. C’est essoufflé qu’il demanda :

 « Où as-tu appris à te battre ainsi ? J’ai eu les meilleurs professeurs et aucun n’avait ta capacité à parer mes attaques. Qui t'a formé ? »

  Elle ne répondit pas, à la place, elle disparut soudainement. Perturbé par l’énergie qui se déployait dans l’arène, Nago oublia de rester silencieux pour prévenir son partenaire.

 « Derrière toi ! »

  Yugh le fit taire d’un coup de pied acrobatique dans la mâchoire. Le loup ne savait pas ce qu’avait fait Cheveux-Rouge pour créer une diversion pareille mais il ne manqua pas l’occasion. La diversion fonctionna pourtant dans les deux sens. Sand écouta son partenaire et se retrouva précisément dans la configuration souhaitée. Cheveux-Rouge frappa par derrière et le combat s’acheva.