Bon gré, mal gré, pieds et poings liés [3/4]

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  Le système d’alarme s’activa. La sonnerie stridente réveilla Suna. L'appartement était enfumé. Il y avait le feu. Le temps que les secours interviennent après son signalement, Suna s’était déjà précipitée dans la chambre en flamme pour en sortir Mora. La fumée l’avait affaiblie sans la réveiller. Les infirmiers prirent soin d’elle tandis que le brasier à l’intérieur de la chambre prenait plus d’ampleur. Suna s’inquiéta pour Arya qui était toujours dans la chambre. Pourtant, on empêcha la guerrière d’y retourner. Les tuniques bleues tinrent la courageuse jeune femme hors de l’incendie tandis qu’ils se préparaient à étouffer les flammes.

 « Il y a encore quelqu’un à l’intérieur, bande d’imbéciles ! éclata Suna en résistant. Si vous aspirez l’air, elle va étouffer !

 — Mademoiselle, laissez-nous faire notre travail. »

  Ils prirent la nouvelle donnée en compte et invoquèrent un démon aqueux qui aspergea la fournaise. Une épaisse vapeur se dégagea par la porte et la fenêtre qui avait explosé sous le choc. Suna rongea son frein en simple témoin. Pourvu qu’Arya n’ait rien. Mora avait été emmenée à l’infirmerie. L'odeur de brûlé lui piquait les narines, les larmes lui montaient aux yeux. Mais c'était uniquement à cause de la fumée.

  Tirée inopinément de son sommeil, il fut difficile pour Lola de comprendre ce qu’il se déroulait dans leur appartement. Huit étrangers se tenaient dans le salon. L’esprit embrumé, elle demanda :

 « Qu’est-ce qu’il se passe?

 — Ne fais pas attention à la fumée, ce sera bientôt nettoyé. Va te recoucher, Lola, répondit aussitôt Suna pour préserver la cadette. Ce n’est rien.

 — Ah d’accord, bailla-t-elle en tournant les talons. Bonne nuit, à demain.

 — Bonne nuit. »

  Ce ne fut qu’une fois recouchée, bien au chaud dans son lit, que les informations furent traitées par le cerveau de Lola. Elle repoussa promptement les draps et se rua dans le salon, complètement réveillée.

 « Il y a le feu ? Tout le monde va bien ? »

  Entre l’inquiétude pour leurs camarades et le soutien sans faille qu’elle devait apporter à Lola, Suna n’hésita pas. Elle se rapprocha de son amie et lui expliqua calmement ce qu’elle savait. La cadette plaqua ses mains contre sa bouche et commença à sangloter, saisie par l’émotion. Suna la prit dans ses bras et la berça pour la calmer.

  Un homme cria soudain de la chambre :

 « Apportez un brancard ! »

  Les cris engendrèrent une nouvelle activité. Arya fut sortie des décombres de la chambre. Suna et Lola furent soulagées. L’équipe de secours évacua la deuxième locataire puis nettoya les dégâts matériels. Suna persuada Lola d’aller se remettre au lit. Elle n’accepta qu’à condition de partager le sien. L’aînée accepta et se força au calme pour rassurer Lola. Les tuniques bleues s’en allèrent bientôt faire leur rapport sur l’incident avant que tout redevienne calme, comme si rien ne s’était passé.


#


  Les alarmes avaient mis l’équipe médicale sur le pied de guerre. Un incendie dans les dortoirs. Luc Nandru imagina le pire en apprenant qui logeait dans la chambre en question. Et le pire dépassa son imagination quand il aperçut Mora Alayne sur le premier brancard. Dans quel état se mettrait Arya en apprenant qu’elle avait mis son amie en danger ? Il s’occupa personnellement de l’examen pendant que sa collègue nettoyait la suie sur le visage de la patiente. Après diagnostique, l’infirmière fut chargée de mettre la patiente en bulle d’oxygène.

  Ils avaient à peine achevé la prise en charge de Mora quand Arya leur fut amenée. Luc se précipita pour la scanner et évaluer le danger. Son énergie était stable mais incroyablement élevée. Ce n’était pas normal. Il la fit transporter immédiatement en salle de quarantaine avant de renvoyer les tuniques bleues.

  Les multiples manipulations de Luc éveillèrent Arya qui se redressa, hagard.

 « Où… suis-je ?

 — Tu es à l’infirmerie.

 — Nandru ?

 — Oh ! Tu sais, tu peux m’appeler par mon prénom maintenant. On commence à bien se connaître à force de se côtoyer, tu ne trouves pas ? »

  Arya voulut se redresser, il l’en empêcha.

 « Doucement, Princesse, tu devrais rester couchée jusqu’à ce que je finisse de t’ausculter.

 — Pour quoi faire ? Qu’est-ce que je fais là ? Pourquoi je ne suis pas dans ma chambre ?

 — Tu n’as aucune idée de ce qui a pu se passer ?

 — Non… Je dormais. J’ai fait un rêve. Enfin… ça a commencé par un rêve. Et puis…

 — Et puis ? Tu as senti quelque chose ?

 — Je me suis battue contre un serpent… Un serpent humain… »

  Elle le regarda paniquée. Il tâcha de ne pas laisser transparaître le jugement qu’il portait sur la situation. Arya comprit d’elle-même. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait des fuites.

 « Je ne me suis pas seulement battue dans mon rêve, c’est ça ?

 — C’est une bonne analyse. Toutefois, rassure-toi, tu n’as tué personne.

 — C’est censé m’aider ?

 — C’est une façon de dédramatiser les choses.»

  Dédramatiser ? Arya le repoussa et s’assit. Elle se sentait en pleine forme ce qui était toujours dérangeant après une crise. Elle fixa Luc qui l’observa en retour sans rien dire. Son silence ne plut pas à la princesse qui le fusilla du regard.

 « Si j’ai fait du mal à quelqu’un, il faut que tu me le dises.

 — Eh bien, au sens strict du terme tu n’as blessé personne. Ton amie a juste été légèrement asphyxiée par la fumée qui s’est dégagée des objets auxquels tu avais mis le feu. Cause à effets indirects.

 — Mora ! »

  Arya bondit du lit et se retrouva dans les bras du médecin. Il se montra doux mais ferme. Elle ne quitterait pas la quarantaine.

 « Navré ma chère, mais tu ne bouges pas d’ici sans ma permission. Qui sait ce qu’il peut encore se produire.

 — Qu’est-ce que tu vois ? demanda-t-elle en se rallongeant gentiment.

 — Question pertinente. Veux-tu un bonbon ou la vérité ?

 — Tu te fiches de moi ?

 — Bien. La vérité donc : ton énergie est trop élevée. Stable, mais beaucoup trop élevée.

 — C’est ta potion qui m’a fait ça ! l'accusa-t-elle aussitôt.

 — Je l’ignore encore. Inutile de t’énerver par conséquent. Il faut que je vérifie quelque chose. Peux-tu attendre ici sans chercher à t’enfuir ?

 — Est-ce que j’ai le choix ?

 — Pas vraiment. »

  Arya soupira et roula pour lui tourner le dos. Il la remercia et quitta la chambre. Luc ferma la porte et verrouilla la quarantaine. L’inconfortable sensation d’être enfermée mit la princesse mal à l’aise et elle se recroquevilla contre le mur pendant que le médecin retournait aux archives.

  Le temps de retrouver les dossiers qui traitaient de la potion, Luc avait mentalement retourné la formule dans tous les sens. L’équilibre de cette dernière était quasiment parfait. Qu’est-ce qui avait mal fonctionné ? Il l’avait pourtant reproduite sans rien modifier.

  Il lui fallut une heure de recherche approfondie avant de tomber sur un document capital : le détail de la construction de la formule. Le chercheur avait annoté les effets désirés. Avec horreur le jeune médecin réalisa son erreur. Il aurait préféré trouver ce document avant de donner la potion à Arya. Mais le mal était fait, à lui de trouver une solution. Peut-être qu’en remaniant la formule, il parviendrait à supprimer l’effet indésirable : stabiliser l’énergie sans la décupler.

  Du bruit dans le couloir le bouscula. Luc fit une copie du document, remit le reste à sa place puis remonta à l’infirmerie sans se faire voir. Maître Gyptah discutait avec les infirmiers. Il devait être quatre heures du matin, il était très étonnant de voir le maître debout avant midi. Luc plia le document et le rangea avant de les rejoindre. Son référent le salua chaleureusement :

 « Ah ! Voilà mon élève prodige ! Où t’étais-tu caché ? Tes patients t’attendent !

 — Merci de nous honorer de votre présence, maître.

 — Roh tu sais… Je passais juste en coup de vent avant de retourner à mes recherches. »

  Luc hocha de la tête respectueusement. Son regard s’échappa vers la salle de quarantaine un bref instant. Pourvu qu'Arya reste tranquille. Par bonheur, Gyptah captait toute l'attention. Il semblait sobre et plein d’énergie. Le maître leur expliqua qu’il allait s’atteler à un nouveau sujet de recherche. Pour cette raison il serait moins présent. Ce détail fit intérieurement ricaner Nandru qui assurait déjà plus de la moitié du travail que le maître aurait dû accomplir en temps normal. Qu’est-ce qui allait lui échoir en plus ? La perspective d’être encore plus occupé ne lui plaisait pas. Luc espérait vraiment avoir le temps de s’occuper d’Al’raï. Son problème était préoccupant et pas seulement pour elle-même.

 « Luc ? Je peux avoir ton attention une seconde ? »

  Les infirmiers étaient retournés à leurs tâches. Ne restaient que les deux médecins en tête à tête. Le maître s’assura que personne n’écoutait. Il se rapprocha de son élève pour lui proposer à voix basse de le seconder sur ses prochaines recherches. Luc fit mine d’être intéressé afin d’en apprendre plus.

 « Il semblerait qu’une nouvelle élève soit particulièrement intéressante. Le Gardien m’a donné l’autorisation de l’étudier. Es-tu prêt à m’assister ? Il se pourrait que ce soit un sujet complexe. Elle aurait des difficultés à gérer sa magie.

 — Qui est-ce ? demanda-t-il en redoutant le pire.

 — Je te donnerais tous les détails plus tard, si tu veux bien me rejoindre au laboratoire.

 — Dès que j’ai fini ma tournée.

 — Parfait ! »

  Luc regarda son maître s’en aller en chantonnant et claquant des doigts. Cela n’avait rien de réjouissant. Le jeune médecin fit immédiatement le lien avec Arya. Connaissant son référent, cela n’aurait rien d’une simple observation de comportement.

 « Luc ! Al’raï te demande.

 — J’arrive. »

Ж

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