Boom, boom, mon cœur fait boom [3/4]

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  Arya s'éveilla et ouvrit les yeux. Elle sentit tout de suite que quelqu’un tenait sa main. Elle tourna la tête vers la personne à son chevet et mit du temps à la reconnaître. Cheveux blancs, plus longs que ceux de Luc. À moins qu’elle ait dormi très longtemps, ce n’était pas le médecin.

  En sentant Arya s’agiter, Xaan se redressa et croisa son regard. Il lui offrit un sourire presque gêné avant d’appeler du renfort en lâchant sa main. Luc arriva aussitôt et le remplaça. Arya ne détacha ses yeux de Talin qu’une fois qu’il eut disparu de son champ de vision. Nandru suivit son regard en souriant.

 « Oui, il y avait pas mal de monde pour veiller sur toi cette fois-ci. Aussi étrange que cela paraisse. Tu me laisses prendre un peu de ton sang pour l’étudier ?

 — … hh... »

  Sa gorge était sèche, sa langue pâteuse. Elle fut incapable d’articuler correctement un son. Luc lui tendit un verre d’eau. Elle le but d’une traite. Puis elle retenta la voix rocailleuse :

 « Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

 — Tu as fait un malaise. Encore. C’est Talin qui t’a trouvée. Zoann te cherchait partout parce que tu avais disparu. Ils sont arrivés ensemble. Puis tu as encore voulu refaire la décoration de la chambre, ajouta-t-il en regardant autour. Là-dessus, notre loup préféré est arrivé et a plongé tête la première pour te calmer. Surtout ne lui dit pas que je te l’ai dit, je tiens à ma virilité. Tu lui as donné matière à râler pour des décennies.

 — Je l’ai blessé ?

 — Oh, seulement quelques bosses. Ne t’en fais pas, il a la tête dure.

 — Je suis désolée, répondit-elle épuisée, la voix réduite à un simple souffle.

 — Ne le sois pas. J’ignore ce qui te cause ces crises. Et ce n’est définitivement pas ma potion. Autre chose te perturbe et provoque tes pertes de… Peu importe. Tu dois te reposer. Je suppose que Talin a dû partir vu qu’il a fait son quart. Je pense que Suna va le remplacer.

 — Depuis quand ça dure ?

 — Six heures sans incident et sans potion. C’est déjà pas mal, tu ne crois pas ? »

  Elle hocha la tête et referma les yeux. Luc lui pressa gentiment la main puis sortit. La guerrière le remplaça, s’assit sur le tabouret au chevet de la princesse.

 « Salut. »

  Arya sourit faiblement et la salua dans un chuchotement. Suna sourit et prit sa main. Elle la serrait un peu fort, s’en rendit compte et la lâcha presque. La guerrière soupira et se racla la gorge.

 « Bon, on m’a dit de faire ça, alors tu ne me juges pas, d’accord ?

 — Promis…

 — Tu nous as fichu une sacrée peur, tu sais ?

 — Désolée.

 — Non, c’est moi. Le doc a dit qu’il fallait te ménager, histoire que tu ne refasses pas une crise. Alors tu sais quoi, je vais plutôt parler de bonnes nouvelles : Lola a eu une idée. Elle a entendu dire qu’il y avait une nouvelle prêtresse avec des dons de voyance assez particuliers. Elle veut y amener Mora pour voir si elle peut faire quelque chose. Je pensais qu’on pourrait y aller ensemble. Qu’est-ce que tu en dis ?

 — C’est une bonne idée. »

  Arya battit des paupières en luttant pour ne pas sombrer dans les limbes du sommeil et observa Suna. La princesse exprima la première chose qui lui passa par la tête :

 « Je suis épuisée.

 — Alors dors, je suis là ; je te protégerai. »

  Cette affirmation rassura Arya qui roula sur le côté pour se rapprocher de la guerrière. Cette dernière ramena la couverture sur son épaule et la veilla avec attention. Zoann passa la tête à la porte un instant, ils échangèrent quelques mots à voix basse. Le loup jeta un œil aussi puis s’en alla. Le médecin scanna sa patiente plusieurs fois avant de la laisser se reposer. Suna ne faillit pas et resta à ses côtés, lui parla doucement quand elle la sentait s’agiter dans son sommeil. Garder le contact semblait l'apaiser.


Ж

  Alors que les choses semblaient rentrer dans l’ordre pour Arya, Zoann fut le témoin d’une scène à la sortie de l’infirmerie. Le loup et le Champion se dévisageaient en chien de faïence pour une obscure raison. L’arkien bloquait le passage avec autorité. Le bagrilien intervint avec légèreté quand il prit conscience de la tension qui régnait dans le couloir :

 « C’est gentil de m’avoir attendu, Wolfgang !

 — Je t’ai demandé ce que tu lui avais fait ! attaqua le loup sans accorder un regard à Zoann.

 — D’accord, se reprit ce dernier, vous ne m’attendiez pas. »

  Xaan accorda un regard fatigué au nouvel arrivant. Il avait autre chose à faire que de ménager l’ego d’un arkien sous pression. Son geste mit Wolfgang hors de lui :

 « Je ne vais pas me répéter encore une fois ! J’attends une réponse !

 — Comme je l’ai déjà dit : je ne lui ai rien fait ! soupira l’assassin. Elle s’est évanouie dans les bois et je l’ai portée jusqu’ici. Qu’est-ce que tu veux entendre au juste ? Qu’on s’est battu et que je l’ai blessé ? Ce serait un mensonge ! Tu veux un coupable ? Fais-toi plaisir : désigne-moi comme coupable. Ça m’est complètement égal.

 — Hé ! Les gars, du calme. Pourquoi s’énerver ?

 — J’ai senti qu’elle était en danger, insista le loup en prenant Zoann à partie. J’ai vu une ombre et ça m’a mené jusqu’ici. Et là, je le vois ! Avec un humain en capuche derrière lui ! Qu’est-ce que ça veut dire selon toi ?

 — Que tu as des problèmes de vue sans doute, le provoqua l’assassin.

 — Ne te fous pas de moi !

 — Du calme… »

  Zoann s’interposa tranquillement et fixa le loup. Il lui demanda de plus amples explications avant de se retourner vers Xaan et de pencher la tête avec surprise.

 « Hé ! Mais… Il a raison !

 — Raison de quoi ? s’écria Talin avec lassitude.

 — Il y a bien un homme encapuchonné derrière toi. »

  Vivement, Xaan se retourna, ne vit personne et leur refit face.

 « Vous vous moquez de moi ?

 — Je t’assure que non. Il y est toujours. »

  L’arkien fut content d’être pris au sérieux même s’il n’obtenait aucune réponse satisfaisante de Cheveux-Blancs. Complaisant, Zoann tacha de décrire ce qu’il voyait avec exactitude. Cela permit à Yugh de se calmer et à Xaan d’enregistrer chaque information avant de s’en aller sans que le loup le retienne. Il fallait qu’il en parle à la vieille. Elle saurait forcément ce qu’il se passait. Et si le Gardien lui avait collé un chaperon pour s’assurer qu’il ne divulguait pas ses secrets ou quelque chose dans ce genre ? Il fallait que la vieillarde lui réponde. Talin n’avait pas essayé de la contacter depuis qu’elle était partie mais elle serait probablement heureuse d’apprendre qu’il se débrouillait bien sans massacrer à tour de bras ceux qui le dérangeaient.

"Oh, tu sais, ça ne me dérangerait pas que tu en élimines certains, mais comme je n’ai pas envie que tu me contactes toutes les deux minutes pour avoir ma permission, j’ai fait au plus simple en t’interdisant de le faire tout court."

  Xaan sursauta au milieu d’un couloir désert. Il ne s’attendait pas à une réponse immédiate. Hevlaska avait gardé la main mise sur lui ou bien venait-elle de passer à nouveau ses défenses ?

"Je t’avais prévenu : je ne te quitte pas. Je suis presque déçue par tes hypothèses, mais je ne jouerai pas aux devinettes avec toi. Si je ne suis pas intervenue, c’est parce que tu fais ce qu’il faut.

"Oh ! C’est un compliment ?"

  La présence de la vieillarde s’évapora. Xaan soupira. Il n’avait pas eu de réponse à ses questions. Et cette histoire l’interpellait sincèrement. Pourquoi Wolfgang et Vulcain voyaient-ils cette ombre ? Est-ce qu’Al’raï l’avait vue également ? Était-ce cela qui l’avait perturbée ? Il eut un sursaut d’orgueil : il n’avait pas à prendre la responsabilité de l’incident d’Al’raï. Xaan n’avait rien fait, rien de répréhensible en tout cas.

  De retour dans sa chambre, Talin trouva Hevlaska debout au milieu de la pièce. Pris par surprise, l’assassin lança une dague qui se ficha dans l’armoire derrière elle.

 « Si tu voulais me tuer c’est raté ! lança-t-elle piquante.

 — Prévenez, bons dieux ! Heureusement que j’ai de bons réflexes.

 — Tu es sérieux ? De bons réflexes ? Tu m’as raté, imbécile.

 — Parce que j’ai détourné mon lancer de justesse.

 — Ben, voyons ! »

  Exaspéré, il soupira et traversa la pièce pour récupérer sa dague. La vieille s’écarta à peine de son chemin en l’observant. Elle râla à propos de son port d’arme avant de se taire. Xaan la fixa en silence puis entra dans le vif du sujet.

 « Est-ce que le Gardien me fait suivre ?

 — Il a autre chose à faire en ce moment, pourquoi ? Tu te sens suivi ?

 — Deux gars m’ont dit qu’une ombre me suivait. »

  Hevlaska se mit à rire. Décontenancé, Xaan laissa retomber ses bras le long de ses cuisses. Il ne comprenait pas l’origine de son hilarité. La vieille ne lui expliqua pas immédiatement que l’ombre s’était lui. Elle préféra savourer son expression déconfite. Puis elle eut pitié de lui :

 « Demande-toi plutôt pourquoi ces deux-là ont vu ce que tu es. C’est beaucoup plus important. Et pourquoi maintenant.

 — Pourquoi ?

 — Pourquoi quoi ?

 — Ne faites pas ça, je vous en prie !

 — Faire quoi ? »

  Talin soupira et quitta la chambre, la vieille ne lui dirait rien. Autant chercher des réponses ailleurs. Bien qu’il ne sache pas où chercher. Cela l’étonnerait que Vulcain et Wolfgang connaissent la raison pour laquelle ils avaient pu voir l’ombre derrière lui. Une ombre encapuchonnée avait dit le grand costaud. Il fallait qu’il se renseigne. La bibliothèque devait bien contenir des renseignements à ce sujet.


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